Le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne a décidé, ce lundi 24 février, de réexaminer le protocole d’accord sur les minerais stratégiques signé avec le gouvernement rwandais en février 2024. L’annonce a été faite par la Haute Représentante de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Kaja Kallas (photo). Cette décision s’inscrit dans une série de mesures visant, selon elle, à exiger du Rwanda le respect de l’intégrité territoriale de la République Démocratique du Congo (RDC).
« Les consultations sur les questions de défense avec le Rwanda ont été suspendues. Il y a également une décision politique d’appliquer des sanctions, selon l’évolution de la situation sur le terrain. Nous avons demandé au Rwanda de retirer ses troupes du territoire de la RDC. Enfin, le protocole d’accord avec le Rwanda sur les matières premières critiques sera réexaminé », a déclaré celle qui est également vice-présidente de la Commission européenne.
Cette décision intervient dans un contexte de regain de violence à l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Depuis janvier, les rebelles du M23 et les troupes rwandaises ont lancé une offensive dans cette région. À ce jour, ils occupent plusieurs localités, dont Goma et Bukavu, les capitales provinciales du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. S’exprimant ce même 24 février devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, la Première ministre congolaise, Judith Suminwa Tuluka, a affirmé que les combats ont déjà fait plus de 7 000 morts depuis le début de l’année.
Contamination des chaînes d’approvisionnement
Le protocole d’accord entre l’UE et le Rwanda vise à « favoriser des chaînes de valeur durables et résilientes pour les matières premières critiques ». Son objectif est de sécuriser l’approvisionnement des 27 en minéraux stratégiques, tels que le coltan, essentiels au développement durable et à la transition énergétique. Il met également en avant l’engagement des deux parties à promouvoir des pratiques d’extraction responsables et à renforcer les capacités locales au Rwanda.
Sauf que, les experts de l’ONU révèlent que le Rwanda mélange des minerais issus de zones contrôlées par les rebelles du M23 avec ses propres ressources. Cette pratique a conduit à « la plus grande contamination jamais enregistrée des chaînes d’approvisionnement en minéraux dans la région des Grands Lacs », soutiennent-ils. Le gouvernement congolais dénonce d’ailleurs ce partenariat, estimant qu’il favorise le pillage des ressources naturelles congolaises par le Rwanda.
Le 12 février dernier, tous les sites miniers situés dans les territoires de Masisi et de Kalehe, dans les provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu ont été déclarés « rouges » (interdits d’exploitation). Cette mesure, prise par arrêté du ministre des Mines, Kizito Pakabomba, concerne 38 concessions minières, notamment dans les secteurs de Rubaya et Nyabibwe, riches en coltan et en cassitérite (minerai d’étain).
D’après les statistiques officielles compilées par l’Agence Ecofin, les exportations de coltan du Rwanda ont dépassé celles de la RDC en 2023. Le Rwanda a exporté 2 070 tonnes, en hausse de 50%, contre 1 918 tonnes pour la RDC sur la même période.
Ronsard Luabeya, stagiaire
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