En décembre dernier, l’Agence nationale pour la promotion des investissements (Anapi) a publié la deuxième édition de son rapport statistique des projets d’investissements agréés en RDC sur la période 2019-2023. Ce document fournit une vue d’ensemble de l’évolution des flux d’investissements dans plusieurs branches de l’économie. Voici les points clés à retenir pour le secteur agricole.
Au cours des cinq dernières années, le secteur agricole est celui qui a enregistré la plus forte progression de promesses d’investissement. D’après l’Anapi, les projets agréés se sont chiffrés à 481,4 millions $ en 2023, marquant la seconde année consécutive de hausse. Cette enveloppe était de seulement 61,4 millions $ en 2022 et de 32,4 millions $ en 2021.
Cette forte progression s’explique, selon l’organisation, par le regain d’intérêt des acteurs privés et par le potentiel de croissance important dont dispose le secteur agricole. Bien que la hausse des intentions d’investissements durant l’année écoulée ait été qualifiée de « spectaculaire », l’Anapi souligne que le secteur agricole a été le moins attractif pour les investisseurs nationaux et étrangers au cours des cinq dernières années.
Intentions d’investissements des projets agréés (en millions $)
Source : Anapi, Direction des agréments
En effet, sur une période cumulée de 2019 à 2023, le secteur agricole a attiré 23 projets approuvés pour un montant total de 656 millions de dollars. Cela représente moins de 5 % du montant total estimé à 13,5 milliards de dollars, répartis sur 386 projets.
Alors qu’il fournit environ 20 % du PIB et emploie entre 70 et 75 % de la population active, selon les données de la Banque mondiale, cette branche de l’économie occupe de fait le dernier rang des bénéficiaires des investissements approuvés. Le top 3 est formé par les services (4,6 milliards $), les industries (4,54 milliards $) et les infrastructures (3,75 milliards $). Globalement, l’Anapi indique que les investissements annoncés dans le secteur agricole sur la période 2019-2022 ont été réalisés à 66,5 % en ce qui concerne le volume et à 68,5 % en termes d’emplois créés.
Une dynamique portée par les nationaux
En RDC, sur les 5 dernières années, les nationaux ont été les principaux pourvoyeurs de financements dans le secteur agricole. D’après les données de l’Anapi, 79,5 % des intentions d’investissements des projets agréés sur la période sont portés par les nationaux contre seulement 20,5 % pour les investissements directs étrangers (IDE). Avec une telle proportion, le secteur de l’agriculture et de la foresterie est le seul en RDC où les investisseurs nationaux prédominent.
Projets agricoles agréés entre 2019 et 2023 par origine
Source : Anapi, Direction des agréments
Selon l’Anapi, cette tendance s’explique principalement par les nombreux risques structurels que présente l’agriculture pour les investisseurs étrangers, malgré les ressources abondantes du secteur en RDC. En effet, le pays est l’un des mieux dotés au monde en matière de ressources en eau pour l’irrigation, de diversités climatiques, de zones de pâturages et de terres arables favorables à la production de cultures à haute valeur économique.
Toutefois, d’après l’organisme public, l’attractivité est plombée par plusieurs défis tels que « le manque des routes de desserte agricole, l’absence d’une finance axée sur l’agriculture et l’inexistence du foncier agricole ». À cela, on peut ajouter les problèmes sécuritaires, de gouvernance ainsi qu’un cadre réglementaire peu favorable aux investisseurs étrangers. Dans cette perspective, il faut noter l’article 16 de la Loi agricole de 2011 qui stipule que 51 % des parts des entreprises agricoles commerciales doivent être allouées aux nationaux, laissant 49 % pour les investisseurs étrangers. Selon la Banque mondiale, cette disposition est l’un des principaux freins aux IDE dans la productivité agricole. Elle prive le pays de capitaux frais nécessaires pour exploiter pleinement son immense potentiel agricole, le second au monde après le Brésil. Sur ladite période, le secteur de l’agriculture et de la foresterie a été d’ailleurs globalement le secteur qui a le moins attiré les IDE derrière les industries, les services et les infrastructures.
Un flux d’investissement orienté l’exploitation forestière
Dans l’ensemble du secteur agricole, c’est l’exploitation forestière qui concentre l’essentiel des investissements. Selon l’Anapi, sur les 656 millions $ de projets approuvés entre 2019 et 2023, ce segment a enregistré un volume de 489 millions $, soit 74 % du montant global. La production végétale vient en seconde position avec 94 millions $, suivie par l’élevage (71 millions $) et la production halieutique (1 million $).
Repartions des projets agricoles agréés entre 2019 et 2023 par segment
Source : Anapi, Direction des agréments
Face aux nombreux goulots d’étranglement présents au niveau de la production alimentaire, l’exploitation forestière apparaît comme une option intéressante. Avec un potentiel forestier couvrant, selon la FAO, 125 millions d’hectares en 2021 et plus de 1 000 essences forestières identifiées, ce secteur a de quoi attirer les acteurs privés, notamment pour obtenir des concessions forestières et produire des grumes à destination des marchés asiatiques, principalement la Chine. Dans le pays, chaque opérateur a droit à une limite réglementaire de 500 000 hectares de forêts dans le cadre d’une concession, en vertu du Code forestier adopté en 2002.
L’agro-industrie, cible principale des nationaux
Au-delà de la production agricole primaire, l’Anapi révèle que du côté industriel, la transformation alimentaire a affiché une bonne dynamique d’investissements sur les 5 dernières années. Au total, l’industrie alimentaire, des boissons et l’agro-industrie ont représenté 15 % du volume agréé et 70 projets sur les 157 approuvés dans ce secteur. Là encore, l’organisme public souligne que les investisseurs nationaux ont dominé l’agro-industrie alors que les IDE orientés dans l’industrie ont concerné principalement la branche industrielle des matériaux de construction.
Globalement, il faut noter qu’en RDC, le secteur des aliments et des boissons représente environ 85 % de l’industrie manufacturière, selon les données de la Banque mondiale. Avec la demande de denrées alimentaires qui devrait augmenter avec la croissante urbaine, les perspectives sont positives pour les acteurs de l’industrie qui pourront ainsi saisir les opportunités de marché et s’adapter aux réalités de l’environnement des affaires. Actuellement, dans le pays, les boissons alcoolisées, gazeuses, le pain, la farine de froment et le sucre comptent parmi les principales productions agroalimentaires. Les denrées comme la farine de maïs et les graisses et les huiles de table et la margarine dont les volumes produits sont actuellement encore faibles au regard des besoins représentent autant de segments d’affaires potentiels pour les acteurs privés qui souhaitent entrer dans la transformation.
Espoir Olodo
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