La salle de marché de Rawbank, la plus grande banque de la République Démocratique du Congo (RDC) en termes d’actifs et de volume d’activités, a permis à une société minière locale, active dans la province du Katanga, de mobiliser jusqu’à 10 millions de dollars, selon un communiqué de la banque. L’identité de l’entreprise minière n’a pas été révélée.
« Cette opération renforce notre position de leader dans le secteur bancaire en RDC et souligne notre engagement à soutenir le développement économique du pays », a déclaré le directeur général de la banque, Mustafa Rawji.
Ce n’est pas la première fois que la banque accompagne le financement du secteur minier en RDC. En 2022, elle avait piloté un financement syndiqué de 200 millions de dollars au profit de Kamoa-Kakula, exploitant l’un des plus importants gisements de cuivre en Afrique. L’innovation dans l’opération actuelle réside dans le fait que Rawbank ouvre de nouvelles perspectives en matière de financement d’entreprises.
L’opération a été réalisée par l’émission de papiers commerciaux, qui sont, dans le secteur financier, des titres d’emprunt émis par des entreprises pour répondre à des besoins urgents de liquidités, notamment pour financer le fonds de roulement ou gérer la trésorerie. Ce type d’opération est généralement réservé à des entreprises très crédibles, dont la capacité de remboursement ne fait aucun doute. Pour rassurer davantage les investisseurs ayant participé à cette opération, Rawbank l’a assortie d’une « Corporate Guarantee ». Cela signifie qu’en cas de difficulté de l’entreprise à rembourser son emprunt, une société affiliée s’est engagée à garantir le remboursement au moment opportun.
« Cette deuxième émission de commercial paper témoigne de notre capacité à innover et à répondre aux besoins spécifiques de nos clients institutionnels. Grâce à notre salle de marchés, conforme aux standards internationaux, nous avons pu structurer cette opération de manière optimale, offrant également à nos investisseurs des opportunités de rendement supérieures dans un contexte de marché compétitif », a déclaré le directeur Commercial de Rawbank, Etienne Mabunda.
Au sein de la banque, une importance particulière est accordée au secteur minier, qui représente 70 % des exportations de la RDC. « En permettant à un opérateur national d’accéder à un financement compétitif, cette nouvelle émission contribue directement à dynamiser l’activité économique dans la région et à renforcer la confiance des investisseurs, tout en stimulant l’épargne locale grâce à des produits financiers attractifs », ont déclaré les responsables dans un communiqué de presse.
GAB
Lire aussi :
En RDC, les banques locales résistent à la progression des groupes panafricains
Financement carbone : Rawbank accorde 2 millions $ à deux projets de cuisson propre
La valeur des réserves de minerais critiques en République Démocratique du Congo (RDC) est actuellement estimée à 24 000 milliards de dollars, selon un récent rapport de la Banque mondiale consacré au projet Inga 3. L’institution multilatérale souligne que le développement de ce potentiel exige une énergie abondante, constante et stable.
Si la RDC est souvent présentée comme le pays du cobalt et du cuivre, la valeur totale de ses gisements en minerais de transition est rarement abordée publiquement. Cependant, les données du cadastre minier révèlent une intense activité dans ce secteur, principalement dans la région allant du nord au sud-est du pays, ainsi qu’à une moindre échelle dans le centre-sud.
De nombreuses entreprises détiennent des permis actifs en RDC, que ce soit pour l’exploration ou l’exploitation, mais les entreprises chinoises dominent, notamment les grands groupes de construction. L’analyse des permis miniers montre que, dans de nombreux cas, les acteurs chinois interviennent dans le cadre de contrats ressources contre infrastructures. Cette pratique évolue, comme le démontre la récente décision des autorités congolaises de renégocier le contrat Sicomines. Toutefois, certains observateurs estiment que la RDC pourrait mieux valoriser ses ressources minières.
Au-delà des minerais critiques pour la transition énergétique, la RDC est également un important producteur d’or, notamment avec la mine de Kibali, l’une des plus grandes d’Afrique, et celle de diamant dans la province du Kasaï oriental. Ces atouts renforcent la position du pays en tant qu’acteur majeur de ce secteur au niveau international.
Le seul site d’Inga pourrait permettre l’installation d’une capacité hydroélectrique d’au moins 11 000 MW (dans le scénario le plus bas). Une telle énergie contribuerait à renforcer les capacités d’extraction et positionnerait la RDC de manière compétitive sur la chaîne économique mondiale de l’économie verte. Cependant, malgré l’intérêt manifesté par de grands groupes internationaux pour ses ressources minières, le pays peine à mobiliser les financements nécessaires au développement du projet hydroélectrique Inga 3. Selon la Banque mondiale, la construction complète de la version minimaliste d’Inga 3 pourrait coûter entre 15 et 25 milliards $. Ce montant, bien que considérable pour un pays africain, reste modeste comparé à la richesse estimée du sous-sol congolais.
Des initiatives africaines visant à soutenir la RDC dans le développement de son potentiel minier sont en cours. Depuis plusieurs années, la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique travaille sur un projet visant à construire une usine de batteries électriques dans le pays. Cette initiative, qui inclut le Maroc, ouvre des perspectives pour un développement purement africain, soutenu par les compétences technologiques du pays maghrébin.
La RDC affiche également des ambitions en matière de répartition des revenus miniers. Plusieurs permis prévoient une augmentation des parts de l’État dans les projets. Toutefois, la stratégie à long terme demeure floue. Avec ses vastes ressources, le pays possède le potentiel pour devenir l’une des économies les plus riches du monde. À titre de comparaison, la valeur de ses minerais de transition représente jusqu’à neuf fois le PIB de l’Afrique en 2024, estimé à 2 800 milliards $.
Georges Auréole Bamba
Dans la bataille l’opposant au chinois Zijin Mining pour le contrôle du projet de lithium de Manono, l’Australien AVZ bénéficie désormais du soutien actif du groupe chinois Suzhou CATH Energy Technologies (CATH). AVZ a, en effet, annoncé, le 8 janvier 2025, l’obtention d’une facilité de 20 millions de dollars auprès de CATH. Selon le communiqué de l’entreprise, l’argent doit financer, dans les 12 prochains mois, ses besoins en fonds de roulement et ses activités y compris celles liées au litige qui l’oppose à l’État de République Démocratique du Congo (RDC) sur ce projet.
D’ailleurs, en raison de la disponibilité de l’accord avec CATH, l’entreprise minière australienne affirme renoncer aux 15 millions de dollars obtenus auprès de Locke Capital, un spécialiste du financement des litiges, pour soutenir ses démarches juridiques autour du projet de lithium de Manono.
Ce financement est en réalité l’une des conséquences de la révision du partenariat qui lie AVZ à CATH depuis 2021 pour le développement du projet Manono. En restant aux côtés d’AVZ, CATH espère sécuriser une partie de la production de lithium de Manono. En effet, l’accord révisé prévoit que « CATH aura le droit d’acheter jusqu’à 100 % des volumes non engagés de la production, jusqu’à l’expiration d’une période de 5 ans ou le remboursement des fonds que CATH aura éventuellement avancés pour les coûts de développement du projet AVZ (selon la période la plus longue) ». Ce taux sera ensuite réduit à sa participation économique dans la coentreprise du projet Manono. Sur cet aspect, sous réserve de l’obtention des droits miniers sur Manono, CATH aura par ailleurs la possibilité d’acquérir une participation indirecte de 30,5 % dans le projet en versant 259,25 millions $ à AVZ.
Ce nouvel accord, consolidant le partenariat entre les deux parties, intervient au lendemain d’un autre développement concernant Manono. À en croire Bloomberg, qui a relayé le 7 novembre des déclarations de l’entreprise dans un échange par e-mail, Zijin compte mettre en production le gisement de lithium en 2026. Ceci, malgré les contestations entourant le permis d’exploitation minière octroyé par la RDC.
Dans son communiqué du 8 janvier, AVZ n’a pas indiqué à quelle échéance elle espère reprendre le contrôle du projet Manono, et n’a pas non plus commenté les récents développements concernant la mise en production du gisement en 2026 par Zijin. La compagnie australienne a initié depuis quelques années différentes procédures judiciaires pour contester son éviction du projet Manono, mais l’issue de ces initiatives reste incertaine.
Quoi qu’il en soit, l’intérêt des investisseurs, aussi bien chinois qu’occidentaux, pour le projet Manono démontre le potentiel de ce gisement qui peut positionner la RDC comme l’un des principaux producteurs de lithium en Afrique. Selon une précédente estimation d’AVZ, le gisement Manono hébergerait au moins 400 millions de tonnes de ressources minérales titrant 1,65 % de lithium.
Emiliano Tossou
Lire aussi:
Lithium de Manono : Zijin Mining table sur un début de production en 2026
Lithium de Manono : l’Australien AVZ mobilise 15 millions $ pour défendre ses droits
La mine de zinc Kipushi, située en République démocratique du Congo et exploitée par Ivanhoe Mines, a produit 50 307 tonnes en 2024. L’entreprise, qui a annoncé ces résultats le 8 janvier 2025, prévoit une augmentation spectaculaire de la production cette année, avec un objectif ambitieux de 180 000 à 240 000 tonnes, soit plus de quatre fois le volume réalisé l’an dernier.
Cette hausse significative de la production attendue à Kipushi s’explique principalement par le fait que 2025 marquera la première année d’exploitation complète de la mine.
Entrée en production en juillet 2024, la mine devait initialement livrer entre 100 000 et 140 000 tonnes de zinc en concentré pour le reste de l’année. Cependant, Ivanhoe a revu ces prévisions à la baisse, évoquant des problèmes opérationnels, notamment la teneur en zinc du minerai et un approvisionnement en électricité instable. La fourchette prévisionnelle a ainsi été ramenée à 50 000 à 70 000 tonnes.
L’objectif de production affiché par Ivanhoe pour 2025 reste néanmoins inférieur à la capacité maximale de Kipushi, estimée à 278 000 tonnes de zinc par an sur les cinq premières années d’exploitation. « Kipushi vise un taux de production de plus de 250 000 tonnes de zinc sous forme de concentré pour 2026, après l’achèvement des activités de montée en puissance et de désengorgement prévues pour le troisième trimestre 2025 », précise Ivanhoe.
La mine de Kipushi est codétenue par Ivanhoe Mines et la Gécamines. Selon un accord conclu en janvier 2024, la part de la Gécamines est passée de 32 % pendant la phase de construction à 38 % durant la phase de production, et atteindra 43 % à partir du 25 janvier 2027. La mine contribue également à l’emploi local, avec 97 % de son personnel composé de Congolais.
Emiliano Tossou
Lire aussi :
Zinc : hausse des prix mondiaux, mais les retombées pour la RDC restent floues
Zinc : les prévisions de production 2024 de la mine de Kipushi réduites de 50 %
Ivanhoe Mines a annoncé ce 8 janvier 2025 une production de 437 061 tonnes de concentré de cuivre à Kamoa-Kakula en 2024. Cette performance est conforme à sa fourchette prévisionnelle révisée (425 000 à 450 000 tonnes). Alors que la production 2024 est en hausse de 12 % par rapport à 2023, la compagnie canadienne vise plus haut en 2025 avec pour objectif de produire entre 520 000 et 580 000 tonnes de concentré de cuivre cette année.
Avec ses objectifs en 2025, Kamoa-Kakula devrait poursuivre sa montée en puissance attribuée notamment à la mise en service d’un troisième concentrateur sur le complexe en juin 2024, ce qui a porté la capacité de production installée à 600 000 tonnes par an. Ivanhoe prévoit d’ailleurs d’atteindre une production de plus de 600 000 tonnes de concentré de cuivre en 2026.
Il faut souligner que la hausse de la production de cuivre de Kamoa-Kakula contribue à celle de la RDC, qui est devenue en 2023 le deuxième producteur mondial de cuivre devant le Pérou. Le gouvernement congolais a cependant critiqué, au cours des derniers mois, le processus de vente du cuivre produit à Kamoa-Kakula, estimant que les prix négociés par son propriétaire ne respectent pas « les prix concurrentiels fixés sur le marché ». En Conseil des ministres début octobre 2024, le ministre du Portefeuille Jean-Lucien Bussa recommandait ainsi une implication de l’État dans la sélection des acheteurs de production de Kamoa.
Pour rappel, Kamoa-Kakula est une coentreprise comprenant Ivanhoe Mines (39,6 %), Zijin Mining Group (39,6 %), Crystal River (0,8 %) et l’État congolais (20 %).
Emiliano Tossou
Lire aussi :
L’État estime que Kamoa Copper vend son cuivre à des prix inférieurs au marché
Kamoa-Kakula : Ivanhoe prévoit une production de plus de 600 000 tonnes de cuivre en 2026
Le groupe chinois Zijin Mining a annoncé son intention de démarrer la production de lithium au premier trimestre 2026 sur le projet Manono, situé dans le sud-est de la République démocratique du Congo (RDC). Cette information a été rapportée cette semaine par Bloomberg, citant des déclarations obtenues par e-mail auprès de l’entreprise.
L’agence de presse américaine ne fournit pas de détails sur les bases de cette projection. Elle précise cependant que le groupe prévoit de débuter par la production et l’exportation de concentrés et de sulfates de lithium. Un raffinage local pourrait être envisagé par la suite, mais cela dépendra d’une amélioration significative de l’approvisionnement en énergie.
Zijin Mining, qui a acquis le projet en octobre 2023 suite à un accord avec la société congolaise Cominière, avait auparavant annoncé que le développement du projet Manono nécessiterait jusqu’à deux ans après la validation des études d’impact environnemental. À ce jour, aucune mise à jour n’a été communiquée concernant l’octroi ou non d’un permis environnemental pour le site.
Un projet retardé par un litige juridique
La sortie de Zijin Mining intervient alors que le projet Manono fait l'objet d'un litige entre la RDC et l'entreprise australienne AVZ Minerals. Cette dernière revendique le permis initial d’exploitation et accuse le gouvernement congolais d’avoir agi de manière illégale en octroyant une partie du site à Zijin Mining. En réponse, AVZ a engagé une procédure d'arbitrage et affirme que des injonctions internationales, qui ordonnaient la suspension des activités sur le site, ont été ignorées. L'entreprise australienne a récemment obtenu un financement de 15 millions de dollars pour soutenir ses efforts juridiques dans cette bataille. Parallèlement, AVZ fait face à des accusations de corruption liées au projet, des accusations qu'elle dément formellement.
Le différend juridique en cours entre la RDC et AVZ Minerals pourrait constituer un obstacle à la réalisation du calendrier de Zijin Mining. Toutefois, si l'échéance de 2026 est respectée, le projet Manono deviendrait la première exploitation de lithium en activité dans le pays, consolidant ainsi la position de la République Démocratique du Congo comme un acteur majeur dans la production de minéraux critiques. Cela permettrait également au pays de devenir le troisième plus grand producteur de lithium en Afrique, derrière le Zimbabwe et, plus récemment, le Mali.
Selon une estimation antérieure d'AVZ, le gisement de Manono contiendrait environ 400 millions de tonnes de ressources minérales titrant 1,65 % de lithium.
Olivier de Souza
Lire aussi :
Lithium de Manono : AVZ sous le coup d’une enquête pour corruption en Australie
La RDC réaffirme son soutien à Manono Lithium face à AVZ Minerals
Lithium de Manono : l’Australien AVZ mobilise 15 millions $ pour défendre ses droits
La RDC prévoit une croissance de 5,3 % de l’activité minière en 2025
En 2023, la demande mondiale de batteries a connu une hausse de plus de 40 % par rapport à 2022, atteignant 850 GWh. Cette croissance est principalement alimentée par les ventes de véhicules électriques, qui représentent près de 90 % de la demande totale. Selon le rapport de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) intitulé EV Battery Supply Chain Sustainability, cette tendance devrait se poursuivre, avec une demande multipliée par quatre d’ici 2030 et par sept d’ici 2035, dans le cadre d’un scénario basé sur le maintien des politiques actuelles.
Dans un scénario plus ambitieux, où les engagements climatiques annoncés par les pays seraient pleinement respectés, la demande mondiale de batteries pourrait être multipliée par neuf d’ici 2035. Si le secteur énergétique mondial atteignait la neutralité carbone à l’horizon 2050, comme envisagé dans le scénario NZE (Net Zero Emissions) de l’AIE, cette demande pourrait même être multipliée par douze.
Espoir
Ces prévisions optimistes pour le marché des batteries augurent de belles perspectives pour les matières premières critiques telles que le lithium, le cobalt et le graphite. Ces minéraux, essentiels à la fabrication des batteries, sont abondamment présents sur le continent africain. Cependant, ces marchés connaissent actuellement une période de turbulence, caractérisée par une baisse significative des prix.
Par exemple, le prix du cobalt a chuté de moitié en deux ans en raison d’une offre excédentaire. Selon le Cobalt Institute, un surplus sur le marché est déjà anticipé pour 2025, ce qui pourrait maintenir les prix à leurs niveaux actuels. À la Bourse des métaux de Londres, la tonne de cobalt s’échangeait à 24 300 dollars le 3 janvier 2025.
Le marché du lithium traverse également une période difficile : le prix de l’hydroxyde de lithium a chuté de près de 90 % depuis la fin de 2022. Selon Fastmarkets, les prix du spodumène de lithium ont enregistré une baisse de plus de 84 % entre mars 2023 et mars 2024. Kent Masters, PDG d’Albemarle, premier producteur mondial de lithium, prévoit que « les prix resteront bas plus longtemps ».
Le graphite n’échappe pas à la tendance baissière. D’après Fastmarkets, les prix du graphite ont chuté de 33,43 % en 2023, passant de 530 à 575 dollars la tonne en décembre 2023, avant de tomber à 450 dollars la tonne en octobre 2024. Ce niveau se rapproche du plus bas historique de 2020, établi à 430 dollars la tonne.
La baisse actuelle des prix des minéraux critiques pose un défi majeur aux économies africaines. Des pays comme la République démocratique du Congo, qui assure 70 % de la production mondiale de cobalt, le Zimbabwe et le Mali, acteurs clés pour le lithium, ou encore le Mozambique et Madagascar, importants sur le marché du graphite, comptent sur l’exploitation de ces ressources pour stimuler leur croissance économique. Cependant, dans plusieurs de ces nations, des inquiétudes émergent concernant la viabilité des stratégies adoptées pour ces minéraux et les éventuels retards dans le développement de nouveaux sites de production.
Défis
Lors du précédent boom des véhicules électriques, qui avait entraîné une flambée des prix de plusieurs métaux critiques, les pays africains, insuffisamment préparés, ont été largement dépassés par des concurrents, notamment chinois, qui ont saturé les marchés avec leur production. Cette fois-ci, pour tirer pleinement parti de la transition énergétique mondiale prévue d’ici 2030 ou 2035, ces nations devront adopter une approche différente en relevant plusieurs défis majeurs, notamment l’amélioration du cadre réglementaire, le renforcement des infrastructures, l’optimisation du climat des affaires, ainsi que le développement des compétences et de la main-d’œuvre.
Un rapport du Future Minerals Forum estime que 5 400 milliards de dollars d’investissements seront nécessaires d’ici 2035 pour soutenir la transition énergétique mondiale dans le secteur des minéraux critiques. L’Afrique y occupe une position stratégique. Les auteurs du rapport décrivent le continent comme une « alternative crédible à la domination de la Chine dans le raffinage et la transformation des minéraux critiques », grâce à l’abondance de ses ressources et sa proximité géographique avec les marchés européens et asiatiques.
Louis-Nino Kansoun, Agence Ecofin
Lire aussi :
Véhicules électriques : le Maroc invité à rejoindre l’initiative RDC-Zambie
Selon des informations récemment communiquées par la Cellule technique de coordination et de planification minière (CTCPM), Kibali Gold, principale entreprise productrice d’or industriel en République Démocratique du Congo, a exporté 19,55 tonnes d’or au cours des neuf premiers mois de 2024, pour une valeur totale de 1,02 milliard de dollars. Cette performance, un record depuis 2020 selon des recherches de Bankable, se distingue par la plus forte valeur atteinte malgré une baisse des volumes vendus sur la période.
Source : CTCPM, calculs de l’auteur
La principale explication de cette dynamique réside dans l’amélioration du prix de l’or exporté par la mine de Kibali. Au cours des neuf premiers mois de 2024, la valeur moyenne par once d’or a atteint 1 630,65 dollars, soit une hausse de 24 % par rapport à la moyenne de 1 315,31 dollars enregistrée sur la même période en 2023. Par ailleurs, les principaux opérateurs de Kibali Gold, notamment Barrick Gold et AngloGold Ashanti, qui détiennent ensemble 90 % des parts de l’entreprise, semblent avoir cherché à tirer parti de la remontée des prix de l’or. Cette stratégie se reflète dans les 19,55 tonnes exportées, un chiffre largement supérieur aux 4,91 tonnes d’or effectivement produites par la mine entre janvier et septembre 2024.
Bien que cette performance de Kibali Gold constitue un record, elle masque un déséquilibre persistant dans les exportations d’or en République Démocratique du Congo. En effet, en comparant la valeur de l’once exportée par la multinationale à la moyenne des prix annuels fixés par la London Bullion Market Association (LBMA), on observe un écart systématique. Au cours des neuf premiers mois de 2024, cet écart a atteint son niveau le plus élevé depuis 2021. De même, l’or produit artisanalement, désormais centralisé et commercialisé par DRC Gold Trading (anciennement Primera Gold), est estimé à 2 100 $ l’once.
Écart entre les prix de Kibali Gold et ceux du marché
Sources officielles, LBMA et calculs de l’auteur
Le manque de transparence dans les processus de commercialisation de l’or de Kibali complique l’analyse des écarts de prix observés. Les rapports financiers disponibles ne fournissent pas toujours des informations détaillées permettant au public de comprendre pleinement ces différences. Néanmoins, certaines hypothèses peuvent être avancées.
L’une des hypothèses porte sur la méthode de vente. Contrairement à d’autres acteurs, tels que les artisans et les circuits connexes qui écoulent de l’or brut directement à des acheteurs, Kibali Gold pourrait s’appuyer sur des accords de vente à terme ou des structures de commercialisation spécifiques, ce qui pourrait avoir un impact sur le prix final obtenu.
Une autre hypothèse concerne les coûts logistiques liés à l’acheminement de l’or vers les marchés internationaux. La mine de Kibali est située à environ 220 kilomètres à l’est d’Isiro, la capitale provinciale du Haut-Uele, qui ne dispose ni d’un aéroport moderne ni d’un réseau routier fiable. Les alternatives sont limitées : la ville frontalière ougandaise d’Arua, située à 150 kilomètres à l’ouest, mais de taille modeste, ou encore le port kényan de Mombasa, à 1 800 kilomètres.
Ces contraintes logistiques engendrent probablement des frais supplémentaires pour le transport et la sécurisation de l’or, ce qui réduit le prix net de vente. Selon les dirigeants de Kibali, les coûts de commercialisation pour 2024 devraient se situer entre 740 $ et 820 $ par once, une fourchette qui pourrait expliquer en partie l’écart observé cette année.
Lors d’une communication faite aux médias en novembre 2024, les dirigeants de Kibali Gold ont mis en avant la contribution économique de leur entreprise en République Démocratique du Congo. Ils ont indiqué avoir généré 5,4 milliards de dollars depuis le début de leurs activités, dont 1,66 milliard de dollars en impôts, taxes et redevances diverses, ainsi que 2,87 milliards de dollars versés pour des services contractuels.
En prenant une moyenne d’âge de 11 ans pour ses 10 permis recensés dans la base de données du cadastre minier, cela équivaut à une contribution annuelle estimée à 509 millions de dollars. Une somme importante, mais à relativiser face à la valeur moyenne annuelle de 911,18 millions de dollars des exportations, dont 90 % bénéficient aux principaux actionnaires, Barrick Gold et AngloGold Ashanti.
Georges Auréole Bamba
Lire aussi :
Vente d’or : les artisans et ex-Primera Gold obtiennent un meilleur prix que Kibali Gold
Selon les statistiques récentes de la Cellule technique de coordination et de planification minière (CTCPM) en République démocratique du Congo, la Société Anhui Congo d’investissement minier (SACIM) a exporté pour 23,6 millions de dollars de diamant industriel brut au cours des neuf premiers mois de 2024. Ce chiffre provisoire dépasse déjà le total de l’année 2023, où les exportations de l’entreprise avaient été évaluées à 21,8 millions de dollars.
Les raisons de cette dynamique n’ont pas fait l’objet de commentaires accessibles, notamment de la part des principaux actionnaires de la société : le groupe chinois Anhui Foreign Economic Construction Corporation (AFECC), qui détient 50 % des parts, et l’État congolais, propriétaire des 50 % restants à travers plusieurs entités. Toutefois, la hausse de 23,4 % de la production enregistrée au cours des neuf premiers mois de 2024, par rapport à l’année 2023, constitue un premier élément d’explication.
Il sera intéressant d’observer dans quelle mesure cette tendance haussière se confirmera sur l’ensemble de l’année 2024. Bien qu’en progression, la production de la SACIM devrait difficilement atteindre les niveaux enregistrés en 2021 et 2022, lorsque les exportations de l’entreprise s’élevaient respectivement à 51 et 62,23 millions de dollars.
Plus globalement, la SACIM demeure un acteur clé de la production et des exportations de diamant en RDC, particulièrement dans la province du Kasaï Oriental, où plus de 98,5 % des pierres précieuses sont produites dans le pays. Bien que la production artisanale reste prédominante, la SACIM, en tant qu’unique acteur industriel, contribue à hauteur de 33,2 % à la production totale.
Cependant, 12 ans après le lancement de ses activités, le partenaire chinois semble également faire face à des défis pour maintenir un rythme de croissance soutenu. L’AFECC est intervenue en tant que partenaire technique et financier sur une partie des gisements précédemment détenus et exploités par la Société Minière de Bakwanga (MIBA) et d’autres opérateurs successifs. Avec un droit de concession de 61 millions de dollars, des engagements d’investir directement 100 millions de dollars dans des équipements de production, et la promesse de mobiliser 100 millions de dollars supplémentaires auprès du gouvernement chinois, le projet visait à revitaliser la production de diamant industriel.
Les volumes produits et exportés démontrent qu’il subsiste d’importantes marges de progression. D’après un rapport publié en 2023 par les services de recherche géologique américains (USGS), la RDC s’est classée deuxième producteur mondial de diamants industriels d’origine naturelle en 2022 et 2023, avec une production annuelle de 8 millions de carats. Le potentiel du pays demeure prometteur, avec des réserves estimées à 150 millions de carats.
Pour la SACIM, de nombreux défis restent à relever. La production artisanale continue de dominer le secteur du diamant en RDC, et une meilleure régulation pourrait renforcer les performances globales. Par ailleurs, lors de sa visite en décembre 2024 dans la province du Kasaï Oriental, le président Félix Tshisekedi a promis de débloquer une enveloppe de 50 millions de dollars pour relancer la MIBA. Les modalités d’exécution de cette promesse restent à préciser, mais cela pourrait redonner une impulsion à un acteur historique du secteur. Cependant, la MIBA, malgré sa longue expérience, peine à améliorer ses résultats, même lorsqu’elle est en concurrence avec la SACIM.
Georges Auréole Bamba
La Compagnie Minière Luisha (Comilu), détenue à 78 % par le groupe China Railways Group Limited, a reçu le statut de client éligible de l’Autorité de régulation du secteur de l’électricité (ARE). Cette désignation permet à l’entreprise, pendant trois ans, de diversifier ses fournisseurs d’électricité, sans se limiter à la Société nationale d’électricité (SNEL). Le document a été officiellement octroyé le 23 décembre 2024 à Li, président du conseil d’administration de Comilu, par Sandrine Mubenga Ngalula, directrice générale de l’ARE.
Le statut de client éligible est régi par la loi sur l’électricité et un arrêté ministériel du ministre en charge des Ressources hydrauliques et Électricité. Il peut être accordé à tout consommateur qui en fait la demande, sous réserve de remplir l’une des deux conditions suivantes : avoir une puissance installée supérieure à un mégawatt, ou avoir une consommation annuelle de plus de 5 gigawatts-heures pour une utilisation non résidentielle de l’électricité.
Il n’est pas précisé si Comilu utilisera son statut de client éligible pour importer de l’électricité ou s’il s’agira d’acheter de l’électricité localement, générée par l’une des filiales de sa maison mère.
China Railway Group, présent en RDC depuis 2008, est également impliqué dans la co-entreprise Sicomines, un partenariat stratégique dans lequel il est associé à la République Démocratique du Congo. Les deux filiales du China Railway Group, en particulier Comilu, se concentrent sur la production de cathodes de cuivre, une activité qui, selon des expertises, requiert des quantités substantielles et régulières d’énergie. Cependant, la SNEL ne parvient pas toujours à fournir l’énergie nécessaire à ces opérations. Face à ce manque de fiabilité dans l’approvisionnement, les opérateurs miniers se voient contraints soit de produire leur propre énergie, soit d’en importer.
Lors du récent forum d’affaires Makutano, un événement réunissant des experts de la RDC et d’autres pays, le directeur de la SNEL a souligné que les entreprises minières dépensent près d’un milliard de dollars par an pour combler le déficit énergétique auquel elles sont confrontées, en raison des insuffisances de la fourniture d’énergie par l’État.
Ce chiffre, qui représente une perte d’opportunité pour la production locale d’électricité en RDC, risque de continuer à progresser. En effet, en 2024, 11 autres entreprises, dont des acteurs majeurs du secteur minier tels que Kamoa Copper (opéré par Ivanhoe Mines), ont reçu ce statut. Cela permet à ces entreprises de diversifier leurs fournisseurs d’électricité, ce qui pourrait réduire davantage la demande pour l’électricité produite localement.
Gorges Auréole Bamba
Lire aussi
Secteur minier : 4 milliards $ échappent à la SNEL en 5 ans, faute de capacité électrique
Au rythme actuel de réduction des émissions, les compagnies minières risquent d’être 40 % en dessous de la cible nécessaire pour limiter le réchauffement à 1,5 °C d’ici 2030, comme prévu par l’Accord de Paris. Cette prévision provient d’un nouveau rapport publié par le cabinet dss+ suite à une étude menée auprès de 52 sociétés minières qui révèle un écart préoccupant entre les ambitions affichées et les progrès réalisés.
Selon le document intitulé « Decarbonising mining in an era of growing demand for critical metals and minerals » et lu par Agence Ecofin, les compagnies minières ont réduit en moyenne leurs émissions à un rythme annuel de 2 % entre 2018 et 2021. Ce taux, « encore d’actualité », serait largement inférieur aux 4,5 % nécessaires, selon la firme, pour atteindre les objectifs climatiques de ce secteur (voir graphique ci-dessous).
D’après le rapport, cet écart s’explique par plusieurs facteurs structurels parmi lesquels on retrouve la baisse de la qualité des minerais qui oblige les exploitants à intensifier les efforts d’extraction, augmentant ainsi les besoins énergétiques pour la ventilation et le refroidissement des mines profondes. D’autres difficultés résident dans le suivi des émissions, en particulier celles dites de Scope 3, qui incluent les émissions générées en aval par le transport ou la transformation des ressources. Ces émissions représentent jusqu’à 60 % du total des gaz à effet de serre du secteur, mais elles sont encore mal prises en compte dans les stratégies de décarbonation des compagnies. Par ailleurs, selon les dirigeants d’entreprises interrogés par dss+, la décarbonation dans le secteur minier est entravée par plusieurs autres obstacles tels que des décisions fragmentées entre sites, un suivi insuffisant des émissions, et des politiques peu incitatives pour soutenir les investissements dans les technologies propres.
Le rapport du cabinet dss+ n’est pas le premier à tirer la sonnette d’alarme sur les retards du secteur minier en matière de décarbonation. Les données publiées par certaines sociétés elles-mêmes montrent des résultats stagnants en matière de réduction des émissions. Rio Tinto, par exemple, a déclaré des émissions de Scope 1 et 2 de 32,6 mégatonnes en 2023, contre 32,7 mégatonnes en 2022 (ajustées pour tenir compte des acquisitions). De son côté, BHP a enregistré une légère hausse de ses émissions, passant de 9,1 mégatonnes en 2023 à 9,2 mégatonnes pour l’exercice 2024.
En outre, plusieurs autres organisations ont déjà mis en avant la situation paradoxale dans laquelle se trouve l’industrie : elle doit répondre à une demande croissante de métaux critiques pour la transition énergétique tout en réduisant ses émissions. En 2023, la Société financière internationale (IFC) a indiqué dans un rapport intitulé « The Net Zero Roadmap to 2050 » que la production de cuivre et de nickel devra augmenter de 200 à 300 % d’ici 2050 pour atteindre les objectifs climatiques, mais les émissions de CO₂ de leurs chaines de valeur pourraient doubler de façon subséquente.
Face à ces défis, des solutions émergent pour accélérer la décarbonation et répondre aux attentes climatiques. dss+ encourage plus de transparence dans la déclaration des émissions annuelles qui devraient davantage prendre en compte les émissions de Scope 3. À cela s’ajoutent l’élaboration d’un plan de décarbonisation plus structuré et l’amélioration de l’approvisionnement énergétique. Le cabinet recommande l’adoption d’une tarification interne du carbone, un concept qui repose sur le fait qu’en attribuant un coût virtuel aux émissions de CO₂, l’entreprise cherchera à réduire ce coût virtuel par des décisions financières optimisées.
Ces solutions semblent aller dans le même sens que celles suggérées par l’IFC pour réduire de 90 % les émissions des secteurs du cuivre et du nickel d’ici 2050 en transformant les chaines de valeur de ces deux métaux. Les propositions de l’IFC comprennent l’adoption des énergies renouvelables et de l’électrification des équipements, l’optimisation des processus pour améliorer l’efficacité énergétique, ainsi que l’automatisation et la numérisation pour réduire les inefficacités. La gestion proactive des émissions résiduelles, via des compensations carbone et des technologies de capture de CO₂, figure également parmi les priorités, tout comme la collaboration entre entreprises, gouvernements et investisseurs.
Peu d’éléments permettent à l’heure actuelle de s’avancer sur la faisabilité pratique de ces différentes propositions et si elles suffiront à transformer un secteur clé pour la transition énergétique mondiale, mais encore trop émetteur. Selon plusieurs sources concordantes dont Globaldata et McKinsey, l’industrie minière fait partie des secteurs les plus émetteurs, représentant entre 4 et 7 % des émissions mondiales directes de gaz à effet de serre (GES), un chiffre qui atteint 28 %, soit 19 440 mégatonnes d’équivalent dioxyde de carbone lorsqu’on inclut les émissions en aval de type Scope 3. La réussite de la décarbonation du secteur dépendra de la volonté des acteurs du secteur minier et de l’engagement des décideurs politiques pour surmonter les obstacles structurels et financiers.
Louis-Nino Kansoun, Agence Ecofin
Lire aussi :
Secteur minier : 4 milliards $ échappent à la SNEL en 5 ans, faute de capacité électrique
Charbon de bois : enjeux autour d’un business estimé à 4 milliards $ par an en RDC
La République Démocratique du Congo (RDC) a engagé des poursuites pénales contre des filiales locales d’Apple en France et en Belgique, rapportent, ce 17 décembre 2024, plusieurs médias internationaux citant les avocats de la partie congolaise. L’entreprise américaine et ses filiales sont accusées de « dissimulation de crimes de guerre, de blanchiment de minerais entachés, de recel et de pratiques commerciales trompeuses visant à rassurer les consommateurs sur la propreté de sa chaîne d’approvisionnement ». Si l’annonce fait grand bruit, plusieurs zones d’ombre demeurent.
Ce que l’on sait de l’affaire
En avril 2024, la RDC a adressé une mise en demeure à Apple. Dans ce document, l’État congolais demandait à la multinationale de s’expliquer sur l’origine des minerais 3T (étain, tungstène, tantale) utilisés dans ses produits électroniques. Kinshasa affirmait que ces minerais étaient extraits dans des conditions illégales en RDC, puis acheminés par contrebande vers le Rwanda avant d’intégrer les chaînes d’approvisionnement mondiales. La société disposait de trois semaines pour répondre.
En mai, les avocats congolais avaient annoncé avoir reçu de nouvelles preuves de lanceurs d’alerte, renforçant les accusations contre Apple. Ces documents, dont la nature n’a pas été précisée publiquement, faisaient état d’un approvisionnement illégal persistant malgré les engagements affichés par la société américaine en matière de traçabilité.
Les plaintes déposées en France et en Belgique, préparées, selon Reuters, au nom du ministre de la Justice congolais, sont présentées comme une avancée importante. Les informations relayées par la presse ne précisent pas si elles interviennent parce que la partie congolaise dispose de nouvelles preuves ou si elles constituent simplement une suite à la démarche amorcée en avril.
Concernant le choix des deux pays, les avocats expliquent qu’il se justifie par l’accent qui y est mis sur la responsabilité des entreprises. Ils ajoutent que la Belgique a une responsabilité morale particulière d’agir, « car le pillage des ressources de la RDC a commencé durant la colonisation au 19 ᵉ siècle sous le règne du roi Léopold II ».
Les zones d’ombre
Par ailleurs, les avocats de la RDC, cités par le journal Le Monde, ne compteraient pas s’arrêter à Apple, qui est « sans doute l’une des cibles les plus symboliques, du fait de sa puissance financière et de sa communication débridée sur le thème “nous faisons du bien à la planète” ». Ils pourraient engager des actions judiciaires contre d’autres entreprises dans d’autres pays.
Les accusations visant les géants du numérique, dont Apple, pour leur implication dans le négoce de « minerais de sang » en RDC, ne sont pas nouvelles, comme l’expliquait Agence Ecofin il y a quelques mois. Apple a déjà nié s’approvisionner auprès de raffineries ou de fonderies liées à des « groupes armés en RDC ou dans un pays limitrophe ».
Plusieurs points restent à éclairer, notamment sur les objectifs de la RDC et le timing de cette démarche judiciaire. L’État congolais cherche-t-il à faire pression pour obtenir une meilleure traçabilité des minerais ? Souhaite-t-il des compensations financières pour les dommages subis ? Ou utilise-t-il cette procédure pour attirer l’attention internationale sur la question des minerais de conflit et des violations des droits humains dans l’est de la RDC ? À ce stade, le gouvernement congolais n’a pas précisé ce qu’il attend concrètement d’Apple.
Scénarios possibles
Les plaintes déposées seront examinées par les autorités judiciaires françaises et belges, qui devront décider de l’ouverture ou non d’une enquête. Plusieurs scénarios sont possibles : si une enquête est ouverte, elle pourrait clarifier les accusations et établir les responsabilités éventuelles d’Apple. En l’absence de preuves suffisantes, les plaintes pourraient être classées sans suite.
En attendant de nouveaux développements, cette démarche de la RDC soulève des questions de fond sur la gouvernance des ressources naturelles, la responsabilité des grandes entreprises tech dans les chaînes d’approvisionnement mondiales en minerais stratégiques, la transparence de ces chaînes et les marges d’amélioration nécessaires pour éviter que les minerais de conflit ne continuent d’alimenter les violences.
Pour rappel, la RDC est l’un des deux principaux exportateurs mondiaux de coltan, avec 1 918 tonnes en 2023. Selon plusieurs rapports internationaux, cette part serait plus grande sans la production sortie illégalement du pays vers le Rwanda, laquelle sert à financer les groupes rebelles. Plus tôt cette année, une mission de l’ONU en RDC a indiqué que le groupe rebelle M23 génère environ 300 000 dollars de revenus chaque mois grâce aux taxes prélevées sur la production de coltan dans les territoires de Masisi et de Rutshuru, dans le Nord-Kivu.
En dehors du coltan, la RDC est leader mondial de la production de cobalt et producteur non négligeable d’étain, soit plusieurs métaux essentiels à l’électronique moderne, y compris les smartphones et les ordinateurs.
Louis-Nino Kansoun, Agence Ecofin
Lors des États généraux des entreprises du portefeuille de l’État, qui se tiennent à Kinshasa, du 9 au 14 décembre 2024, le ministre du Portefeuille, Jean-Lucien Bussa (photo), a estimé que l’entreprise Kamoa Copper, qui pilote Kamoa-Kakula, la plus grande mine de cuivre du pays, vendait sa production à un prix qui “respecte pas les prix concurrentiels fixés sur le marché”. Selon l’Agence congolaise de presse qui rapporte cette information, le membre du gouvernement a affirmé que cette situation est due à la position dominante de l’acheteur qui est par ailleurs actionnaire de Kamoa Copper. Cette entreprise est détenue par Ivanhoe Mines (39,6 %), Zijin Mining Group (39,6 %), Crystal River (0,8 %) et l’État congolais (20 %).
Peu d’informations sont disponibles sur le processus de sélection des acheteurs. Selon un communiqué publié en juin 2021, le cuivre produit par le premier concentrateur installé sur le site est vendu à deux partenaires : CITIC Metal (HK) Limited et Gold Mountains (H.K.) International Mining Company Limited, une filiale de Zijin Mining. Ce dernier, faut-il le rappeler, est non seulement co-propriétaire de la mine Kamoa-Kakula à travers une participation dans Kamoa Copper, mais aussi l’un des principaux actionnaires d’Ivanhoe. Depuis lors, il n’y a plus eu de communication sur l’identité des acheteurs alors que deux autres concentrateurs ont été mis en service.
Les résultats publiés par Ivanhoe Mines montrent que, sur les neuf premiers mois de 2024, Kamoa-Kakula a généré un revenu de 2,263 milliards de dollars à partir de la vente de 303 328 tonnes de concentré de cuivre. Cela suggère un prix moyen réalisé d’environ 7 461 dollars par tonne de concentré vendu. Ce prix est certes en hausse d’environ 7,8 % par rapport aux 6 921 dollars obtenus, sur la base des mêmes calculs, pour les neuf premiers mois de 2023, mais il ne reflète pas les tendances du marché.
Bien que le prix du concentré ne puisse, dans l’absolu, être comparé aux prix du cuivre pur sur le marché mondial, le pourcentage de la hausse en glissement annuel interroge, surtout lorsque l’on sait que les prix du métal rouge ont augmenté dans de plus grandes proportions cette année. Après avoir passé l’année 2023 et les deux premiers mois de 2024 sous la barre des 9 000 dollars la tonne, le prix du cuivre a grimpé pour atteindre un record historique de plus de 11 000 dollars en mai. Bien que la courbe d’évolution ait montré une correction et des fluctuations régulières au cours des mois suivants, le cuivre s’échange encore aujourd’hui au-dessus du seuil des 9 000 dollars.
On ignore comment le ministre du Portefeuille est arrivé à la conclusion selon laquelle Kamoa ne vend pas son cuivre à des prix compétitifs. Mais, fort de ce constat, il assure que l’État sera désormais partie prenante au processus de vente. « À partir de maintenant, le processus de sélection des acheteurs se fera avec l’implication de l’État actionnaire. Cela permettra de vendre au prix du marché et d’optimiser le chiffre d’affaires », a indiqué Jean-Lucien Bussa, qui, début octobre 2024, recommandait déjà en Conseil des ministres une implication de l’État dans la sélection des acheteurs de la production de Kamoa.
À travers sa décision de s’impliquer dans la vente du cuivre extrait sur son sol, la RDC veut s’assurer de maximiser ses profits. Toutefois, il faut souligner que les déclarations du ministre Jean-Lucien Bussa, tels que relayés dans la presse locale, ne précisent pas comment le pays compte s’y prendre, ni si les contrats en vigueur avec ses partenaires le lui permettent. Pour l’instant, Kamoa Copper n’a pas réagi ni à cette démarche du gouvernement ni à ses accusations.
LNK
Lire aussi :
Cuivre : l’État veut contrôler la vente de la production de la plus grande mine de RDC
La société américaine Namib Minerals est sur le point de finaliser son admission sur le marché boursier du Nasdaq à New York, selon un communiqué publié le 9 décembre 2024. D'après la même source, cette opération devrait permettre à l’entreprise minière de devenir propriétaire à 100 % des actifs miniers et d’exploration de Greenstone, un fonds de capital-investissement spécialisé dans le secteur des mines et des métaux, qui est l'une de ses filiales.
Les actifs d’exploration comprennent 13 permis dans les provinces du Haut-Katanga et du Lualaba, où six premiers trous de forage ont été réalisés, mettant en évidence un potentiel en cuivre et en cobalt. Namib Minerals mise désormais sur son entrée en bourse pour mobiliser davantage de fonds à consacrer à ses travaux de recherche.
L’intérêt de Namib Minerals pour la RDC intervient à un moment où les analystes s’accordent sur une hausse significative de la demande de cuivre à long terme. À elle seule, la transition énergétique devrait soutenir une augmentation de la demande de cuivre d’un million de tonnes par an jusqu’en 2035, selon BHP.
La RDC est le deuxième producteur mondial de cuivre, et son potentiel pour de nouvelles découvertes reste considérable. En 2023, par exemple, 65 % des nouvelles réserves mondiales de cuivre ont été identifiées en RDC.
Pour l’instant, Namib Minerals n’a fourni aucun détail sur ses programmes d’exploration en RDC. La société doit d’abord finaliser son opération de fusion avec la SPAC Hennessy Capital Investment Corp. VI, qui a conclu en juin 2024 un accord pour acquérir 30 millions d’actions de Namib, pour une valeur de 500 millions de dollars. L’accord devrait être finalisé au premier trimestre 2025, sous réserve de diverses approbations. Il convient de noter que les actifs phares de la société sont trois mines d’or au Zimbabwe, dont l’une a produit 1,8 million d’onces entre 1941 et 2023.
PM avec l’Agence Ecofin