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Minerais stratégiques : comment la Gécamines reprend progressivement la main

Minerais stratégiques : comment la Gécamines reprend progressivement la main

En République démocratique du Congo (RDC), la Gécamines a transmis une offre de rachat des actifs de la société Chemaf Resources. Cette dernière pilote en RDC le projet Mutoshi et y développe depuis 2018 un complexe capable de livrer annuellement 16 000 tonnes de cobalt et 50 000 tonnes de cuivre. Face à des difficultés financières pour achever le projet, Chemaf a annoncé en juin 2024 un accord pour céder l’entreprise et toutes ses filiales, y compris Mutoshi, au groupe chinois Norin Mining. Opposée à la vente, la Gécamines a tôt fait d’indiquer début juillet son opposition à la transaction, soutenue ensuite par le gouvernement.

Redevenir un grand acteur du cuivre et du cobalt

Il faut dire que le permis d’exploitation minière du projet Mutoshi appartient en réalité à la compagnie congolaise, qui en a cédé le contrôle à Chemaf en 2015, pour un bail d’une durée de 25 ans. La Gécamines dispose à cet effet d’un « droit discrétionnaire d’approbation préalable » dont n’aurait pas tenu compte Chemaf avant de conclure la vente du projet. Après avoir obtenu l’annulation du deal avec Norin Mining, la Gécamines cherche donc désormais à reprendre la main sur le projet et sur les dizaines de licences de cuivre et de cobalt en attente d’être mises en valeur dans le portefeuille de Chemaf.

Pour le moment, les détails de l’offre transmise à Chemaf sont inconnus et la réussite du projet reste incertaine. Il faut néanmoins indiquer qu’elle intervient dans un contexte où la RDC affiche de plus en plus sa volonté de diversifier ses partenariats dans les minéraux stratégiques, dominés pour le moment par des entreprises chinoises ou à capitaux chinois. A titre illustratif, on peut citer le chinois CMOC, qui exploite en RDC deux mines qui lui ont permis de s’imposer en 2023 comme le premier producteur mondial de cobalt. De même, bien qu’Ivanhoe Mines, copropriétaire de la plus grande mine congolaise de cuivre, soit basé au Canada, elle est contrôlée à plus de 34 % par la China CITIC Bank et la compagnie chinoise Zijin Mining Group. Cette dernière, faut-il le souligner, est également copropriétaire de Kamoa-Kakula, avec 39,6 % de parts, tout comme Ivanhoe, contre une participation de 20 % pour la RDC.

Dans une interview en octobre 2024, le ministre congolais des Mines Kizito Pakabomba a indiqué que la RDC courtise actuellement de nouveaux investisseurs, y compris les Émirats arabes unis. Le pays veut « attirer de meilleurs investisseurs, plus d’investisseurs et des investisseurs diversifiés », a-t-il notamment déclaré, cité par Bloomberg. La plupart des mines de cuivre et de cobalt du pays sont en effet contrôlées par des sociétés chinoises ou liées à des intérêts chinois.

Un rôle actif dans la production et le négoce des métaux

La Gécamines a commencé par renégocier certains accords qui la lient aux entreprises chinoises. Après avoir bloqué pendant près d’un an les exportations de CMOC, la compagnie congolaise a obtenu en 2023 le droit d’acquérir un volume de production proportionnel à sa participation de 20 % dans la mine Tenke-Fungurume. L’entreprise publique a obtenu, en début d’année 2024, les mêmes droits sur la production de Sicomines, une coentreprise formée avec un consortium d’entreprises chinoises où elle détient 32 % de parts. La Gécamines négocie une clause similaire avec d’autres coentreprises où elle possède des parts. Parmi les principaux producteurs mondiaux de cuivre et de cobalt dans les années 80, l’objectif pour l’entreprise publique est de devenir un négociant clé de la production congolaise de cuivre et cobalt.

En septembre 2024, Bloomberg a ainsi rapporté la première commercialisation de cuivre par la Gécamines, grâce à l’accord signé avec CMOC. La compagnie congolaise a signé des accords de vente avec les négociants Glencore, Mercuria Energy Group et Trafigura Group, mais les quantités vendues restent inconnues. Tenke Fungurume dispose d’une capacité de production annuelle de 450 000 tonnes de cuivre et 37 000 tonnes de cobalt. Si l’installation tourne à plein régime cette année, la Gécamines devrait donc être en mesure de commercialiser directement 90 000 tonnes de cuivre et 7400 tonnes de cobalt.

Au-delà du cuivre et du cobalt, la Gécamines s’active aussi pour renforcer ses positions dans d’autres métaux. C’est le cas du germanium, avec la construction et la mise en service en 2023 d’une usine hydrométallurgique avec sa filiale STL. Grâce au traitement de résidus miniers issus du site dénommé « Big Hill » à Lubumbashi, la Gécamines entend assurer 30 % de l’approvisionnement mondial en germanium, un métal essentiel notamment pour les semi-conducteurs et dont l’offre mondiale est dominée par la Chine.

Sur ce projet, la Gécamines s’est associée au Belge Umicore. Selon un accord annoncé en mai 2024 par les deux sociétés, Umicore sera un partenaire technique qui apportera son expertise pour raffiner localement les concentrés de germanium. Mi-octobre 2024, la Gécamines a annoncé la première expédition de germanium à destination de son partenaire belge.

« Ce premier chargement de germanium confirme l’ambition qui est la nôtre depuis plusieurs années de vouloir faire du Congo ce hub mondial des métaux stratégiques, tant pour leur extraction, ce que nous sommes déjà en partie, que pour leur transformation locale dans le futur », a déclaré le président de la Gécamines, Guy Robert Lukama.

La Gécamines veut aussi devenir un acteur clé dans la production mondiale de zinc. En partenariat avec Ivanhoe Mines, elle a redémarré cette année la mine Kipushi, en sommeil depuis 1993, afin d’en faire l’une des dix plus grandes mines de zinc au monde. À son pic, Kipushi devrait livrer annuellement 278 000 tonnes de zinc, pour une production moyenne de 240 000 tonnes par an sur 14 ans.

Selon un accord signé en janvier dernier, la participation de la Gécamines dans le projet passera de 38 % actuellement à 43 % à partir du 25 janvier 2027. Elle atteindra ensuite 80 %, une fois que 2 millions de tonnes de minerais auront au moins été extraites et traitées, contre 20 % pour Ivanhoe, actuel actionnaire majoritaire.

Éviter les erreurs du passé

Menées à bien, les mesures prises ces dernières années par la RDC en matière de contrôle de ses richesses minières peuvent accroitre les retombées économiques tirées de l’exploitation minière. Outre les succès mentionnés plus haut, Kinshasa a obtenu, de la révision du contrat « mines contre infrastructures » (Socomines) avec la Chine, un investissement dans les infrastructures pouvant dépasser les 7 milliards de dollars et des royalties 1,2 % du chiffre d’affaires annuel de la Socomines. Dans le cadre de l’accord avec CMOC évoqué plus haut, la Gécamines a obtenu de son côté le paiement de 800 millions de dollars échelonné sur la période 2023-2028, en plus d’un minimum de 1,2 milliard de dollars de dividendes pour la durée de vie de Tenke Fungurume.

Les efforts congolais interviennent à un moment stratégique, car le pays attire plus que jamais l’attention des investisseurs et des États pour son potentiel en cuivre, cobalt, lithium, autant de métaux essentiels à la transition énergétique. Pour autant, le gouvernement et la Gécamines doivent éviter les écueils du passé. Ces erreurs qui comprennent des problèmes de gestion, des accords jugés défavorables à la RDC, la corruption ou encore des différends judiciaires avec les investisseurs étrangers ont contribué à réduire l’influence de la Gécamines au fil des années.

Emiliano Tossou, Agence Ecofin

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