La compagnie minière australienne AVZ Minerals a annoncé, le 26 mai 2025, la suspension de la procédure d’arbitrage engagée contre la République démocratique du Congo (RDC) devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Cette décision, en vigueur jusqu’au 23 juin 2025, vise à faciliter l’offre soumise, le 21 janvier 2025, aux autorités de la RDC par KoBold Metals sur le gisement de lithium de Manono, considéré comme ayant « le potentiel de devenir une mine de lithium à grande échelle et de longue durée ».
Dans son offre, l’entreprise américaine, soutenue par des investisseurs comme Bill Gates et Jeff Bezos, propose de mettre fin au contentieux en accordant une « compensation appropriée » à AVZ, en échange de l’abandon de ses prétentions sur Manono à son profit. L’entreprise américaine se dit prête à développer la partie sud du gisement, tandis que la section nord resterait sous le contrôle du groupe chinois Zijin Mining. Dans cette perspective, AVZ et KoBold ont annoncé, le 6 mai dernier, avoir conclu un accord-cadre pour que « AVZ cède ses intérêts commerciaux dans le gisement de lithium de Manono à KoBold, à une juste valeur ».
Pour que cette opération aboutisse, il faut que l’État congolais accepte d’accorder à AVZ un permis d’exploitation ou, à défaut, lui concède des droits sur ce gisement. Ce que Kinshasa refusait jusqu’ici de faire. D’où la procédure ouverte contre l’État en juin 2023 par AVZ devant le CIRDI. Le gel de la procédure arbitrale vise donc à ouvrir la voie à un règlement à l’amiable de ce différend.
Les Etats-Unis à la manœuvre
« Le gouvernement des États-Unis a encouragé les parties à prendre toutes les mesures nécessaires pour créer un climat propice à des discussions susceptibles de déboucher sur un règlement significatif entre la RDC et AVZ », affirme d’ailleurs la compagnie australienne dans son communiqué.
L’accord-cadre entre KoBold et AVZ s’inscrit dans un contexte diplomatique plus large, où les États-Unis mènent en parallèle des discussions avec la RDC pour un accord stratégique « minerais contre sécurité » et facilitent un accord de paix entre la RDC et le Rwanda. L’accord « minerais contre sécurité », proposé par des officiels congolais à Washington, viserait à pacifier l’est du pays en échange de conditions préférentielles pour les investisseurs américains dans le secteur minier. Selon le Financial Times, un accord pourrait être conclu d’ici fin juin.
Pour l’instant, on ignore où en sont les discussions entre AVZ et l’État. Le gel de l’arbitrage semble du moins concerté. Le CIRDI indique sur son site que la procédure est suspendue « conformément à l’accord des parties ».
Il faut néanmoins souligner que le contentieux avec l’État congolais n’est pas le seul frein au développement du projet Manono. Car la décision de Kinshasa de ne pas accorder un permis d’exploitation à AVZ repose notamment sur le fait que la société publique Cominière a rompu son partenariat avec la compagnie australienne pour s’associer au chinois Zijin. Ce que AVZ conteste devant la Cour internationale d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale, où elle a déjà obtenu la condamnation de Cominière à verser 39,1 millions d’euros de pénalités pour non-respect d’injonctions.
Pierre Mukoko avec l’Agence Ecofin
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