Le M23 étend son emprise sur plusieurs localités minières de l’est de la République Démocratique du Congo (RDC). Après Rubaya, au Nord-Kivu, les rebelles auraient pris le contrôle de la cité minière de Lumbishi, dans le Sud-Kivu, rapporte l’AFP, citant notamment des habitants et l’administrateur du territoire. Rubaya abrite une mine artisanale de coltan (colombite-tantalite), qui représenterait jusqu’à 15 % de la production mondiale. Lumbishi se trouve, quant à elle, dans une zone minière riche en coltan, en or, en tourmaline et en cassitérite.
« Cette avancée militaire s’accompagne d’efforts pour mettre en place une administration civile parallèle dans les zones contrôlées par le M23, ainsi que d’une intensification de l’extraction minière », estime le Centre d’études stratégiques de l’Afrique (ACSS), basé à Washington. Selon de nombreux experts, dont ceux de l’ONU, ces rebelles alimentent le commerce illicite de minerais en RDC, posant ainsi un défi majeur aux efforts de formalisation de l’exploitation minière artisanale dans le pays.
Une des clé du conflit
Pour instaurer une chaîne d’approvisionnement responsable de l’or extrait sans engins ni infrastructures industrielles en RDC, le gouvernement a créé une société chargée de l’achat, de la commercialisation et de l’exportation de l’or issu de l’exploitation artisanale. Dénommée Primera Gold à sa création, elle a été rebaptisée DRC Gold Trading SA après son passage sous contrôle public. En 2023, elle n’était active que dans le Sud-Kivu, où elle a collecté jusqu’à 5,07 tonnes d’or, provoquant une hausse des exportations artisanales du pays de 12 000 % par rapport à l’année précédente. La présence grandissante du M23 dans cette province devrait sûrement perturber les activités de DRC Gold Trading SA.
La question minière « constitue un autre moteur du conflit qu’il faudra traiter pour parvenir à une paix durable », estime le Centre d’études stratégiques de l’Afrique dans une note publiée le 29 janvier. « Kigali est accusé de faciliter l’exfiltration des minerais à travers sa frontière. La valeur marchande de ces minerais dépassera probablement 1 milliard de dollars… », poursuit le document.
Depuis @MiningIndaba à Cape Town, nous dénonçons avec force le pillage de nos ressources minérales par le Rwanda, qui mène une agression inacceptable contre notre pays🇨🇩 @MinMinesRDC pic.twitter.com/hKTlElABiG
— Kizito Pakabomba (@kizpaka) February 2, 2025
« Les exportations de minéraux du Rwanda s’élèvent désormais à plus d’un milliard de dollars par an. C’est à peu près le double de ce qu’il y a deux ans. Et nous ne savons pas combien, mais une bonne partie de cette somme provient de la RDC », a déclaré Jason Stearns, politologue à l’Université Simon Fraser et ancien enquêteur de l’ONU, cité par Reuters. Pour le gouvernement congolais, le rôle clé du Rwanda dans le pillage de ses ressources ne fait pas l’objet d’un doute. Une situation rappelée par le ministre des mines, Kisiti Pakabomba, au forum Mining Indaba qui se déroule actuellement en Afrique du Sud.
En février 2024, le Rwanda et l’Union européenne ont signé un protocole d’accord afin de garantir un « approvisionnement durable en matières premières » pour l’UE, en échange d’un financement destiné à développer les chaînes d’approvisionnement et les infrastructures minières du Rwanda. Un accord aujourd’hui dénoncé par la RDC et certains députés européens.
Pierre Mukoko
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