En RDC comme dans la plupart des pays forestiers d’Afrique, la gestion durable des surfaces boisées est le principal défi pour la sauvegarde des ressources. Cette question revêt une importance majeure dans le contexte du changement climatique.
En République démocratique du Congo (RDC), la valorisation durable des superficies forestières par le secteur privé en partenariat avec le gouvernement est un moyen efficace pour assurer leur protection, selon le rapport Diagnostic du secteur privé de la RDC publié par la Banque mondiale en mars 2022. Alors que les forêts de la RDC représentent le second poumon écologique de la planète derrière l’Amazonie avec plus de 100 millions d’hectares, ce sont chaque année 1,3 million d’hectares qui sont menacés de disparition.
« La biomasse représente 98,8 % de la consommation totale d’énergie des ménages du pays, dont 81,8 % pour le bois de chauffage et 17 % pour le charbon de bois. En 2010, le marché du charbon de bois de Kinshasa était estimé à 143 millions de dollars (environ 150 millions de dollars en 2023), soit 3,1 fois la valeur des exportations de bois d’œuvre résineux », soutient de l’institution de Breton Woods dans son rapport.
A l’origine de cette situation, les besoins en terres agricoles et la production de charbon de bois et de bois de chauffe. Dans le pays, la Banque mondiale estime ainsi que 6 millions d’hectares ont été déboisés entre 1992 et 2020, dont 67 % pour l’expansion des terres cultivées et prévoit que 8,4 millions d’hectares soient déboisées d’ici 2030. Par ailleurs, avec la faible utilisation de sources d’énergie domestique plus propres, le pays dépend à hauteur de 94 % de la biomasse forestière pour ses sources d’énergie primaire.
« La biomasse représente 98,8 % de la consommation totale d’énergie des ménages du pays, dont 81,8 % pour le bois de chauffage et 17 % pour le charbon de bois. En 2010, le marché du charbon de bois de Kinshasa était estimé à 143 millions de dollars (environ 150 millions de dollars en 2023), soit 3,1 fois la valeur des exportations de bois d’œuvre résineux », soutient de l’institution de Breton Woods dans son rapport.
D’après la Banque mondiale, la RDC a beaucoup à apprendre de ses pays voisins dont le Gabon qui adopte de bonnes pratiques en matière de régulation de ses ressources ligneuses. Dans ce dernier pays où la surface forestière s’étend sur 87 % du territoire (22 millions d’hectares) avec un taux de déforestation de 0,05 % entre 2010 et 2020, le gouvernement s’est notamment doté d’un plan stratégique pour l’exploitation durable de sa ressource forestière. Cela comprend notamment l’amélioration de la surveillance, du contrôle et de la traçabilité, la mise en place de plantations forestières dans les zones dégradées et les savanes ainsi que le passage à la transformation secondaire et tertiaire des produits forestiers pour accroître les retombées économiques.
Au Gabon par exemple, les pratiques forestières sont sélectives avec seulement entre un et trois arbres par hectares qui sont exploités une fois tous les 20, 30 ans, ce qui au final ne touche qu’entre 5 et 15 % de la biomasse et du couvert forestier.
Au Gabon, l’institution indique que plus de 80 % de la forêt est soumise à des concessions forestières formelles et durable contre 10 % en RDC (10 millions d’hectares), ce qui laisse encore des opportunités immenses pour non seulement améliorer le contrôle du secteur forestier mais aussi booster les exportations de bois durable de grande valeur économique.
Le pays a aussi encouragé des partenariats public-privé afin d’améliorer l’utilisation de ses ressources d’une manière durable. D’après la Banque mondiale, le secteur privé exploite ainsi seulement 4 % de la concession chaque année (avec seulement quelques arbres coupés par hectare) tout en s’engageant à sécuriser et protéger les 96 % restants.
Au Gabon, l’institution indique que plus de 80 % de la forêt est soumise à des concessions forestières formelles et durable contre 10 % en RDC (10 millions d’hectares), ce qui laisse encore des opportunités immenses pour non seulement améliorer le contrôle du secteur forestier mais aussi booster les exportations de bois durable de grande valeur économique.
Dans un tel contexte, un renforcement de la gouvernance économique du secteur et la mise en œuvre de plans de gestion durable pour les concessions forestières existantes pourraient permettre à la RDC de tirer un meilleur parti de ses ressources.
Par ailleurs, les auteurs du rapport mettent en avant la nécessité d’accroître la lutte contre l’exploitation illégale durable qui peut prendre la forme de l’exploitation d’espèces protégées au sein de concessions légales, la surexploitation des arbres, le non-respect des plans de gestion forestière. D’après la Banque mondiale, le renforcement des capacités de l’administration sur le terrain, la mise en place d’une surveillance par satellite ou encore des contrôles plus stricts aux postes frontaliers pourrait permettre de lutter contre cette pratique.
A l’heure où la lutte contre le changement climatique, les marchés du carbone dans le secteur forestier offrent l’opportunité de promouvoir des pratiques durables pour limiter les émissions de gaz à effet de serre (GES), la Banque mondiale estime que la RDC gagnerait à profiter de l’effet de levier de la finance carbone. Le pays est en effet bien placé pour jouer un important rôle dans la réduction des émissions provenant du déboisement et de la dégradation des forêts, associées à la gestion durable des forêts, la conservation et l’amélioration des stocks de carbone forestier (REDD+).
Selon les données de la Banque mondiale, les forêts congolaises sont parmi les rares du globe à séquestrer plus de CO2 qu’elles n’en émettent par an, agissant ainsi comme un puits de carbone net et contribuant à l’élimination de 822 millions de tonnes d’équivalent CO2/an.
En outre, indique-t-elle, les superficies forestières de la RDC peuvent générer une valeur estimée entre 223 et 398 milliards de dollars par an grâce au carbone stocké et aux services écosystémiques associés. Par ailleurs, les tourbières du bassin du Congo contiennent 29 gigatonnes (Gt) de carbone souterrain.
Plus globalement, les observateurs indiquent que la RDC gagnerait aussi à s’appuyer sur l’exemple du Gabon qui sur les dernières années à mener plusieurs démarches pour tirer une meilleure rémunération financière de ses ressources forestières. Le pays qui est un absorbeur net de carbone à travers ses forêts tropicales a été en 2021, le premier pays africain à obtenir des paiements basés sur les résultats pour la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts.
Il s’agit d’autant d’opportunités pour la RDC qui peut monétiser les émissions évitées pour promouvoir la gestion durable des forêts et rendre les terres économiquement viables.
Depuis 2022, les autorités ont entrepris de mettre en place un cadre favorable pour permettre l’essor des marchés du carbone dans le pays. On peut citer notamment le décret No. 23/22 du 14 juin 2023 portant création, organisation et fonctionnement de l’Autorité de régulation du marché de carbone en RDC.
Cet établissement public a notamment pour rôle d’organiser le marché de carbone sur le territoire ainsi que de promouvoir la participation des acteurs publics ; et privés ainsi que des communautés locales dans les activités de production, d’achat, de vente, et de revente des crédits carbone. A cela s’ajoute l’arrêté interministériel de septembre 2023 des ministères chargés de l’environnement et des finances sur le partage de la quotité du bénéfice des crédits de carbone devant revenir à l’Etat congolais.
En outre, les 23 et 24 octobre 2023, une conférence visant à réfléchir sur le marché du carbone durable en RDC s’est tenue à Kinshasa avec plus de 200 acteurs clés des agences gouvernementales, du secteur privé et de la société civile impliqués dans la tarification du carbone. Plus globalement, dans le pays, la province du Maï-Ndombe a été l’une des premières régions à expérimenter le Programme de réduction des émissions provenant du déboisement et de la dégradation des forêts, associées à la gestion durable des forêts, la conservation et l’amélioration des stocks de carbone forestier (REDD+). Le programme intégré au Fonds carbone du Fonds de partenariat pour le carbone forestier en décembre 2016 a déjà permis selon les estimations d’engager 90 millions $ dans le financement climatique au sein de la province et 20 projets couvrant 12,3 millions d’hectares en cours ou planifiés.
Plus globalement, les observateurs indiquent que la RDC gagnerait aussi à s’appuyer sur l’exemple du Gabon qui sur les dernières années à mener plusieurs démarches pour tirer une meilleure rémunération financière de ses ressources forestières. Le pays qui est un absorbeur net de carbone à travers ses forêts tropicales a été en 2021, le premier pays africain à obtenir des paiements basés sur les résultats pour la réduction des émissions dues à la déforestation et à la dégradation des forêts. Ce versement de 17 millions $ visait à primer les réductions réalisées par le Gabon en 2016 et 2017, par rapport aux niveaux d’émissions annuels de 2006 à 2015. Il s’inscrivait dans le cadre de l’accord conclu entre le Gabon et l’Initiative pour les forêts d’Afrique centrale (CAFI), une initiative multi-donateurs hébergée par l’ONU, en 2019, pour un total de 150 millions $ sur 10 ans. En janvier 2023, le pays a annoncé en qu’il comptait mettre sur le marché, 90 millions de tonnes de crédits carbone. Avec une prévision du prix du crédit carbone autour de 14 dollars, le pays s’attendait à près de 1,26 milliard $ comme retombées financières.
Espoir Olodo
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Début septembre 2024, les prix du carbonate de lithium et de l’hydroxyde de lithium sont tombés en dessous de 11 000 dollars la tonne, une première depuis juin 2021. Selon les données de Standard & Poor’s (S&P), le carbonate de lithium se négociait à 10 550 dollars la tonne au 4 septembre, tandis que la tonne d’hydroxyde de lithium était à 10 400 dollars. Le marché du lithium, dans une dynamique baissière depuis plusieurs mois, ne montre pas de signes d’amélioration. La semaine dernière, plusieurs sources concordantes ont rapporté que CATL, l’un des plus grands producteurs mondiaux de batteries, envisage de fermer sa mine de lithium dans la province chinoise de Jiangxi (qui représente 5 à 6 % de l’offre mondiale) en raison de la chute des prix et des coûts d’exploitations élevés. Comme cette entreprise chinoise, plusieurs acteurs du marché s’inquiètent de cette baisse prolongée. Pour les pays africains, futurs producteurs de lithium, comme la RDC, où les richesses en lithium de la région de Manono ont attiré plusieurs entreprises étrangères ces dernières années, l’état actuel du marché pourrait ralentir les plans de développement de ce secteur.
Selon le rapport « Comment l’Afrique tire profit des opportunités sur le marché du lithium » disponible sur Ecofin Pro, la plateforme d’Ecofin dédiée aux professionnels, les premières attributions de blocs d’exploration de lithium à des sociétés par la RDC remontent seulement à 2010. Très en avance sur d’autres minéraux stratégiques comme le cuivre ou le cobalt, l’intérêt de la RDC pour ses ressources de lithium est un peu plus récent et a coïncidé avec l’intérêt mondial accru pour cette matière première utilisée dans les batteries de véhicules électriques.
Dans son code minier promulgué en 2018, la RDC a classé le lithium dans la catégorie des métaux stratégiques avec le cobalt, le coltan et le germanium. Elle a instauré pour ces métaux une hausse de la redevance, qui passe de 2 % à 10 %. De plus, l’État exige des participations dans les différents projets, par le biais de la Société commerciale et minière du Congo (Cominière SA), qu’il détient à 90 %. Cette dernière a ainsi conclu différents accords avec les entreprises étrangères sur les découvertes majeures réalisées à ce jour. Il faut rappeler que le plus grand projet de lithium de la RDC reste celui de Manono, où l’Australien AVZ Minerals prédisait en 2021 une capacité de production annuelle de 700 000 tonnes de concentré de spodumène et 45 375 tonnes de sulfate de lithium primaire.
Un marché du lithium sous pression
Selon Ecofin Pro, les prix du carbonate de lithium ont connu une baisse significative passant d’un record de 81 360 dollars par tonne en novembre 2022 à 20 782 dollars par tonne en février 2024, soit le niveau le plus bas affiché sur une période de deux ans. Cette tendance baissière a continué dans les mois qui ont suivi. Comme mentionné plus haut, l’hydroxyde de lithium, extrait de lacs salés ou de saumures et utilisé principalement dans les batteries au phosphate de fer et de lithium (LFP), a vu don prix baisser à 10 550 dollars la tonne début septembre. Quant au carbonate de lithium, issu de l’extraction du minerai de spodumène et utilisé principalement dans les batteries au nickel, cobalt et manganèse (NCM), son prix a baissé à 10 400 dollars la tonne.
La principale raison évoquée par les analystes pour expliquer cette chute durable des prix est le ralentissement des ventes de voitures électriques (VE), surtout en Chine (qui représente 60 % des immatriculations mondiales de VE). Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les nouvelles immatriculations de voitures électriques ont augmenté de 35 % en 2023, un ralentissement notable par rapport à la croissance de 82 % en 2022. D’après une note publiée le 16 septembre par le site Carbon Credits, la reprise économique incertaine de la Chine et la suppression progressive des subventions pour les VE ont également freiné la demande.
Évolution du prix du lithium depuis 2020
Source : Trading Economics
L’état du marché est l’une des raisons évoquées par la société chinoise CATL « pour ajuster sa production de lithium dans la province méridionale de Jiangxi ». « Sur la base des conditions récentes du marché du carbonate de lithium, l’entreprise prévoit d’ajuster la production de carbonate de lithium à Yichun », a déclaré la société à Reuters, suite à la publication d’un rapport d’analystes indiquant qu’elle avait suspendu les opérations à la mine de lithium.
En Afrique, où plusieurs pays se positionnent pour produire également du lithium, les inquiétudes grandissent aussi. Dans une sortie relayée par plusieurs médias internationaux, Martin Ayisi, directeur de la Commission des minéraux du Ghana, a déclaré que le projet de lithium phare du pays (Ewoyaa), où une production annuelle d’environ 360 000 tonnes est attendue, risque d’être interrompu. « Il en coûtera environ 650 dollars à Atlantic Lithium pour produire une tonne de concentré de lithium et, avec un prix (du spodumène de lithium, NDLR) juste au-dessus de 700 dollars, cela nous inquiète », a-t-il déclaré.
Un obstacle de plus
Sur les 1175 projets miniers en cours d’exploration et de développement sur le continent africain recensé par Ecofin Pro, 47 portent sur le lithium. Sur les 47 projets de lithium, quatre sont localisés en RDC.
Projets de lithium répertoriés par Ecofin Pro en Afrique
Malgré l’engouement autour du lithium en RDC au cours de ces dernières années, le pays ne fait toujours pas partie du cercle des producteurs. Pour cause, un litige survenu sur le plus grand gisement du pays, celui de Manono, l’une des plus importantes réserves non exploitées de lithium à l’échelle mondiale, avec environ 400 millions de tonnes de ressources minérales contenant 1,65 % de lithium, selon les estimations d’AVZ. En 2022, AVZ annonçait la signature par la ministre des Mines de l’époque, Antoinette N’Samba Kalambayi, d’un décret attribuant une licence d’exploitation. Cependant, le projet s’est rapidement retrouvé au centre d’un différend judiciaire. La société australienne revendique 75 % d’intérêts, tandis que Cominière, son partenaire congolais, affirme que l’accord de coentreprise entre les deux parties a pris fin. Cominière a annoncé fin octobre 2023 un accord avec la société chinoise Zijin Mining, pour développer une mine de lithium sur la licence d’exploration de lithium précédemment détenu par sa coentreprise avec AVZ. Toutefois, une décision de la Chambre de commerce internationale lui a interdit toute mesure visant à « explorer et exploiter, directement ou indirectement », le projet de lithium Manono revendiqué par AVZ.
Dans un communiqué publié en août 2024, AVZ Minerals accuse par ailleurs la RDC d’avoir violé l’ordonnance judiciaire susmentionnée (en délivrant un permis d’exploitation à la coentreprise entre Cominière et Zijin) et réclame des pénalités s’élevant à 73,85 millions $. Elle a indiqué être en discussion avec le gouvernement congolais pour « tenter de résoudre à l’amiable le différend concernant l’octroi d’un permis d’exploitation minière pour le projet de lithium à Manono ».
Pour le moment donc, la baisse des prix sur le marché ne semble pas être la raison qui justifie le retard de la RDC dans le développement de son projet phare (et le plus avancé) de lithium. En attendant un dénouement pour cette affaire qui doit être encore jugée sur le fond, notons qu’une autre société (dénommée AJN Resources) a annoncé le 31 mai dernier le début de travaux de forage sur son projet Manono Nord-Est pour trouver des minéralisations de lithium et d’étain. La compagnie compte notamment sur la proximité du projet avec le site au cœur du litige entre AVZ et Cominière.
Perspectives du marché de lithium
Les enjeux pour la RDC du développement d’une industrie du lithium sont simples à comprendre. Le pays, dont les revenus miniers sont passés d’une moyenne de 4 milliards $ sur la période 2013-2017 à une moyenne de 5,5 milliards $ sur la période 2018-2022 selon le FMI, disposerait d’une nouvelle source de recettes dans le secteur. Si la RDC doit encore résoudre les problèmes ci-dessus évoqués pour concrétiser cet espoir, l’évolution du marché est un paramètre à surveiller de près, car elle pourrait influencer les décisions de développement des compagnies.
Selon Adam Megginson, un analyste cité par le média INN et relayé dans un rapport d’Ecofin Pro, « si les perspectives à long terme du marché du lithium restent reluisantes, les niveaux actuels de prix assez bas sont préoccupants, surtout pour les entreprises qui ne l’avaient pas prévu. Un environnement de prix constamment plus bas […] peut également suspendre certaines des sources d’approvisionnement les plus coûteuses et éliminer les projets prévus plus coûteux fondés sur des prix élevés », a-t-il déclaré.
L’annonce par CATL de ses plans de réduction de production a eu comme effet de « soulager » dans une certaine mesure le marché du lithium, même si les prévisions d’excédents sur le marché sont maintenues. Les analystes semblent s’accorder sur le fait que des réductions supplémentaires de l’offre pourraient être nécessaires pour que le marché revienne à un état d’équilibre d’ici 2025. Pour le moment, c’est un sentiment d’incertitude qui prévaut à court terme sur le marché du lithium et la donne ne devrait pas changer avant 2026 où une reprise des prix est prévue par les analystes de Guotai Junan Securities Co.
Louis-Nino Kansoun
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Aujourd’hui, les télécommunications par satellite sont devenues des composantes essentielles de l’économie numérique à travers le monde. Cependant, en République Démocratique du Congo (RDC), malgré la création du Réseau national de télécommunications par satellite (Renatelsat) il y a plus de 30 ans, le pays peine à profiter pleinement de cette technologie. La principale raison en est que la société Renatelsat tarde toujours à prendre son envol.
La République démocratique du Congo enregistre un taux de pénétration Internet mobile et fixe de 30,08 % et 0,017 %, selon les dernières données de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications du Congo (ARPTC) publiées en mars 2023. Soit 29,3 millions d’abonnés. Un niveau considéré comme faible au regard des 33 fournisseurs d’accès Internet identifiés dans le pays, dont quatre opérateurs de téléphonie mobile (Airtel, Vodacom, Orange et Africell). Cette situation découle de leurs choix d’investir plus dans les centres urbains, compte tenu de la grande taille du territoire national, de sa géographie complexe et du faible pouvoir d’achat de la majorité de la population. De plus, à eux seuls, les opérateurs télécoms estiment ne pas être en mesure de réaliser le service universel désiré par l’État.
Bien que le gouvernement ait pris conscience de cette réalité et s’active à investir davantage dans le secteur des télécoms, notamment avec la relance du Fonds de développement du service universel (FDSU), il est urgent qu’il adopte d’autres mesures à fort impact. La réhabilitation accélérée du Réseau national de télécommunications par satellite (Renatelsat) engagée depuis 2020 en est une. C’est en effet le 26 mai de cette année-là que Émery Okundji, alors ministre des Postes, Télécommunications et Nouvelles technologies de l’information et de la communication, avait annoncé la signature d’un accord de partenariat BOT (construire, exploiter et transférer) avec la société sud-africaine Africa Union Financial Services Sarl (AUFS). Il prévoyait la dotation de Renatelsat en nouveaux équipements, la formation du personnel, le développement de mécanismes et projets permettant à Renatelsat d’atteindre une autonomie financière et technique. Trois ans plus tard, les fruits de cette collaboration ne sont toujours pas connus. Pourtant, Renatelsat peut être un puissant atout de développement économique et social pour la RDC.
À la création de Renatelsat, l’objectif était de connecter toute la RDC via des technologies satellitaires avancées. La société devait jouer un rôle crucial pour surmonter les défis posés par la géographie du pays, caractérisée par de vastes étendues de forêts, des montagnes et des rivières qui rendent la pose de câbles terrestres et de tours télécoms extrêmement difficile et coûteuse.
Renatelsat est l’unique opérateur satellitaire public de la RDC. L’entreprise publique à caractère technique et commercial, créée par Ordonnance présidentielle, le 30 septembre 1991 est placée sous la double tutelle du ministère de la Communication et Médias et celui des Postes, Télécommunications et NTIC. À la création de Renatelsat, l’objectif était de connecter toute la RDC via des technologies satellitaires avancées. La société devait jouer un rôle crucial pour surmonter les défis posés par la géographie du pays, caractérisée par de vastes étendues de forêts, des montagnes et des rivières qui rendent la pose de câbles terrestres et de tours télécoms extrêmement difficile et coûteuse. L’idée était de permettre une connectivité universelle, même dans les régions les plus reculées du pays, où les infrastructures de télécommunications classiques n’étaient pas encore disponibles. En garantissant un accès équitable à l’information et à la communication, le gouvernement congolais avait pour objectif de transformer le paysage socio-économique de la RDC. Mais le potentiel de l’entreprise demeure plombé par plusieurs facteurs.
Défis persistants
La gestion de Renatelsat a souvent été critiquée pour son manque de transparence et d’efficacité. Des accusations de mauvaise gestion ont également entaché la réputation de l’organisation, rendant difficile la mobilisation de ressources supplémentaires. En 2021, la société civile du Lac dénonçait une mauvaise gestion du matériel du Renatelsat à Inongo dans la province du Mai-Ndombe. Elle accusait le chef de centre de détournement des équipements et appelait les services judiciaires à enquêter. En novembre 2023, un arrêté du ministère de la Communication et Médias a suspendu Achinda Wahilungula, alors administrateur directeur général de Renatelsat. Il a été remplacé à titre intérimaire par Boondo Jean-Pierre.
Le déficit d’Investissements représente aussi un défi pour Renatelsat. Le développement des infrastructures satellitaires nécessite des investissements importants. En raison des priorités budgétaires et des défis économiques auxquels le pays est confronté, les financements nécessaires pour moderniser et étendre les capacités de Renatelsat n’ont pas été suffisants. Cette situation a conduit à une stagnation technologique, empêchant l’entreprise publique de répondre aux besoins croissants de connectivité. En 2012, la RDC avait conclu un accord avec la China Communications Services Corporation pour un investissement de 274 millions de dollars visant la création d’un réseau backbone satellitaire matérialisé par la construction et le lancement du satellite Congosat-1 trois ans plus tard. Aucune information n’a plus filtré sur le projet jusqu’à présent.
À ces deux facteurs qui nuisent à la solidité de Renatelsat s’ajoutent les priorités gouvernementales fluctuantes. Celles-ci ont souvent changé, passant de la nécessité de renforcer les infrastructures de télécommunications à d’autres urgences nationales comme la sécurité et les finances publiques. Cette instabilité dans les priorités a conduit à une planification et une mise en œuvre incohérentes des projets liés à Renatelsat. Ces manquements cumulés ont eu des conséquences significatives.
Des opportunités manquées
Le sous-développement de Renatelsat a des conséquences profondes sur le développement national. La connectivité limitée entrave les opportunités économiques et sociales et nuit à la bonne gouvernance.
Un réseau de télécommunications robuste est essentiel pour le développement économique. Il facilite le commerce et diverses activités génératrices de revenus, attire les investissements et soutient l’innovation. En RDC, de nombreuses régions restent économiquement isolées en raison de la connectivité limitée, empêchant les entreprises locales de prospérer et les investisseurs étrangers de s’installer. Dans les 26 provinces du pays, seules les zones urbaines sont largement couvertes par le réseau télécom. Couvrir les zones rurales pourrait favoriser l’essor du secteur agricole en développant l’Agritech comme c’est le cas en Égypte, au Nigeria, etc.
La Covid-19 a démontré l’importance de la connectivité à haut débit pour les services sociaux comme l’éducation et la Santé. Les écoles et les établissements de santé dans les régions éloignées pourraient accéder à des ressources en ligne, participer à des formations à distance. Le Rwanda, l’Ouganda ou encore le Kenya l’ont compris et investissent dans l’extension de leur réseau de fibres optiques ainsi que dans des partenariats avec des opérateurs satellites à cet effet. Renatelsat peut soutenir l’e-éducation en RDC et améliorer l’Indice de développement humain national. Idem dans le domaine de la santé où le faible accès aux médecins et spécialistes généralement basés en zone urbaine entraîne des complications médicales, voire des décès pour des millions de Congolais.
Trop de régions demeurent inaccessibles aux opérateurs mobiles. C’est d’ailleurs ce qui explique le succès de Starlink qui séduit aussi en RDC. En mars dernier, le régulateur télécoms a dû intervenir pour mettre en garde contre l’utilisation des équipements de la société américaine qui, jusqu’à présent, n’a pas de licence pour opérer sur le territoire.
Pour l’administration publique, Renatelsat est aussi un atout d’efficacité. Une meilleure connectivité permettrait une meilleure collaboration entre les administrations locales et le gouvernement central, facilitant la gestion des ressources et la mise en œuvre des politiques publiques. Une gouvernance plus éclairée en somme, source d’une meilleure gestion des affaires publiques et d’un climat des affaires plus attractif.
Aujourd’hui, à travers le monde, les télécommunications par satellites sont devenues des composantes incontournables de l’économie numérique. Trop de régions demeurent inaccessibles aux opérateurs mobiles. C’est d’ailleurs ce qui explique le succès de Starlink qui séduit aussi en RDC. En mars dernier, le régulateur télécoms a dû intervenir pour mettre en garde contre l’utilisation des équipements de la société américaine qui, jusqu’à présent, n’a pas de licence pour opérer sur le territoire. Ce besoin exprimé par les consommateurs, Renatelsat pourrait y répondre. Mais cela requiert que des actions fortes soient prises dès maintenant.
Un appel à l’action
Pour transformer Renatelsat en un véritable atout de développement, des actions concrètes doivent être entreprises. La société qui pourrait être cruciale pour la stratégie de transformation numérique du pays a besoin d’une réforme de sa gouvernance afin d’assurer une gestion transparente et efficace. La mise en œuvre de mécanismes de surveillance indépendants et la promotion de la transparence dans la gestion des fonds sont essentielles pour regagner la confiance des investisseurs et des partenaires.
Le gouvernement doit aussi prioriser les investissements dans les infrastructures de télécommunications, notamment en recherchant des partenariats public-privé. Les investissements étrangers peuvent être encouragés par des politiques incitatives et un environnement réglementaire favorable.
Il est également essentiel de définir des priorités stratégiques claires pour le développement des télécommunications en RDC. Un plan à long terme, soutenu par un engagement politique constant, peut guider les efforts de développement et assurer une mise en œuvre cohérente.
Enfin, la RDC doit explorer les technologies émergentes pour améliorer la connectivité. Les satellites à orbite basse (LEO), par exemple, offrent des promesses de connectivité à haut débit à des coûts réduits et pourraient être une solution viable pour le pays.
Renatelsat représente un atout majeur pour le développement de la RDC, mais son potentiel reste largement inexploité. Pour que cette entreprise nationale de télécommunications par satellite devienne un véritable moteur de croissance, il est urgent de moderniser ses infrastructures, de définir une stratégie ambitieuse, et d’améliorer sa gouvernance. En surmontant ces défis, Renatelsat pourrait transformer la connectivité en RDC, stimulant ainsi le développement économique, social et humain du pays. La valorisation de Renatelsat est non seulement une nécessité, mais aussi une opportunité unique pour l’avenir de la RDC.
Muriel Edjo
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Le projet de révision du code minier de la République démocratique du Congo, proposé en 2015, a vu son processus d’adoption suspendu en mars 2016 en raison des vives objections des compagnies minières, qui se plaignaient que cela compromette la rentabilité des investissements dans le secteur. Finaliser ce projet en 2018 n’a pas été facile pour le gouvernement, qui s’est de nouveau heurté aux protestations de l’industrie minière. Mais la RDC, premier producteur mondial de cobalt et leader de la production cuprifère en Afrique, semble, si l’on en croit le FMI, avoir atteint un des premiers objectifs annoncés lors de l’adoption de sa nouvelle charte minière en 2018 : tirer plus de profits de l’exploitation des richesses de son sous-sol.
Selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI), publié en juillet 2024, les recettes du secteur minier congolais ont « considérablement » augmenté depuis le nouveau code minier de 2018. Elles sont passées d’une moyenne de 4 milliards $ sur la période 2013-2017 à une moyenne de 5,5 milliards $ sur la période 2018-2022. Ces revenus proviennent principalement de l’impôt sur les sociétés (CIT), des redevances et des paiements échelonnés de primes de signature ainsi que des droits d’importation.
« Cela [la hausse des recettes, NDLR] pourrait s’expliquer par l’augmentation de la production des principaux produits miniers d’exportation de la RDC (cuivre et cobalt) et par la part plus importante des profits des entreprises minières attribuée au gouvernement », peut-on lire dans le rapport. Promulgué en 2018 alors que plusieurs compagnies minières s’y opposaient, le nouveau code minier de la RDC a augmenté les redevances et imposé de nouvelles taxes.
Contre vents et marées
Pourtant, à l’époque, un groupe, constitué de sociétés comme Randgold, Glencore, Ivanhoe Mines ou encore China Molybdenum, avait déclaré que le gouvernement pourrait perdre plus de 3 milliards $ sur une décennie et faire face à des poursuites judiciaires s’il n’abandonne pas certaines clauses du nouveau code minier. « Il ne peut y avoir aucune ambiguïté, d’un point de vue gouvernemental, quant à l’intention des compagnies minières de protéger leurs droits si la législation est appliquée. », avait alors déclaré des représentants l’industrie dans la presse internationale.
Pour sa part, Randgold (racheté plus tard par Barrick), alors propriétaire de la mine Kibali (aujourd’hui plus grande mine d’or d’Afrique), avait indiqué en février 2018 que le pays pourrait perdre annuellement jusqu’à 10 millions de dollars si la nouvelle charte minière de la RDC était promulguée. « Au plus haut, ce serait 10 millions $ par an, ce qui n’est pas important pour un investissement comme celui de Kibali, mais si vous étiez une petite entreprise qui opère sur un petit gisement, vous seriez sous une énorme pression. », expliquait Mark Bristow, le DG de la société.
A son arrivée au pouvoir en 2019, le président Félix Tshisekedi n’a pas reculé face à la pression de l’industrie minière, poursuivant les réformes engagées par son prédécesseur au sujet de la charte minière. « Nous allons assainir le climat des affaires par la vulgarisation du nouveau code minier et la conclusion de contrats gagnant-gagnant. Je serai attentif aux doléances des opérateurs miniers par un dialogue permanent », avait déclaré M. Tshisekedi. Sous le nouveau régime, il faut noter que les plaintes des entreprises au sujet du code minier ont diminué et la RDC a, en plus, renégocié plusieurs contrats conclus avec des sociétés étrangères.
Au-delà du code minier, la hausse de la production et des prix
En dehors de la part plus importante des profits des entreprises minières attribuée au gouvernement dans le cadre du nouveau code, le FMI évoque l’augmentation de la production minière congolaise, un facteur dont l’importance ne doit pas être négligée.
Selon les données du ministère congolais des Mines, la production de cobalt (la RDC est le premier producteur mondial) est passée de 109 402 tonnes en 2018 à 115 371 tonnes en 2022, soit une hausse de 5 %.
Évolution de la production de cobalt en RDC
Source : ministère des Mines
L’importance de la hausse de la production de cobalt sur les recettes congolaises s’explique par les niveaux de prix élevés de cette matière première utilisée dans les batteries des véhicules électriques et nécessaire pour la transition énergétique. Selon une analyse du site ressources-naturelles.canada.ca, le prix du cobalt a fluctué entre 26 000 et 30 000 dollars la tonne entre 2013 et 2016. Il va ensuite grimper à 56 000 dollars/t en 2017 puis 95 000 $ en 2018. Cette hausse « spectaculaire » sera suivie en 2019 d’une baisse proportionnelle qui amènera le prix à 33 000 $ la tonne. La pandémie de Covid-19 n’arrangera rien à la chute, expliquée par plusieurs analystes comme une explosion de la bulle spéculative créée autour de cette matière première. Toutefois, vers fin 2020, la hausse du cours du cobalt a progressivement repris jusqu’à 64 000 dollars la tonne en 2022.
Évolution du prix du cobalt entre 2013 et 2022
Source : ressources-naturelles.canada.ca
Quant à la production de cuivre, elle est passée de 1,2 million de tonnes en 2018 à 2,4 millions de tonnes en 2022, soit une hausse de 100 %. Premier producteur de cuivre d’Afrique, la RDC est aujourd’hui dans le top3 mondial, grâce notamment à l’entrée en service du projet Kamoa-Kakula. Ce dernier est présenté comme pouvant devenir la future deuxième plus grande mine de cuivre, avec en plein régime une capacité de production de plus de 800 000 tonnes de concentré de cuivre par an. Elle a livré 393 551 tonnes en 2023.
Évolution de la production de cuivre en RDC
Source : ministère des Mines
Il est également important de souligner que si les revenus miniers de la RDC ont augmenté depuis 2018, c’est également à cause de la hausse du prix du cuivre. Selon le FMI, « il existe une corrélation presque parfaite entre les recettes intérieures et les prix du cuivre ».
Évolution des cours du cuivre et des recettes intérieures
Source : FMI
De bonnes perspectives
Les recettes minières tirées par la RDC de son secteur minier devraient continuer d’augmenter. Selon le FMI, les redevances minières des compagnies, composante importante de ces recettes, devraient passer de 1 499 milliards de francs congolais en 2022 à 2 688 francs congolais en 2024. Les mêmes facteurs qui ont porté la hausse des recettes sur les dernières années devraient également être déterminants dans les prochaines années.
La production de cuivre du pays devrait continuer de croître à mesure que le projet Kamoa-Kakula voit sa capacité augmenter. En 2024 par exemple, Ivanhoe Mines prévoit d’y produire entre 440 000 et 490 000 tonnes. Dans le même temps, les perspectives pour le prix du cuivre sont également reluisantes. Le métal rouge, qui a établi un nouveau record de prix historique à 11 000 dollars en mai dernier, pourrait se négocier à 15 000 dollars d’ici 2025, selon les analystes de Citibank et Macquarie. De plus, son potentiel de croissance à long terme serait plus grand du fait de son importance pour la transition énergétique.
En ce qui concerne le cobalt, si son prix est depuis plusieurs mois assez bas, comparativement au niveau de 2017-2018, les perspectives à long terme restent solides selon plusieurs analystes. Selon le Cobalt Institute (qui prévoit un excédent sur le marché jusqu’en 2025), la demande mondiale de la matière première devrait doubler, passant de 187 000 tonnes en 2022 à près de 388 000 tonnes d’ici 2030, une prévision qui devrait impacter les prix.
Louis-Nino Kansoun
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En décembre dernier, l’Agence nationale pour la promotion des investissements (Anapi) a publié la deuxième édition de son rapport statistique des projets d’investissements agréés en RDC sur la période 2019-2023. Ce document fournit une vue d’ensemble de l’évolution des flux d’investissements dans plusieurs branches de l’économie. Voici les points clés à retenir pour le secteur agricole.
Au cours des cinq dernières années, le secteur agricole est celui qui a enregistré la plus forte progression de promesses d’investissement. D’après l’Anapi, les projets agréés se sont chiffrés à 481,4 millions $ en 2023, marquant la seconde année consécutive de hausse. Cette enveloppe était de seulement 61,4 millions $ en 2022 et de 32,4 millions $ en 2021.
Cette forte progression s’explique, selon l’organisation, par le regain d’intérêt des acteurs privés et par le potentiel de croissance important dont dispose le secteur agricole. Bien que la hausse des intentions d’investissements durant l’année écoulée ait été qualifiée de « spectaculaire », l’Anapi souligne que le secteur agricole a été le moins attractif pour les investisseurs nationaux et étrangers au cours des cinq dernières années.
Intentions d’investissements des projets agréés (en millions $)
Source : Anapi, Direction des agréments
En effet, sur une période cumulée de 2019 à 2023, le secteur agricole a attiré 23 projets approuvés pour un montant total de 656 millions de dollars. Cela représente moins de 5 % du montant total estimé à 13,5 milliards de dollars, répartis sur 386 projets.
Alors qu’il fournit environ 20 % du PIB et emploie entre 70 et 75 % de la population active, selon les données de la Banque mondiale, cette branche de l’économie occupe de fait le dernier rang des bénéficiaires des investissements approuvés. Le top 3 est formé par les services (4,6 milliards $), les industries (4,54 milliards $) et les infrastructures (3,75 milliards $). Globalement, l’Anapi indique que les investissements annoncés dans le secteur agricole sur la période 2019-2022 ont été réalisés à 66,5 % en ce qui concerne le volume et à 68,5 % en termes d’emplois créés.
Une dynamique portée par les nationaux
En RDC, sur les 5 dernières années, les nationaux ont été les principaux pourvoyeurs de financements dans le secteur agricole. D’après les données de l’Anapi, 79,5 % des intentions d’investissements des projets agréés sur la période sont portés par les nationaux contre seulement 20,5 % pour les investissements directs étrangers (IDE). Avec une telle proportion, le secteur de l’agriculture et de la foresterie est le seul en RDC où les investisseurs nationaux prédominent.
Projets agricoles agréés entre 2019 et 2023 par origine
Source : Anapi, Direction des agréments
Selon l’Anapi, cette tendance s’explique principalement par les nombreux risques structurels que présente l’agriculture pour les investisseurs étrangers, malgré les ressources abondantes du secteur en RDC. En effet, le pays est l’un des mieux dotés au monde en matière de ressources en eau pour l’irrigation, de diversités climatiques, de zones de pâturages et de terres arables favorables à la production de cultures à haute valeur économique.
Toutefois, d’après l’organisme public, l’attractivité est plombée par plusieurs défis tels que « le manque des routes de desserte agricole, l’absence d’une finance axée sur l’agriculture et l’inexistence du foncier agricole ». À cela, on peut ajouter les problèmes sécuritaires, de gouvernance ainsi qu’un cadre réglementaire peu favorable aux investisseurs étrangers. Dans cette perspective, il faut noter l’article 16 de la Loi agricole de 2011 qui stipule que 51 % des parts des entreprises agricoles commerciales doivent être allouées aux nationaux, laissant 49 % pour les investisseurs étrangers. Selon la Banque mondiale, cette disposition est l’un des principaux freins aux IDE dans la productivité agricole. Elle prive le pays de capitaux frais nécessaires pour exploiter pleinement son immense potentiel agricole, le second au monde après le Brésil. Sur ladite période, le secteur de l’agriculture et de la foresterie a été d’ailleurs globalement le secteur qui a le moins attiré les IDE derrière les industries, les services et les infrastructures.
Un flux d’investissement orienté l’exploitation forestière
Dans l’ensemble du secteur agricole, c’est l’exploitation forestière qui concentre l’essentiel des investissements. Selon l’Anapi, sur les 656 millions $ de projets approuvés entre 2019 et 2023, ce segment a enregistré un volume de 489 millions $, soit 74 % du montant global. La production végétale vient en seconde position avec 94 millions $, suivie par l’élevage (71 millions $) et la production halieutique (1 million $).
Repartions des projets agricoles agréés entre 2019 et 2023 par segment
Source : Anapi, Direction des agréments
Face aux nombreux goulots d’étranglement présents au niveau de la production alimentaire, l’exploitation forestière apparaît comme une option intéressante. Avec un potentiel forestier couvrant, selon la FAO, 125 millions d’hectares en 2021 et plus de 1 000 essences forestières identifiées, ce secteur a de quoi attirer les acteurs privés, notamment pour obtenir des concessions forestières et produire des grumes à destination des marchés asiatiques, principalement la Chine. Dans le pays, chaque opérateur a droit à une limite réglementaire de 500 000 hectares de forêts dans le cadre d’une concession, en vertu du Code forestier adopté en 2002.
L’agro-industrie, cible principale des nationaux
Au-delà de la production agricole primaire, l’Anapi révèle que du côté industriel, la transformation alimentaire a affiché une bonne dynamique d’investissements sur les 5 dernières années. Au total, l’industrie alimentaire, des boissons et l’agro-industrie ont représenté 15 % du volume agréé et 70 projets sur les 157 approuvés dans ce secteur. Là encore, l’organisme public souligne que les investisseurs nationaux ont dominé l’agro-industrie alors que les IDE orientés dans l’industrie ont concerné principalement la branche industrielle des matériaux de construction.
Globalement, il faut noter qu’en RDC, le secteur des aliments et des boissons représente environ 85 % de l’industrie manufacturière, selon les données de la Banque mondiale. Avec la demande de denrées alimentaires qui devrait augmenter avec la croissante urbaine, les perspectives sont positives pour les acteurs de l’industrie qui pourront ainsi saisir les opportunités de marché et s’adapter aux réalités de l’environnement des affaires. Actuellement, dans le pays, les boissons alcoolisées, gazeuses, le pain, la farine de froment et le sucre comptent parmi les principales productions agroalimentaires. Les denrées comme la farine de maïs et les graisses et les huiles de table et la margarine dont les volumes produits sont actuellement encore faibles au regard des besoins représentent autant de segments d’affaires potentiels pour les acteurs privés qui souhaitent entrer dans la transformation.
Espoir Olodo
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En Afrique, le manioc est l’une des principales cultures alimentaires. IL présente donc un important potentiel de développement. En RDC, selon la Banque mondiale, le développement de la chaîne de valeur du tubercule pourrait stimuler le tissu agro-industriel, créant ainsi de nombreuses opportunités économiques et d’emplois. Explications.
Intitulé « Mémorandum économique-pays pour la République Démocratique du Congo. Voies d’accès à la diversification économique et l’intégration commerciale régionale », le rapport publié en septembre 2023 met d’abord en évidence la place stratégique de la RDC dans l’offre mondiale en tubercules ainsi que l’importance de la culture au niveau local.
Une culture névralgique
Le pays francophone le plus peuplé du monde a produit 48,7 millions de tonnes de manioc en 2022, selon la base de données de la FAO (FAOStat), soit environ 15% du stock global. Ce volume en fait le second fournisseur mondial derrière le Nigeria (60,8 millions de tonnes).
Plus globalement, depuis 2001, le manioc a vu sa production presque tripler, passant de 15,4 millions de tonnes à 42,7 millions de tonnes en 2022 alors que celle de l’ensemble des autres racines et tubercules a été multipliée par deux selon les données de la Banque centrale du Congo (BCC) compilées par l’Agence Ecofin.
Présentant plusieurs avantages comme la tolérance aux conditions météorologiques extrêmes, dont la sécheresse, la faible utilisation d’intrants, la souplesse de la récolte (la racine peut demeurer en terre un certain temps après être arrivée à maturité), le manioc représente actuellement près de 40% de la surface récoltée et 70% de la production agricole totale de la RDC.
D’après les données de la FAO, la consommation annuelle par tête du manioc en RDC avoisine les 500 kg de racines fraîches, soit environ 150 kg de farine fermentée, ce qui en fait la plus élevée d’Afrique centrale et l’une des plus élevées au monde.
Si comme dans les autres pays d’Afrique subsaharienne, le manioc était cultivé jusqu’à un passé récent pour l’autoconsommation, il s’agit désormais d’un produit perçu comme ayant une valeur commerciale à part entière. Cultivé dans toutes les provinces du pays, le manioc alimente les flux économiques vers les principales villes ainsi que les relations d’affaires entre les acteurs de la chaîne de valeur, qui tirent profit de la place du tubercule dans la satisfaction des besoins caloriques des ménages.
En effet, selon les données de l’Institut international d’agriculture tropicale (IITA), le manioc fournit plus de 60% des besoins énergétiques de la population congolaise. Il représente la denrée de base la plus importante, consommée sous différentes formes telles que la chickwangue (bâton de manioc), le fufu (pâte alimentaire à base de manioc mélangé ou non au maïs) ou sous forme de manioc bouilli ou grillé. D’après les données de la FAO, la consommation annuelle par tête du manioc en RDC avoisine les 500 kg de racines fraîches, soit environ 150 kg de farine fermentée, ce qui en fait la plus élevée d’Afrique centrale et l’une des plus élevées au monde.
Création de valeur ajoutée et diversification économique
Alors qu’actuellement le pays reste un importateur net de produits de base, la Banque mondiale souligne qu'un renforcement de la filière manioc pourrait jouer un rôle crucial dans l’émergence d’une agro-industrie. Avec un investissement important dans les équipements pour une transformation rapide, aussi bien en milieu rural que dans les zones industrielles, la RDC pourrait limiter les pertes de produits frais qui interviennent 48 à 72 heures suivant la récolte et se positionner durablement comme un fournisseur majeur de produits dérivés tels que la farine de manioc de haute qualité (HQCF).
Ce produit dérivé peut ainsi trouver sur le marché intérieur des débouchés importants dans la panification et la pâtisserie en tant que produit de substitution pour le blé, permettant ainsi de réduire la facture des importations et de contribuer à la sécurité alimentaire. D’après la Banque mondiale, l’impact de la guerre en Ukraine a déjà donné un coup de fouet aux efforts nationaux de réduction de la dépendance vis-à-vis du blé, conduisant notamment en avril 2022 à l’adoption par le gouvernement d’un projet d’incorporation, à hauteur de 20%, de la farine de manioc dans la production de pain.
Banque mondiale : « La demande croissante des pays occidentaux où le manioc devient un ingrédient alimentaire de base constitue une opportunité croissante de cibler les ports stratégiques des Pays-Bas et de la Belgique qui servent de grands centres de distribution pour la majeure partie du continent ».
Sur le plan macro-économique, le développement d’une industrie autour du manioc soutiendrait également les efforts de diversification de l’économie. Le pays qui partage ses frontières terrestres avec 9 voisins régionaux pourrait ainsi s’engager dans l’exportation en tirant profit de la demande et peut aussi cibler des marchés européens où le produit est de plus en plus convoité.
« La demande croissante des pays occidentaux où le manioc devient un ingrédient alimentaire de base constitue une opportunité croissante de cibler les ports stratégiques des Pays-Bas et de la Belgique qui servent de grands centres de distribution pour la majeure partie du continent », indique l’institution.
Des défis à relever
Si la RDC est un acteur majeur de la filière manioc, de nombreux obstacles devront être surmontés pour tirer le meilleur des opportunités qui s’annoncent et générer un maximum de valeur ajoutée sur le territoire national. En effet, si le pays trône à la seconde place dans la production, il reste en retard en matière de rendement avec seulement 8,15 tonnes par hectare en 2021 contre 10 tonnes pour la moyenne mondiale et très loin du record mondial de 41 tonnes, selon les données de la FAO. Il existe donc encore en RDC des opportunités significatives pour augmenter la production et répondre à la demande croissante pour les produits à base de manioc.
D’après la Banque mondiale, un soutien public renforcé à la filière et l’application de technologies agricoles intelligentes par rapport au climat pourraient permettre de doubler ou de quadrupler à terme le rendement du manioc dans le pays. Par ailleurs, les investissements dans la recherche et le développement de nouvelles variétés, la vulgarisation des bonnes techniques agricoles ainsi que la gestion intégrée de la fertilité des sols peuvent aussi contribuer à l’amélioration de la productivité.
Le document souligne ainsi que les micros, petites et moyennes entreprises (MPME) actives dans la chaîne de valeur du manioc pâtissent des coûts associés à la lourdeur bureaucratique, de la charge fiscale et parafiscale, des difficultés d’accès à la terre et au financement, du déficit d’infrastructures fiables (électricité et transport routier).
Au-delà des défis dans l’accroissement de la production, le rapport met en avant un environnement des affaires encore peu propice au développement de l’agro-industrie. Le document souligne ainsi que les micros, petites et moyennes entreprises (MPME) actives dans la chaîne de valeur du manioc pâtissent des coûts associés à la lourdeur bureaucratique, de la charge fiscale et parafiscale, des difficultés d’accès à la terre et au financement, du déficit d’infrastructures fiables (électricité et transport routier).
Face à ces défis, la Banque mondiale souligne que des solutions existent pour non seulement pérenniser les activités et les emplois créés par les MPME déjà présentes dans le secteur, mais aussi attirer de nouveaux investissements sur l'ensemble de la chaîne de valeur. Il s’agit notamment de la rationalisation des procédures administratives pour favoriser l’accès à la terre, de l’amélioration de l’accès des MPME au financement, par le biais d’outils adaptés, de l’élargissement des zones économiques spécialisées pour la transformation du tubercule ou encore du développement de programmes d’adaptation au changement climatique dans les zones de production de la culture.
Espoir Olodo
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Début juillet 2024, Ivanhoe Mines et Gécamines ont annoncé l’entrée en service de la mine de Kipushi, après plusieurs années de travaux destinés à relancer la production. Le projet, exploité pendant plusieurs décennies avant d’être mis en régime de maintenance et entretien en 1993, pourrait, selon les nouvelles estimations, devenir la quatrième plus grande mine de zinc du monde. Surtout, il redevient opérationnel dans un contexte où le prix du zinc est en hausse depuis le début de l’année et où les perspectives du marché sont bonnes. Pour la RDC, qui a vu ses recettes minières augmenter au cours des dernières années, en raison de la hausse du prix du cuivre, il s’agit d’une nouvelle opportunité de croissance et de diversification des revenus tirés du secteur.
Selon le FMI, les recettes minières de la RDC sont passées de 4 milliards $ sur la période 2013-2017 à une moyenne de 5,5 milliards $ sur la période 2018-2022. Les principaux secteurs qui ont porté cette croissance sont le cobalt et le cuivre, pour lesquels le pays est respectivement le premier et le deuxième producteur mondial. Au-delà du cuivre et du cobalt, la RDC produit également d’autres minéraux comme l’étain, le coltan ou encore le zinc. Ce dernier est utilisé dans les secteurs de la construction, de l’automobile et de la galvanisation de l’acier, mais il fait également partie des métaux de la transition énergétique. « Le zinc est parfois le métal oublié, mais il est essentiel au succès de la transition énergétique, notamment en raison des besoins dans les segments du stockage de l’énergie […], des éoliennes et des panneaux solaires », indiquait à ce propos en juin dernier Andrew Green, DG d’International Lead & Zinc Study Group (ILZSG), cité par La Tribune des Métaux.
La plus grande mine de zinc de la RDC
Lors de l’annonce de l’inauguration de la mine Kipushi début juillet, les partenaires du projet ont indiqué qu’elle devrait produire au minimum 100 000 tonnes de concentré de zinc en 2024. Sur les années suivantes, la production devrait augmenter, avec une moyenne annuelle prévue de 278 000 tonnes au cours des cinq premières années.
Les 10 plus grandes mines de zinc au monde (en production)
Source : Wood Mackenzie, qui a comparé la production annuelle moyenne de zinc sur la durée de vie du projet Kipushi, soit 240 000 tonnes, et une teneur en zinc de 31,9 %, avec la production et les teneurs en zinc estimées en 2020.
Si l’on en croit une étude de faisabilité publiée en 2022 par Ivanhoe Mines, la durée de vie totale s’élèverait à 14 ans, avec une production moyenne annuelle de 240 000 tonnes sur la période. Et en plus du zinc, le projet aurait également la capacité de livrer du cuivre, du plomb ou encore du germanium. Considéré comme métal critique, le germanium est utilisé dans les semi-conducteurs, la fibre optique, les cellules solaires et l’électronique.
« Ce ne sont pas seulement les teneurs élevées en zinc qui font de Kipushi une mine extraordinaire », commente Guy-Robert Lukama Nkunzi, président du conseil d’administration de la Gécamines. Ce dernier précise que la mine montre un grand potentiel pour d’autres métaux qui sont essentiels pour répondre aux besoins industriels mondiaux.
Le bon timing pour arriver sur le marché
Dans une note publiée le 18 juillet 2024, le journal économique The Hindu Business Line indique que le prix du zinc a augmenté de 14% depuis le début de l’année. Ladite note cite plusieurs analystes qui annoncent de bonnes perspectives pour le marché.
À titre d’illustration, BMI Research, une filiale de Fitch Solutions, revoit à la hausse sa prévision de prix pour le zinc, le situant désormais à 2 600 dollars/tonne. Raison : « des fondamentaux de marché plus robustes poussent les prix à la hausse ». « La demande de zinc s’est renforcée ces derniers mois en raison des améliorations des perspectives de production industrielle mondiale. Après de fortes baisses en 2023, le prix du zinc devrait augmenter modérément au cours de la période de prévision, passant d’environ 2 700 $ la tonne en 2024 à environ 2 800 $ la tonne d’ici 2026 », explique pour sa part l’Australian Office of Chief Economist (AOCE).
Ces prévisions ne manquent pas de rappeler les niveaux de prix atteints par le zinc en 2022. En mars de cette année, le zinc voyait son prix augmenter pour atteindre 4 000 dollars la tonne, soit son plus haut pic depuis 2007, alors que plusieurs fonderies avaient dû fermer à cause de la crise énergétique causée par la guerre Russie-Ukraine. Le cours du zinc s’est par la suite corrigé, mais est resté à un niveau élevé (2 986 dollars la tonne) en septembre-octobre 2022, ce qui a poussé plusieurs analystes à envisager le seuil des 3 100 à 3 300 dollars la tonne.
Évolution prévue du flux de trésorerie annuel
Source : Ivanhoe, selon les hypothèses de prix du zinc à long terme.
Une nouvelle source de revenus miniers pour la RDC
Selon les prévisions du FMI, les recettes tirées du secteur minier par la RDC en matière de royalties devraient passer de 1 499 milliards de francs congolais en 2022 à 2 688 milliards de francs congolais en 2024. Les principaux contributeurs à cette hausse devraient être le cuivre et le cobalt.
Si le zinc n’est pas évoqué quand il s’agit de parler des produits miniers de la RDC, il n’en demeure pas moins une source de revenus pour l’État congolais. Selon les statistiques nationales, le pays a produit en 2022 un total de 13 578 tonnes de zinc, puis 11 321 tonnes en 2023 (voir tableau).
Évolution de la production de zinc de la RDC
La production reste donc assez faible. Mais l’arrivée de la mine Kipushi devrait changer la donne pour la RDC puis qu’il est prévu que la mine livre en moyenne 240 000 tonnes de zinc chaque année. Au-delà des royalties que devra payer Ivanhoe Mines sur cette production, la RDC détient également des intérêts directs dans le projet, à travers la Gécamines. L’entreprise publique dispose en plus le droit d’acheter et de transformer localement le concentré produit à Kipushi.
Les 10 projets miniers les plus riches en zinc au monde
Source : Wood Mackenzie, 2022
En janvier 2024, la Gécamines a conclu un nouvel accord avec Ivanhoe pour faire passer sa participation dans le projet Kipushi de 38% actuellement à 43% à partir du 25 janvier 2027. La structure du partenariat conclu par les deux parties implique que les intérêts d’Ivanhoe diminueront progressivement au fil des années au profit de la RDC.
« Le développement réussi de Kipushi créera de la prospérité à plusieurs niveaux. Nous créerons des emplois locaux et développerons l’économie locale, tout en renforçant structurellement la Gécamines et la République démocratique du Congo, en les plaçant sur la scène mondiale pour la production de minerais stratégiques », a déclaré le président de Gécamines, selon des propos relayés en juillet par Agence Ecofin.
Une des principales interrogations que suscite la gouvernance des ressources naturelles de la RDC est leur impact réel sur l’amélioration de la vie des populations. Selon la Banque mondiale, la RDC figure parmi les cinq nations les plus pauvres du monde. « En 2023, environ 74,6% des Congolais vivaient avec moins de 2,15 dollars par jour. Environ une personne sur six vivant dans une extrême pauvreté en Afrique subsaharienne habite en RDC », soutient l’organisation. Le gouvernement devrait donc veiller à ce que les engagements d’Ivanhoe en matière de contenu local, de création d’emplois et d’impact sur les populations soient respectés.
Louis-Nino Kansoun
La téléphonie mobile est aujourd’hui un véritable catalyseur du développement économique et social en Afrique. Les différents services qu’elles proposent contribuent chacun à l’amélioration des conditions de vie de millions de personnes. En RDC, en particulier, le marché télécoms n’a pas encore atteint son véritable potentiel. Cela pourrait changer rapidement au cours des dix prochaines années, avec le retour des ressources du Fonds de développement du service universel (FDSU) amputé au secteur depuis 2013. Une bonne nouvelle en perspective pour les différentes composantes du marché télécoms national résolues à jouir des dividendes de la transformation numérique engagée par l’État depuis 2019.
Le Fonds de développement des services universels (FDSU) des télécommunications reprend officiellement ses fonctions bientôt. Au cours des dix dernières années, cet outil chargé de promouvoir les télécommunications dans les zones rurales et périurbaines de la République démocratique du Congo (RDC) était en berne. Les 3% du chiffre d’affaires annuel des opérateurs télécoms collectés étaient destinés au renforcement du budget de l’État et non à développer le réseau télécom, expliques le rapport sur les droits numériques et l’inclusion en Afrique Londa 2023 de Paradigm Initiative. En septembre 2022, le président de la République, Félix Tshisekedi, a instruit le Premier ministre de sortir le FDSU de son hibernation dans un délai raisonnable, conformément à loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications (modifiée et promulguée en 2020). Après consultations avec les acteurs du secteur des télécoms, il est actuellement attendu la promulgation du décret portant création, organisation et fonctionnement du FDSU et la nomination de son personnel de direction. L’organe, ressuscité, est au cœur de nombreux enjeux. Il devra également relever de nombreux défis propres au contexte actuel de l’économie numérique en RDC.
Le marché congolais
Au cours des dix dernières années, le marché des télécoms congolais a certes enregistré des évolutions, leur impact est demeuré relativement limité en l’absence du FDSU. Au quatrième trimestre 2013, sur une population de 75 621 700 habitants, le taux de pénétration de la téléphonie mobile était de 37,33% pour 28 231 900 abonnés. Cinq opérateurs télécoms desservaient le marché. À la même période en 2023, sur une population de 95 207 000 habitants, le taux de pénétration de la téléphonie mobile était de 59,1% pour 56 268 376 abonnés.
Synthèse du marché de la téléphonie mobile 2013 - 2023
Indicateurs |
4e trimestre |
4e trimestre |
Variation |
Total abonnés |
28 231 900 |
56 268 376 |
99.31 % |
Taux de pénétration |
37,33% |
59,1% |
21,77% |
Abonnés data mobile |
2 167 631 |
29 984 072 |
1283.26 % |
Nbre d’opérateurs |
5 |
4 |
|
Population de la RDC |
75 621 700 |
95 207 000 |
25.9 % |
La majorité des abonnés aux services télécoms demeure concentrée dans les zones urbaines où vit 46,8% de la population. Selon l’Autorité de régulation des postes et télécommunications du Congo (Arptc), la ville-province de Kinshasa, enregistre le plus grand nombre d’abonnements mobiles. Il représente près de 25% du total national.
Les abonnements par province et par service : fin décembre 2023
Source : ARPTC.
Nombre d’abonnements au service d’Internet mobile par province : fin décembre 2023
Source : ARPTC.
Pour le régulateur télécoms, la « stagnation » du taux de pénétration du mobile à 59% - avec un faible pourcentage de la population au moins couverte par un réseau 3G (55%) et 4G (40%) - révèle un marché mobile encore loin de la saturation. Le FDSU a le pouvoir de tout changer.
Sécurité, économie et social
Les services télécoms sont aujourd’hui essentiels à divers secteurs d’activités. Le fonds de développement du service universel, dans son essence, contribue à l’expression de l’utilité des télécoms. Son objectif – financer le déploiement des infrastructures télécoms dans les zones peu, mal ou pas du tout desservies – répond déjà à un enjeu de sécurité nationale. Les télécommunications jouent un rôle crucial dans les communications d’urgence. La crise de la Covid-19 a démontré l’importance des dispositifs d’alerte précoce. La téléphonie mobile est une composante de ce dispositif en ceci qu’il permet la sensibilisation des populations à large échelle ou la mobilisation rapide des forces de sécurité ou médicales en cas d’épidémie comme c’est actuellement le cas avec la variole du singe (Mpox) dont le gouvernement faisait état de 11 166 cas suspects, dont 450 décès dans une communication datée du 20 juillet.
Au Congo voisin où le fonds pour l’accès et le service universel des communications électroniques (Fasuce) a été rendu opérationnel en 2020, c’est 300 000 personnes dans 180 localités difficiles d’accès qui ont été connectées au cours des trois dernières années, selon l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques (ARPCE).
Au-delà de la gestion de crises sécuritaires, l’amélioration de la couverture télécoms et de l’accès aux services par le FDSU est un levier d’inclusion numérique. Le fonds favorisera la pleine participation des zones rurales reculées et celles qui demeurent jusqu’à présent non couvertes à la transformation numérique initiée par le gouvernement depuis 2019. Ce sont des milliers de personnes qui pourront s’informer, conserver un lien social avec la famille, travailler.
Le FDSU est aussi un puissant levier économique. La téléphonie mobile apporte divers services à valeur ajoutée comme l’Internet et le Mobile Money. La Banque mondiale estime qu’augmenter le taux de pénétration du haut débit mobile entraîne une augmentation de 1,8% du Produit intérieur brut (PIB) dans les pays à revenu moyen et de 2,0% du PIB dans les pays à faible revenu. En RDC, élargir la base d’utilisateurs d’Internet mobile peut débloquer divers avantages en cascades : une plus grande participation des populations à l’économie numérique, plus de consommation des innovations locales tirées du secteur des startups, un attrait des investisseurs étrangers, un accroissement des revenus des opérateurs télécoms qui s’appuient sur les infrastructures construites par le FDSU pour fournir leurs services.
Le Mobile Money est un service de téléphonie mobile qui rencontre un grand succès en Afrique. Alors que le taux de bancarisation demeure très faible sur le continent, il a contribué à une plus grande inclusion financière. En améliorant l’accès à la téléphonie mobile, le FDSU aura aussi une incidence sur ce segment de marché qui a enregistré 2 645 188 utilisateurs au 4e trimestre 2023. Dans plusieurs pays d’Afrique, étendre la portée du Mobile Money en renforçant la couverture réseau peut contribuer à l’accès d’un plus grand nombre de personnes à petits revenus aux envois de fonds internationaux de la famille, à la réception des aides sociales comme cela a été le cas au Togo pour les ménages les plus pauvres pendant la Covid-19. La micro-épargne est également un service qui rencontre du succès dans d’autres pays, ou encore le micro-crédit qui permet aux ménages de surmonter des chocs financiers imprévus. En fonction des pays, divers services peuvent être proposés pour répondre aux besoins locaux. Dans le rapport « Digital Finance Platforms to empower all : accelerating the SDG impact of digital financial inclusion in Sub-Saharan Africa », il est souligné qu’une adoption réussie du Mobile Money dans les pays en développement, et plus particulièrement en Afrique, est en mesure d’ajouter un point de pourcentage au taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) par habitant chaque année. Publié le 27 octobre 2022 par Vodafone, Vodacom et Safaricom, en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), le document souligne que chaque augmentation d’un point de pourcentage aux taux de croissance du PIB dans un pays entraîne une diminution de la proportion des personnes pauvres de 2,59 %.
Mais pour obtenir toutes ces retombées, le FDSU doit impérativement s’adapter au contexte actuel du marché télécoms en RD Congo.
Défis à relever
Les obstacles qui entravent l’accès de tous aux services télécoms à valeur ajoutée en Afrique et en RD Congo en particulier sont les mêmes. Le Kenya qui a compris la nécessité de faire évoluer le fonds de développement du service universel des télécoms pour qu’il cadre avec le contexte du marché a introduit sa modification en 2022. Elle prévoit entre autres, en plus du déploiement du réseau télécom, de connecter à Internet 884 écoles secondaires publiques réparties dans 47 Comtés ; transformer 56 bibliothèques publiques en centres de ressources électroniques dotés d’ordinateurs, d’une connectivité Internet et de logiciels pour les malvoyants ; de numériser le contenu éducatif.
Au Congo, le FDSU devra se concentrer sur la couverture réseau. Permettre à un plus grand nombre de personnes d’être couvert par un réseau mobile. Actuellement, près de 38 millions de personnes demeurent privées de tout moyen de communication. Selon l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie mobile (GSMA), la couverture réseau en RDC en 2022 était de 75% pour les réseaux 2G et de 54% pour les réseaux mobiles à haut débit (3G/4G). Ces résultats étaient le fruit d’environ 6 000 sites mobiles installés dans le pays. Pour étendre la couverture télécoms dans les zones vierges et passer de 75 à 80%, il faudrait prévoir environ 150 sites supplémentaires. Pour passer d’une couverture de 90 à 95%, il faudrait créer 5 700 nouveaux sites mobiles. Pour passer d’une couverture de 98 à 99%, il faudrait encore plus de 2 000 sites. Selon la banque mondiale, le coût des investissements requis pour assurer une couverture mobile à large bande quasi universelle en RDC d’ici 2030 est évalué à 864 millions de dollars.
Favoriser l’accès au mobile
Le fonds doit également favoriser l’accès aux appareils mobiles de qualité. Sans téléphones, même dans un périmètre doté d’une couverture réseau, il n’est pas possible d’accéder aux différents services mobiles. Subventionner les téléphones pour les pauvres peut être une approche dans le pays où environ 74,6% de personnes vivaient avec moins de 2,15 dollars par jour en 2023. Selon l’Union internationale des télécommunications, 48% de la population détenait un téléphone mobile en RDC en 2023. Soit une croissance de 51,2%. Une enquête de Target, réalisée en 2021 sur 2000 personnes réparties dans les 26 provinces de RDC, révélait que 49,9% des Congolais seulement possédaient un smartphone. 54% des hommes en possédaient contre 46% chez les femmes. 55% de détenteurs étaient des personnes âgées de 18 à 24 ans ; 59% des utilisateurs de 25 à 34 ans. 35% des Congolais usagers de smartphones utilisent un smartphone Tecno, marque de Transsion. Itel, autre marque de Transsion est la deuxième marque de téléphone la plus utilisée (25%). Viennent ensuite Samsung (22%), iPhone et Huawei (5%). LG et Sony (2%), Nokia, Motorola, Alcatel et Wiko représentent 1%. Les autres marques non identifiées sont utilisées par 6% des Congolais. L’UIT estime le coût d’un téléphone accessible lorsqu’il représente 15 à 20% du revenu mensuel.
Des tarifs abordables
Le coût des services télécoms est également un obstacle majeur à la consommation par les populations. Le FDSU doit avoir un impact dans les zones jugées « non rentables » par les opérateurs télécoms. Les services qui y sont offerts doivent être moins chers que dans les zones urbaines pour permettre aux plus pauvres d’y accéder. Dans plusieurs pays comme le Cameroun, le Sénégal ou encore la Côte d’Ivoire, c’est l’approche qui est privilégiée vu que les opérateurs télécoms n’ont pas directement effectué d’investissements à rentabiliser. La maintenance des équipements n’est pas également à leur charge, mais à celle de l’Autorité de régulation des télécommunications en charge de la gestion du fonds de service universel.
En RDC, le coût d’accès aux forfaits Internet mobile le plus consommé (2 Gigaoctets) est encore perçu comme cher. Alors que la Commission du haut débit milite pour un tarif en dessous ou égal à 2% du revenu national brut (RNB) mensuel par habitant, dans le pays il équivaut encore à 32,7% du RNB.
En remettant le FDSU dans son rôle, de nombreux changements sont attendus dans le secteur télécoms national. Bien géré, cet outil peut devenir un atout majeur du gouvernement dans la réalisation avec succès du plan national numérique au travers duquel il souhaite diversifier son économie et transformer sa population.
Muriel Edjo