Lors du Conseil des ministres tenu le 11 avril 2025, le gouvernement congolais a adopté un projet de décret portant régime d’attribution des droits pétroliers à la Société nationale des hydrocarbures du Congo (Sonahydroc). Le texte définit les modalités d’attribution directe de ces droits à la société publique, ainsi que le régime juridique et fiscal applicable, dans le respect de la loi du 1er août 2015 régissant le secteur des hydrocarbures.
Ce projet de décret s’inscrit dans le cadre de la nouvelle stratégie de la République démocratique du Congo (RDC) visant à relancer les travaux d’exploration et à dynamiser la production pétrolière. L’objectif affiché est de mieux valoriser le domaine pétrolier national.
Selon le compte rendu du Conseil des ministres, cette stratégie prévoit, « dans l’immédiat », l’attribution à la Sonahydroc des droits pétroliers pour les blocs 1 et 2 du Graben Albertine. Cette attribution se fera sur la base d’un contrat de services.
Le contrat de services est présenté comme plus avantageux qu’un contrat de partage de production. Il offre un régime fiscal plus attrayant et permet d’éviter le versement d’un bonus à la signature.
Par cette démarche, les autorités congolaises espèrent attirer de nouveaux investisseurs étrangers dans le secteur pétrolier. Une fois les droits acquis, la Sonahydroc aura pour mission de valoriser ces blocs, en s’associant à des entreprises locales et internationales.
Depuis juillet 2022, la RDC cherche des partenaires pour exploiter 27 blocs pétroliers. Après un appel d’offres annulé en octobre 2024, le ministre des Hydrocarbures avait annoncé, un mois plus tard, la relance du processus d’attribution des blocs pour le premier trimestre 2025. Aimé Molendo Sakombi précisait cependant que le pays privilégierait désormais les « appels d’offres restreints pour certains blocs stratégiques ».
Mais c’est une tout autre stratégie qui semble mise en œuvre. Selon le compte rendu du Conseil des ministres du 11 avril, cette nouvelle orientation s’inscrit dans le cadre de la lettre de mission de la Première ministre, qui préconise une meilleure organisation de l’attribution des blocs pétroliers et un renforcement du rôle de l’État dans la chaîne de valeur.
Selon la présidence congolaise, les réserves pétrolières réparties sur les 27 blocs explorables du pays seraient estimées à 22 milliards de barils. D’autres sources, plus prudentes, ramènent cette estimation à environ 5 milliards de barils. De son côté, le CIA World Factbook, publication relevant du principal service de renseignement des États-Unis, évalue les réserves prouvées à seulement 180 millions de barils.
Ronsard Luabeya, stagiaire
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Tenke Fungurume Mining (TFM) et Kisanfu Mining (KFM), les deux filiales en République démocratique du Congo (RDC) du groupe chinois China Molybdenum Corporation Limited (CMOC), ont généré en 2024 un chiffre d’affaires de 50,6 milliards de yuans renminbi, soit environ 7,05 milliards de dollars, sur la base du taux de change moyen de l’année. Cette performance représente une hausse de 80,71 % par rapport à 2023, et équivaut à près de 40 % du budget national de la RDC pour 2024.
Dans le détail, CMOC a vendu 689 521 tonnes de cuivre, générant plus de 41,8 milliards de yuans (soit 5,82 milliards de dollars), et 108 892 tonnes de cobalt, pour plus de 5,7 milliards de yuans (environ 1,22 milliard de dollars).
La RDC représente ainsi 77,5 % des minerais directement exploités et commercialisés par le groupe chinois dans le monde. Même si CMOC, via sa filiale suisse IXM, spécialisée dans le négoce de matières premières, commercialise aussi des ressources achetées auprès d'autres producteurs. Le pays a également généré la plus forte marge brute du groupe (47,1 %), malgré l’augmentation des coûts d’exploitation, notamment miniers.
« Au cours du premier semestre 2024, trois lignes de production du projet de minerai mixte de TFM ont atteint leurs objectifs et normes de production. En conséquence, TFM disposait de cinq lignes de production, avec une capacité annuelle de 450 000 tonnes de cuivre. Combinée à la capacité de KFM, estimée à 150 000 tonnes, l’entreprise exploitait six lignes de production en RDC, pour une capacité totale dépassant les 600 000 tonnes par an », expliquent les responsables du groupe.
Cette croissance des performances de la RDC dans les opérations de CMOC intervient dans un contexte de marché contrasté. Si les prix du cuivre sont restés relativement stables en 2024, ceux du cobalt ont enregistré un repli, passant de plus de 28 000 dollars la tonne en janvier 2024 à environ 24 000 dollars en fin d’année, soit une baisse de 26,57 %.
Dans ce contexte, les autorités congolaises ont suspendu temporairement les exportations de cobalt fin février 2025, pour une durée initiale de quatre mois, dans l’objectif de stabiliser les prix sur un marché en situation de surproduction.
Défis réglementaires
Malgré cette suspension, CMOC continue sa production à un rythme soutenu. Au premier trimestre 2025, le groupe a produit 30 414 tonnes de cobalt, soit une hausse de 20,7 % par rapport à la même période en 2024. Il maintient par ailleurs ses prévisions annuelles entre 100 000 et 120 000 tonnes.
Cette stratégie d’accumulation de stocks traduit la confiance du groupe dans une reprise prochaine des exportations et une potentielle remontée des prix. Depuis l’annonce de la suspension, le prix du cobalt a d’ailleurs augmenté de 57 %, selon les données disponibles sur les marchés.
Les filiales congolaises de CMOC représentent désormais plus de 70 % de la production mondiale de cobalt, confirmant le rôle stratégique de la RDC comme acteur clé de la chaîne d’approvisionnement mondiale en métaux critiques pour la transition énergétique. Selon les statistiques nationales, les exportations de TFM et KFM ont représenté environ 60 % des volumes totaux de cobalt exportés par la RDC en 2024, et près de 45 % des exportations de cuivre, générant d’importants revenus pour l’État congolais sous forme de redevances minières et de taxes diverses.
Les perspectives de CMOC en RDC restent favorables, malgré certains défis réglementaires. Le groupe devra toutefois évoluer dans un environnement complexe, marqué par les tensions géopolitiques entre la Chine et les États-Unis, l’évolution de la demande mondiale de métaux pour batteries, et les exigences croissantes en matière de traçabilité des chaînes d’approvisionnement.
Sa stratégie de diversification et d’intégration verticale, combinée à des investissements dans des infrastructures durables, pourrait lui permettre de maintenir sa trajectoire de croissance, tout en répondant aux enjeux environnementaux et sociaux liés à l’exploitation minière en Afrique centrale.
Georges Auréole Bamba
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Alphamin Resources a annoncé, le 9 avril 2025, la reprise progressive de ses activités de production sur la mine d’étain de Bisie, située dans la province du Nord-Kivu, en République démocratique du Congo (RDC). Dans un communiqué, l’entreprise indique que cette décision fait suite au retrait des « groupes armés » dans la zone.
Il y a quelques jours, les rebelles du M23 et leurs soutiens rwandais se sont déplacés de la cité de Walikale, située à 48 kilomètres de la mine, vers Nyabiondo et Masisi, soit à plus de 130 kilomètres à l’est du site minier.
Estimant que la sécurité de ses employés et sous-traitants n’était plus garantie, Alphamin avait décidé, un mois plus tôt, de suspendre temporairement ses opérations à Bisie. À l’époque, les rebelles se trouvaient à Kashebere, à 172 kilomètres du site.
La reprise des opérations intervient donc alors que les groupes armés sont plus proches de la mine, ce qui suggère que d’autres facteurs ont pu influencer la décision de l’entreprise.
Intérêts américains
On peut désormais affirmer que la relance des activités d’Alphamin à Bisie a été encouragée par le gouvernement américain. « C’était très triste de les voir suspendre leurs opérations… Nous les encourageons définitivement à reprendre leurs opérations », a déclaré Massad Boulos, conseiller principal pour l’Afrique du président Donald Trump, lors d’une conférence de presse tenue le 9 avril à Kigali, au Rwanda.
Massad Boulos achevait alors une visite de plusieurs jours dans la région des Grands Lacs. Selon le département d’État américain, cette mission visait à « favoriser les efforts en vue d’une paix durable dans l’est de la RDC » et à « promouvoir les investissements du secteur privé américain dans la région ».
Dans le contexte mondial de compétition pour l’accès aux métaux critiques, la mine d’étain de Bisie, qui a fourni plus de 6 % de l’offre mondiale en 2024, représente un enjeu stratégique pour les intérêts américains. Alphamin Resources, qui exploite ce site, est détenue à 57 % par Denham Capital, un fonds d’investissement fondé en 2004 et basé dans le Massachusetts, aux États-Unis.
Par ailleurs, Gerald Metals, négociant de métaux et matières premières associé, reste jusqu’en 2028 l’acheteur exclusif de la production d’étain de Bisie, conformément à un accord initialement conclu en 2018 et renouvelé en janvier 2024. Fondée en 1962 aux États-Unis, cette entreprise commercialise l’intégralité de la production de Bisie, principalement destinée aux industries de haute technologie.
Marché sous tension
Durant la suspension temporaire de ses opérations en RDC, Alphamin Resources a continué d’alimenter le marché, grâce à une production de 4 270 tonnes enregistrée au premier trimestre 2025. Mais une interruption prolongée aurait risqué de réduire l’offre mondiale d’étain, surtout que les récents tremblements de terre au Myanmar — pays qui fournit environ 10 % de l’offre mondiale d’étain — ont également perturbé la production.
C’est pourquoi la reprise des activités a été saluée par l’Association internationale de l’étain (ITA), qui estime qu’elle devrait permettre d’éviter la forte tension redoutée au deuxième trimestre sur ce marché.
Avec l’annonce de la reprise des activités d’Alphamin Resources en RDC, le cours de la matière première a d’ailleurs reculé : la tonne d’étain s’échangeait à 33 650 dollars à la Bourse de Londres, contre 34 930 dollars lors de l’annonce de la fermeture de la mine de Bisie. La tonne est projetée à 29 550 dollars dans trois mois.
Malgré la suspension de ses activités en mars, l’action d’Alphamin a enregistré une hausse de plus de 27 % depuis le 13 mars, pour clôturer à 0,77 dollar canadien le 9 avril 2025 à la Bourse de Toronto.
Pierre Mukoko et Timothée Manoke, stagiaire
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Après une hausse de 3,6 % le 9 avril 2025, les contrats à terme sur le cuivre ont reculé de 1,4 % à l’ouverture du marché financier de Shanghai ce 10 avril. Les prix restent toutefois proches des 9 800 dollars la tonne, soutenus par la décision de l’administration américaine de prolonger de 90 jours la pause sur certains tarifs douaniers, à l’exception notable de la Chine, jugée « récalcitrante ».
Comparé au pic atteint en mars 2025, le prix du cuivre affiche une baisse de 20 %. Dans un premier temps, l’annonce de nouvelles taxes par le président Donald Trump a entraîné une hausse temporaire de la demande américaine, liée à des achats de précaution pour constituer des stocks. Mais une fois précisé que plusieurs produits, dont le cuivre, seraient exemptés, les marchés ont amorcé un ajustement à la baisse.
La situation en Chine, principal consommateur mondial de cuivre avec 36,9 milliards de dollars d’importations en 2024 (soit 42 % de la demande globale), accentue l’incertitude. Pékin reste la cible principale des tarifs douaniers américains, désormais portés à 104 %, et subit également des restrictions sur le marché européen. Or, les autres marchés n’absorbent pas ses exportations avec la même valeur ajoutée. Des signes de ralentissement économique sont en outre observés sur le plan interne.
Cette conjoncture se reflète aussi dans la forte hausse des stocks de cuivre à Shanghai, passés de 70 000 tonnes en janvier 2025 à 268 600 tonnes à la mi-mars, un niveau record depuis quatre ans.
En République Démocratique du Congo, deuxième producteur mondiale de cuivre, cette dynamique mérite une attention particulière. Le cuivre, exploité notamment par des groupes chinois tels que CMOC, CATL ou Zijin Mining, reste la première source de devises du pays. En 2024, le secteur minier a dominé la sous-traitance, avec près de 2 milliards de dollars de contrats attribués à des entreprises congolaises, dont plus de la moitié proviennent d’acteurs à capitaux chinois.
Face à l’incertitude croissante, BNP Paribas prévoit un repli des prix autour de 8 500 dollars la tonne. Cette tendance baissière est partagée par d'autres analystes, alors que la valeur boursière des entreprises spécialisées dans le cuivre – de Hong Kong à Toronto, en passant par Londres et New York – a reculé ces trois derniers mois. Des sociétés comme Ivanhoe Mines (active en RDC) ou Freeport McMoRan n’échappent pas à la pression.
Cependant, les recettes minières de la RDC ne devraient pas être affectées négativement à court terme. Dans sa loi de finances 2025, le gouvernement a en effet retenu une hypothèse de prix du cuivre fixée à 7 909,57 dollars la tonne, en deçà des niveaux actuels.
Georges Auréole Bamba
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Au moins 1 600 entreprises exploiteraient illégalement les ressources minières dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), a révélé le gouverneur du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi Sadiki, lors d’une audition devant la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale française. Cette audition, tenue le 2 avril 2025, portait sur la situation sécuritaire et économique dans l’est du pays.
À son arrivée à la tête de la province, le 24 juin 2024, le gouverneur a lancé une restructuration du secteur minier. Un mois plus tard, le 18 juillet, il a pris un arrêté suspendant les activités minières, dans le but de recenser les sociétés opérant dans l’illégalité et de les engager dans un processus de régularisation. « Nous attendions 400 entreprises, mais 1 600 se sont présentées, dont certaines opèrent depuis 8 à 10 ans sans permis d’exploration ni d’exploitation, sans payer de taxes ni être enregistrées », a-t-il déclaré.
Selon l’autorité provinciale, ces sociétés — majoritairement à capitaux chinois — ne représentent que la partie visible d’un vaste réseau d’exploitation illégale portant sur des ressources comme l’or, le coltan, la cassitérite, le cuivre ou encore les diamants.
À l’instar de plusieurs experts de l’ONU, Jean-Jacques Purusi Sadiki estime que ce réseau profite au Rwanda, qui, grâce à ses infrastructures et à une chaîne logistique plus structurée, s’impose comme une porte d’entrée pour les multinationales. Ces dernières, selon lui, contournent la RDC — perçue comme peu organisée — pour accéder à ses minerais à travers le pays voisin.
Guerre économique
À titre d’illustration, Jean-Jacques Purusi Sadiki affirme que près de 750 000 kg d’or sortiraient illégalement tous les six mois du Sud-Kivu pour être raffinés au Rwanda, « qui a compris le système et a installé ses usines de raffinage tout au bord de la frontière ». Le 17 mars 2025, l’Union européenne a d’ailleurs sanctionné la raffinerie rwandaise Gasabo Gold Refinery, accusée de traiter de l’or extrait illégalement en RDC. Kigali dément toute implication, mais ne fournit pas de preuves sur l’origine des minerais raffinés sur son territoire.
Toujours selon l’autorité provinciale une part importante de cette production illégale est ensuite exportée vers des pays du Moyen-Orient, notamment Dubaï, les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, qui en capteraient 67 %. L’Europe, de son côté, en recevrait moins de 2 %, tandis que le reste irait en Chine, précise-t-il.
Pour Jean-Jacques Purusi Sadiki, cette situation montre que la guerre à l’est est avant tout économique. Selon lui, le Rwanda poursuit trois objectifs : le contrôle des terres (« guerre de peuplement »), la domination commerciale (« 70 % du commerce rwandais se fait avec le Grand Kivu, et 60 % du commerce du Grand Kivu passe par le Rwanda »), et l’accaparement des ressources minières. Pour preuve, soutient-il, « la progression des rebelles du M23, soutenus par l’armée rwandaise, suit le positionnement des sites miniers ».
De son côté, le Rwanda affirme avoir seulement pris « des mesures de défense pour protéger sa souveraineté et son intégrité territoriale », face aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Réfugiées à l’est de la RDC depuis le génocide rwandais de 1994, les FDLR sont considérées par Kigali comme une « menace existentielle ».
Défis internes
Face à ce climat de tensions, le gouverneur soutient l’option d’un accord « minerais pour la paix, la sécurité et le développement ». Il s’agirait d’intégrer davantage les entreprises européennes et américaines dans l’exploitation des vastes ressources minières du pays.
À l’instar du président Félix-Antoine Tshisekedi, Jean-Jacques Purusi Sadiki mise sur le fait que la présence d’intérêts occidentaux dans la région pourrait dissuader les groupes armés et favoriser un retour à la stabilité. Sur cette base, Kinshasa discute en ce moment avec Washington d’un accord sur les minerais.
Mais l’expérience des premiers mois du gouverneur à la tête du Sud-Kivu montre aussi que la RDC devra s’attaquer à ses propres défis internes. Jean-Jacques Purusi Sadiki cite notamment la corruption, une fiscalité jugée confiscatoire, avec plus de 1 400 taxes, dont 147 qualifiées d’inutiles. Après un mois de réformes, il affirme avoir porté les recettes minières de la province de 500 000 à 1,75 million de dollars.
Goerges Auréole Bamba
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La production de cobalt du chinois CMOC en République démocratique du Congo (RDC) a atteint 30 414 tonnes au premier trimestre 2025, soit une hausse de 20 % en glissement annuel. C’est ce qu’indique la compagnie dans un rapport publié le 8 avril, relayé par Reuters, confirmant de fait une accumulation de stocks de cobalt dans le pays, alors que les exportations sont toujours suspendues.
En février 2025, le gouvernement congolais a en effet interdit les exportations de ce métal stratégique, dont la RDC contrôle plus de 70 % de l’offre mondiale. L’objectif affiché est de stabiliser le marché et de faire remonter les prix, fortement déprimés ces dernières années en raison d’un excédent alimenté notamment par des acteurs comme CMOC, qui a plus que doublé sa production de cobalt en 2024, atteignant 114 000 tonnes.
Malgré cette interdiction, CMOC a indiqué ne pas s’attendre à un impact sur ses opérations en RDC. Le gouvernement n’ayant pas suspendu la production elle-même, la compagnie chinoise a maintenu ses prévisions pour 2025, dans une fourchette comprise entre 100 000 et 120 000 tonnes de cobalt.
Si CMOC n’a pas expliqué en détail les raisons de cette décision, il convient de rappeler que le cobalt est un sous-produit de l’exploitation du cuivre sur ses mines de Tenke Fungurume et Kisanfu. Il est donc difficile d’en interrompre la production sans affecter celle du cuivre, dont les cours restent relativement élevés. La production de cuivre de CMOC a d’ailleurs enregistré une hausse de 15,7 % au premier trimestre 2025.
Par ailleurs, la suspension des exportations décidée par le gouvernement congolais est initialement valable pour une durée de quatre mois, laissant entrevoir pour CMOC la possibilité de reprendre ses exportations au cours de l’année. Le groupe pourrait alors bénéficier d’une hausse des prix, observée depuis la fin février. À la Bourse des métaux de Londres (LME), le prix du cobalt au comptant est en effet passé d’environ 21 000 dollars à 33 000 dollars la tonne entre fin février et fin mars, soit une hausse de 57 %.
« Ce niveau, le plus élevé depuis mai 2023, valide l’approche adoptée par le gouvernement et permet d’envisager, à court terme, un rétablissement significatif des contributions aux revenus de l’État issues de l’exploitation de cette ressource », indique le gouvernement congolais à l’issue du Conseil des ministres du 4 avril dernier.
Il n’est toutefois pas garanti que CMOC puisse profiter pleinement de cette embellie, dans la mesure où une prolongation de la suspension n’est pas exclue à Kinshasa. De plus, un afflux soudain de cobalt sur le marché mondial à la levée de la mesure pourrait exercer une nouvelle pression à la baisse sur les prix.
Pour prévenir ce scénario, la RDC envisage désormais de nouvelles stratégies visant à pérenniser l’équilibre du marché. Elle a notamment décidé d’instaurer des quotas d’exportation, sans toutefois préciser pour l’instant les volumes concernés ni les modalités d’application.
Emiliano Tossou, Agence Ecofin
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En République Démocratique du Congo (RDC), la mine de cuivre de Kamoa-Kakula a livré au total 133 120 tonnes de concentré de cuivre au premier trimestre 2025, contre 86 117 tonnes sur la même période l’année passée. Cette donnée dévoilée le 7 avril par l’opérateur canadien Ivanhoe Mines, indique une hausse de 58 % de la production trimestrielle en glissement annuel.
Cette performance a été soutenue par la forte activité de broyage des trois concentrateurs de la mine. Ces derniers ont, apprend-on, broyé un volume record de 3,72 millions de tonnes de minerai, avec un record quotidien de 51 528 tonnes de minerai fin mars. Le concentrateur de phase 3 s’est particulièrement démarqué, broyant à lui seul un volume de 1,51 million de tonnes de minerai au cours de la période sous revue.
Cette hausse trimestrielle s’inscrit dans les plans d’Ivanhoe Mines visant à accroître la production de Kamoa-Kakula en 2025. Dans ses prévisions annuelles, la compagnie table en effet sur une production comprise entre 520 000 et 580 000 tonnes de concentré de cuivre pour la mine, contre un total de 437 061 tonnes livré au terme de l’exercice 2024.
Ivanhoe Mines s’attend à des résultats opérationnels tout aussi dynamiques au cours des prochains mois, notamment au niveau du concentrateur de phase 3 où les teneurs en minerai devraient s’améliorer tout au long de l’année.
Pour rappel, l’État congolais détient 20 % d’intérêts dans la mine Kamoa-Kakula. Ivanhoe et Zijin Mining détiennent respectivement 39,6 %, alors que Crystal River Global Limited possède une part de 0,8 % du capital du projet.
Aurel Sèdjro Houenou, Agence Ecofin
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Avec la mise en service de la fonderie, prévue en mai 2025, les besoins énergétiques du complexe minier de Kamoa-Kakula devraient progressivement augmenter pour atteindre environ 240 MW lorsque les phases 1, 2 et 3, ainsi que la fonderie, fonctionneront à pleine capacité en 2026, estime Ivanhoe Mines, l’opérateur de la mine. Par rapport à mars 2025, où la consommation totale moyenne d’électricité se situait entre 130 et 140 MW, la demande devrait croître de 100 à 110 MW supplémentaires.
Dans un communiqué de presse publié le 7 avril, l’entreprise canadienne a présenté les initiatives mises en place pour couvrir cette hausse. Il en ressort que le complexe minier de Kamoa-Kakula pourrait, d’ici 2026, être entièrement alimenté par de l’énergie verte.
Au début du mois de mars, 100 MW provenaient de sources hydroélectriques, dont la moitié était importée de la Zambie ou du Mozambique, tandis que le reste des besoins était comblé par des groupes électrogènes diesel installés sur site, disposant d’une capacité totale de 160 MW. Grâce à un accord signé récemment, la quantité d’hydroélectricité importée est passée de 50 MW à 70 MW. Une nouvelle hausse des importations à 100 MW est attendue dans les prochains jours, selon Ivanhoe, ce qui porterait l’énergie propre disponible à 150 MW.
Cette puissance devrait continuer d’augmenter avec la mise en service de la turbine 5 d’Inga II, prévue pour le troisième trimestre 2025. D’une capacité de 178 MW, cette turbine a été modernisée par Ivanhoe Mines Energy, une filiale du groupe. Dès sa mise en service, Kamoa-Kakula devrait recevoir 50 MW supplémentaires d’hydroélectricité. Bien que cette puissance soit inférieure aux 70 MW initialement annoncés, elle permettrait à Ivanhoe de garantir un approvisionnement en hydroélectricité de 200 MW pour le complexe minier, à condition que les capacités importées soient maintenues à 100 MW.
Centrale solaire
L’apport de la turbine 5 d’Inga II devrait progressivement atteindre sa pleine capacité de 178 MW, à mesure que les travaux de renforcement du réseau seront achevés d’ici 2026, indique Ivanhoe. Ce niveau de production pourrait même permettre à Kamoa-Kakula de se passer des importations d’électricité, d’autant plus qu’un projet solaire, visant à garantir un approvisionnement constant de 30 MW, devrait être lancé en août 2025.
La société Kamoa Copper, détentrice du complexe, a signé début avril un accord d’achat d’électricité avec CrossBoundary Energy, un développeur spécialisé dans les solutions d’énergie renouvelable pour les entreprises. Ce dernier doit mettre en place à Kolwezi un système de production d’énergie renouvelable de base pour alimenter la mine. Le projet prévoit l’installation d’une centrale solaire photovoltaïque de 222 MWc, couplée à un système de stockage par batteries, capable de fournir une puissance constante de 30 MW.
« Cette augmentation d’énergie a renforcé la confiance de la direction du site pour finaliser la mise en service et initier le démarrage du four de fusion », indique Ivanhoe Mines dans son communiqué du 7 avril. Cette fonderie, dotée d’une capacité annuelle de 500 000 tonnes, devrait produire ses premières anodes de cuivre à 99,7 % de pureté dès juillet 2025, et atteindre environ 80 % de sa capacité d’ici la fin de l’année, selon les projections de l’entreprise canadienne. La consommation électrique du four devrait passer progressivement de 45 MW au démarrage à 70 MW en régime nominal.
Ivanhoe Mines prévoit par ailleurs de dépasser une production annuelle de cuivre de 600 000 tonnes en 2026, une fois le projet 95 achevé. Ce dernier vise à optimiser la récupération du concentré de cuivre, jusqu’à 95 %, pour les mêmes volumes de minerai extraits et à coûts opérationnels constants. Prévu pour être mis en œuvre au cours du premier trimestre 2026, le projet pourrait ajouter 30 000 à 40 000 tonnes de concentré à la production annuelle. Après avoir atteint 437 061 tonnes en 2024, la production est projetée en 2025 dans une fourchette comprise entre 520 000 et 580 000 tonnes.
Pierre Mukoko
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Au premier trimestre 2025, la mine de zinc de Kipushi, opérée par Ivanhoe Mines en République démocratique du Congo, a produit 42 736 tonnes de concentré de zinc. C’est ce qui ressort du rapport de production trimestriel publié par la société le 7 avril. Cette performance reflète la montée en puissance progressive du site, qui avait respectivement livré 18 946 tonnes et 32 490 tonnes aux troisième et quatrième trimestres de 2024.
Ivanhoe explique ce résultat par une dynamique opérationnelle soutenue au niveau du concentrateur de la mine, dont les taux de récupération ont atteint en moyenne 88 %. L’installation a broyé un volume record de 151 403 tonnes de minerai au cours de la période, avec une teneur moyenne de 53 % de zinc dans le concentré produit.
Entrée en production en juin 2024, la mine de Kipushi connaîtra en 2025 sa première année complète d’exploitation. Ivanhoe anticipe une production annuelle comprise entre 180 000 et 240 000 tonnes de concentré de zinc, contre 50 307 tonnes enregistrées en 2024. Mais à rythme constant, la production annuelle projetée atteindrait 170 944 tonnes, un niveau inférieur à la fourchette basse de l’objectif. Il faudra donc accélérer la cadence pour tenir les projections.
Les résultats du deuxième trimestre seront déterminants pour évaluer les chances d’atteindre les objectifs annuels.
Pour rappel, des problèmes opérationnels survenus en 2024 avaient déjà contraint Ivanhoe à revoir ses prévisions, les ramenant à 50 000 – 70 000 tonnes, contre une estimation initiale de 100 000 à 140 000 tonnes de concentré de zinc.
Aurel Sèdjro Houenou
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La société China Molybdenum Co., Ltd. (CMOC) a lancé, le 2 avril 2025, un appel d’offres pour sélectionner des entreprises chargées de réaliser des travaux électriques dans les localités de Kisanfu Gare et Koni, situées dans la province du Lualaba, en République démocratique du Congo (RDC). Les travaux prévus comprennent la construction d’une ligne moyenne tension interne de 2,5 km en 11 kV, la création de réseaux basse tension et l’installation d’un système d’éclairage public.
Les entreprises intéressées ont jusqu’au 7 avril 2025 pour soumettre leur candidature. Les dossiers doivent inclure les documents attestant de leur conformité aux exigences légales et financières, ainsi que des références prouvant leur expérience dans des projets similaires.
Cette initiative s’inscrit dans le cadre du développement du projet minier de Kisanfu, acquis par CMOC en décembre 2020 pour 550 millions de dollars auprès de Freeport-McMoRan. Le gisement est reconnu pour ses importantes ressources en cuivre et en cobalt, deux minerais clés dans la fabrication de batteries pour véhicules électriques.
CMOC est un acteur majeur dans le domaine de la sous-traitance en RDC. En 2024, selon un rapport partiel de l’Autorité de régulation de la sous-traitance dans le secteur privé (ARSP), le groupe a attribué, à travers ses mines de Tenke Fungurume et Kisanfu, plus de 985 millions de dollars de marchés aux entreprises locales, soit près de 50 % du volume global déclaré.
Boaz kabeya, stagiaire
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Après avoir fait de Kamoa-Kakula (RDC) la plus grande mine de cuivre d’Afrique, Ivanhoe Mines s’intéresse désormais à la Zambie, deuxième producteur continental du métal rouge. La compagnie, basée au Canada, a annoncé le 2 avril 2025 l’obtention d’un ensemble de licences d’exploration couvrant 7 757 km² dans la province zambienne du Nord-Ouest.
Cette concession est située à environ 230 km au nord-est du projet Western Forelands d’Ivanhoe, en République démocratique du Congo. Selon la société, la zone présente des similitudes géologiques avec les découvertes de cuivre déjà réalisées en RDC, notamment à Kamoa-Kakula. Ivanhoe mise ainsi sur le prolongement de la ceinture cuprifère qui s’étend entre les deux pays.
« Notre entrée en Zambie marque un nouveau chapitre passionnant dans l’engagement d’Ivanhoe Mines à étendre notre empreinte d’exploration et à tester l’étendue de la ceinture cuprifère d’Afrique centrale… qui est déjà la plus grande et la plus riche ceinture cuprifère sédimentaire au monde », a déclaré Robert Friedland, président exécutif de la compagnie.
#News - Ivanhoe Mines commences giant copper exploration program in Zambia
— Ivanhoe Mines (@IvanhoeMines_) April 2, 2025
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La question est désormais de savoir si Ivanhoe pourra reproduire en Zambie un succès similaire à celui obtenu en RDC. À Kamoa-Kakula, la compagnie affiche actuellement une capacité de production annuelle d’environ 600 000 tonnes de cuivre, qu’elle ambitionne de porter à plus de 800 000 tonnes à terme. Même sans atteindre de tels volumes, une réussite en Zambie permettrait à l’entreprise de diversifier sa production, qui repose aujourd’hui exclusivement sur ses actifs congolais.
Une réponse ne devrait toutefois pas être attendue avant plusieurs mois. Ivanhoe prévoit de nommer des consultants environnementaux au cours du deuxième trimestre 2025 pour élaborer un Plan de gestion environnementale (EMP), en vue de son approbation par l’Agence de gestion environnementale de Zambie (ZEMA). Parallèlement, la société procédera à l’analyse des données géophysiques aéroportées de la concession, en préparation d’un programme de forage par tarière et par Air Core. Ce travail permettra à l’équipe de géologues d’Ivanhoe de cartographier en détail la vaste zone sous licence, afin de définir les premières cibles pour de futurs forages au diamant. Ce sont les résultats ces opérations qui permettront d’avoir une idée du potentiel de cette concession.
Emiliano Tossou, Agence Ecofin
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Le soutien des États-Unis au développement d’une chaîne de valeur pour la production de batteries destinées aux véhicules électriques en République démocratique du Congo (RDC), comme envisagé dans un protocole d’accord (MoU) signé en décembre 2022, pourrait ne pas se concrétiser. Depuis son investiture en janvier dernier, le président américain, Donald Trump (photo), a engagé une série de mesures visant à renforcer l’approvisionnement du pays en minéraux critiques issus de sources locales.
Cette réorientation stratégique s’est traduite par la signature d’un décret mobilisant des pouvoirs d’urgence pour accélérer la production domestique de ces ressources, notamment le cuivre, considéré comme essentiel pour les technologies de la transition énergétique.
La nouvelle politique américaine met désormais l’accent sur l’extraction et le traitement des matières premières sur le territoire national, au détriment des segments en aval de la chaîne de valeur, tels que la fabrication de batteries ou de véhicules électriques à l’international. À titre d’exemple, l’administration Trump a suspendu la distribution des fonds issus de l’Inflation Reduction Act (IRA), initialement prévus pour soutenir les chaînes de valeur mondiales dans le domaine des batteries, afin de réévaluer leur utilisation selon les nouvelles priorités politiques.
Avec cette nouvelle orientation, la concrétisation des intentions américaines exprimées dans le protocole d’accord de décembre 2022 paraît incertaine. Dans ce document, Washington s’engageait à prendre des mesures pour promouvoir l’initiative de développement de batteries pour véhicules électriques en RDC auprès du secteur privé et des investisseurs américains. Cela pourrait inclure, selon le texte, « le développement commercial ainsi que l’exploration d’opportunités d’assistance technique afin de faciliter la participation potentielle du secteur privé américain à de tels projets ».
Le 26 mars 2025, la RDC a lancé les travaux d’aménagement de la Zone économique spéciale (ZES) de Musompo, dédiée à la production de précurseurs de batteries, de batteries, et potentiellement à l’assemblage de véhicules électriques à partir des matières premières locales. Située dans la province du Lualaba, riche en cobalt, cette zone vise à mobiliser près de 2 milliards de dollars d’investissements privés.
En 2023, Julien Paluku, alors ministre de l’Industrie, estimait pour sa part à 30 milliards de dollars l’investissement nécessaire pour implanter une première usine intégrée de fabrication de précurseurs de batteries, de batteries et de véhicules électriques. Il avait également affirmé que ce projet pourrait permettre à la RDC de « capter d’ici 2035–2040 près de 7 000 milliards de dollars » sur la chaîne de valeur mondiale.
Emiliano Tossou, Agence Ecofin
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En vue de renforcer ses positions dans la chaîne d’approvisionnement mondiale en lithium, le géant minier australien Rio Tinto s’intéresse à l’Afrique. Selon des informations rapportées le 28 mars 2025 par Bloomberg, qui cite des sources proches du dossier, la compagnie mène actuellement des discussions avec la République démocratique du Congo (RDC) concernant l’exploitation de la partie sud du gisement de Manono.
Rio Tinto s’est récemment imposé comme l’un des principaux fournisseurs mondiaux de ce métal stratégique, à la suite de l’acquisition d’Arcadium Lithium pour 6,7 milliards de dollars. Cette société détient plusieurs projets de développement en Argentine, aux États-Unis et en Asie.
Parallèlement, le groupe australien développe ses propres actifs de lithium, notamment à Rincon, en Argentine, et à Jadar, en Serbie. En 2024, Rio Tinto a également signé un partenariat avec le Rwanda en vue d’exploiter des gisements de minéraux stratégiques, dont le lithium.
Ce nouveau contact avec Kinshasa constitue néanmoins la première approche directe de Rio Tinto sur le continent africain pour un actif dont le potentiel est déjà reconnu. Manono est en effet considéré comme l’un des plus grands gisements de lithium inexploités au monde, avec des ressources minérales estimées à au moins 400 millions de tonnes.
Les discussions en cours en sont encore à un stade préliminaire, précisent les sources, et aucun accord n’a pour l’instant été conclu entre les parties.
Rio Tinto n’est d’ailleurs pas la seule compagnie internationale à s’intéresser au projet de Manono. Bloomberg a révélé la semaine dernière que l’Américain KoBold Metals — soutenu par Bill Gates et Jeff Bezos — a également proposé aux autorités congolaises un plan de développement pour la partie sud du gisement.
Des intérêts qui pourraient toutefois se heurter à ceux de la société australienne AVZ Minerals, détentrice actuelle du permis couvrant la partie sud du projet. L’entreprise est par ailleurs engagée dans une procédure judiciaire contre la société d’État Cominière, qu’elle accuse d’avoir scindé illégalement le permis d’exploitation de Manono. Cette scission avait conduit à la création de Manono Lithium SAS, une coentreprise entre Cominière et le groupe chinois Zijin Mining, qui développe aujourd’hui la partie nord du gisement.
L’intérêt manifesté par Rio Tinto intervient dans un contexte où les perspectives à long terme du marché du lithium sont jugées favorables. Si le prix de ce minerai a fortement chuté depuis 2022, en raison d’un excès d’offre temporaire, les analystes prévoient un retournement de tendance dans les prochaines années, porté par la dynamique de la transition énergétique.
Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), la demande mondiale de lithium devrait croître fortement, au point de provoquer un déficit de plus de 150 000 tonnes d’ici 2030.
Aurel Sèdjro Houenou, Agence Ecofin
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Depuis le 1er janvier 2025, toute personne, physique ou morale, reconnue coupable de faire « obstruction » à la transparence et à la traçabilité dans le secteur minier est sanctionnée d’une une amende d’une valeur de 4,3 millions de dollars. L’information, contenue dans la décision n° CAMI/DG/003/2024 du 16 décembre 2024, consultée par Bankable, n’a pas fait l’objet d’une large diffusion auprès du public. Il s’agit de la plus récente directive de la direction générale du Cadastre minier de la République Démocratique du Congo (RDC) sur cette question.
Cet ajustement est prévus par l’article 375 du Code minier de 2018, qui a modifié celui de 2002. Il stipule que les montants des amendes pour violation des règles du secteur, exprimés en monnaie étrangère, « doivent être ajustés annuellement par décision du responsable du Cadastre minier sur avis de la Banque centrale du Congo afin de maintenir constante leur valeur ».
Depuis l’entrée en vigueur du Code minier actuel en 2018, au moins quatre décisions de la direction générale du Cadastre minier ont modifié le montant des amendes. Mais celle du 16 décembre 2024 s’impose comme la plus sévère en matière de sanctions pour « obstruction » à la transparence et à la traçabilité des ressources extractives. Elle multiplie par dix le seuil précédent (2024), qui était de 429 122 dollars. Avant cela, ces amendes avaient déjà atteint les montants de 1,23 million de dollars en 2021 et 1,07 million de dollars en 2022.
L’amende pour « obstruction » à la transparence et à la traçabilité n’est toutefois pas la seule à avoir été modifiée en ce début d’année 2025. Les sanctions relatives à une dizaine d’autres infractions ont également été multipliées par deux, quatre ou dix (voir ci-dessous). Les raisons de ce durcissement ne sont pas mentionnées dans le texte. Mais cette mesure intervient dans un contexte où le gouvernement mène une campagne active contre les rebelles du M23, accusé de piller les ressources de la RDC avec l’appui du Rwanda.
Il sera néanmoins difficile de faire appliquer cette décision dans les provinces du Nord et du Sud-Kivu. Depuis janvier, les rebelles du M23 ont lancé une offensive dans ces régions avec le soutien du Rwanda. Ces forces contrôlent aujourd’hui plusieurs zones stratégiques, notamment les mines de Rubaya ainsi que les villes de Goma et Bukavu. Mais l’inauguration récente d’un bâtiment du Cadastre minier dans le Katanga, autre zone minière du pays, peut être perçue comme un signe de la volonté de l’administration minière de se rapprocher des acteurs du secteur et de veiller au respect des règles par les opérateurs.
Liste actualisée des amendes pour violation des règles dans le secteur minier en RDC
(Décision CAMI/DG/003/2024 – en vigueur depuis le 1er janvier 2025)
Georges Auréole Bamba
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