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Télécoms : comment le Fonds de développement du service universel peut transformer la RDC

Télécoms : comment le Fonds de développement du service universel peut transformer la RDC

La téléphonie mobile est aujourd’hui un véritable catalyseur du développement économique et social en Afrique. Les différents services qu’elles proposent contribuent chacun à l’amélioration des conditions de vie de millions de personnes. En RDC, en particulier, le marché télécoms n’a pas encore atteint son véritable potentiel. Cela pourrait changer rapidement au cours des dix prochaines années, avec le retour des ressources du Fonds de développement du service universel (FDSU) amputé au secteur depuis 2013. Une bonne nouvelle en perspective pour les différentes composantes du marché télécoms national résolues à jouir des dividendes de la transformation numérique engagée par l’État depuis 2019.

Le Fonds de développement des services universels (FDSU) des télécommunications reprend officiellement ses fonctions bientôt. Au cours des dix dernières années, cet outil chargé de promouvoir les télécommunications dans les zones rurales et périurbaines de la République démocratique du Congo (RDC) était en berne. Les 3% du chiffre d’affaires annuel des opérateurs télécoms collectés étaient destinés au renforcement du budget de l’État et non à développer le réseau télécom, expliques le rapport sur les droits numériques et l’inclusion en Afrique Londa 2023 de Paradigm Initiative. En septembre 2022, le président de la République, Félix Tshisekedi, a instruit le Premier ministre de sortir le FDSU de son hibernation dans un délai raisonnable, conformément à loi-cadre n° 013/2002 du 16 octobre 2002 sur les télécommunications (modifiée et promulguée en 2020). Après consultations avec les acteurs du secteur des télécoms, il est actuellement attendu la promulgation du décret portant création, organisation et fonctionnement du FDSU et la nomination de son personnel de direction. L’organe, ressuscité, est au cœur de nombreux enjeux. Il devra également relever de nombreux défis propres au contexte actuel de l’économie numérique en RDC.

Le marché congolais

Au cours des dix dernières années, le marché des télécoms congolais a certes enregistré des évolutions, leur impact est demeuré relativement limité en l’absence du FDSU. Au quatrième trimestre 2013, sur une population de 75 621 700 habitants, le taux de pénétration de la téléphonie mobile était de 37,33% pour 28 231 900 abonnés. Cinq opérateurs télécoms desservaient le marché. À la même période en 2023, sur une population de 95 207 000 habitants, le taux de pénétration de la téléphonie mobile était de 59,1% pour 56 268 376 abonnés.

Synthèse du marché de la téléphonie mobile 2013 - 2023

Indicateurs

  4e trimestre 
2013  

  4e trimestre
2023 

      Variation      

Total abonnés

28 231 900

56 268 376

99.31 %

Taux de pénétration

37,33%

59,1%

21,77%

Abonnés data mobile

2 167 631

29 984 072

1283.26 %

Nbre d’opérateurs

5

4

 

Population de la RDC    

75 621 700

95 207 000

25.9 %

 

La majorité des abonnés aux services télécoms demeure concentrée dans les zones urbaines où vit 46,8% de la population. Selon l’Autorité de régulation des postes et télécommunications du Congo (Arptc), la ville-province de Kinshasa, enregistre le plus grand nombre d’abonnements mobiles. Il représente près de 25% du total national.

Les abonnements par province et par service : fin décembre 2023

1 DEC

Source : ARPTC.

Nombre d’abonnements au service d’Internet mobile par province : fin décembre 2023

1 MOBILE

Source : ARPTC.

Pour le régulateur télécoms, la « stagnation » du taux de pénétration du mobile à 59% - avec un faible pourcentage de la population au moins couverte par un réseau 3G (55%) et 4G (40%) - révèle un marché mobile encore loin de la saturation. Le FDSU a le pouvoir de tout changer.

Sécurité, économie et social

Les services télécoms sont aujourd’hui essentiels à divers secteurs d’activités. Le fonds de développement du service universel, dans son essence, contribue à l’expression de l’utilité des télécoms. Son objectif – financer le déploiement des infrastructures télécoms dans les zones peu, mal ou pas du tout desservies – répond déjà à un enjeu de sécurité nationale. Les télécommunications jouent un rôle crucial dans les communications d’urgence. La crise de la Covid-19 a démontré l’importance des dispositifs d’alerte précoce. La téléphonie mobile est une composante de ce dispositif en ceci qu’il permet la sensibilisation des populations à large échelle ou la mobilisation rapide des forces de sécurité ou médicales en cas d’épidémie comme c’est actuellement le cas avec la variole du singe (Mpox) dont le gouvernement faisait état de 11 166 cas suspects, dont 450 décès dans une communication datée du 20 juillet.

Au Congo voisin où le fonds pour l’accès et le service universel des communications électroniques (Fasuce) a été rendu opérationnel en 2020, c’est 300 000 personnes dans 180 localités difficiles d’accès qui ont été connectées au cours des trois dernières années, selon l’Agence de régulation des postes et des communications électroniques (ARPCE).

Au-delà de la gestion de crises sécuritaires, l’amélioration de la couverture télécoms et de l’accès aux services par le FDSU est un levier d’inclusion numérique. Le fonds favorisera la pleine participation des zones rurales reculées et celles qui demeurent jusqu’à présent non couvertes à la transformation numérique initiée par le gouvernement depuis 2019. Ce sont des milliers de personnes qui pourront s’informer, conserver un lien social avec la famille, travailler.

Le FDSU est aussi un puissant levier économique. La téléphonie mobile apporte divers services à valeur ajoutée comme l’Internet et le Mobile Money. La Banque mondiale estime qu’augmenter le taux de pénétration du haut débit mobile entraîne une augmentation de 1,8% du Produit intérieur brut (PIB) dans les pays à revenu moyen et de 2,0% du PIB dans les pays à faible revenu. En RDC, élargir la base d’utilisateurs d’Internet mobile peut débloquer divers avantages en cascades : une plus grande participation des populations à l’économie numérique, plus de consommation des innovations locales tirées du secteur des startups, un attrait des investisseurs étrangers, un accroissement des revenus des opérateurs télécoms qui s’appuient sur les infrastructures construites par le FDSU pour fournir leurs services.

Le Mobile Money est un service de téléphonie mobile qui rencontre un grand succès en Afrique. Alors que le taux de bancarisation demeure très faible sur le continent, il a contribué à une plus grande inclusion financière. En améliorant l’accès à la téléphonie mobile, le FDSU aura aussi une incidence sur ce segment de marché qui a enregistré 2 645 188 utilisateurs au 4e trimestre 2023. Dans plusieurs pays d’Afrique, étendre la portée du Mobile Money en renforçant la couverture réseau peut contribuer à l’accès d’un plus grand nombre de personnes à petits revenus aux envois de fonds internationaux de la famille, à la réception des aides sociales comme cela a été le cas au Togo pour les ménages les plus pauvres pendant la Covid-19. La micro-épargne est également un service qui rencontre du succès dans d’autres pays, ou encore le micro-crédit qui permet aux ménages de surmonter des chocs financiers imprévus. En fonction des pays, divers services peuvent être proposés pour répondre aux besoins locaux.  Dans le rapport « Digital Finance Platforms to empower all : accelerating the SDG impact of digital financial inclusion in Sub-Saharan Africa », il est souligné qu’une adoption réussie du Mobile Money dans les pays en développement, et plus particulièrement en Afrique, est en mesure d’ajouter un point de pourcentage au taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) par habitant chaque année. Publié le 27 octobre 2022 par Vodafone, Vodacom et Safaricom, en collaboration avec le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), le document souligne que chaque augmentation d’un point de pourcentage aux taux de croissance du PIB dans un pays entraîne une diminution de la proportion des personnes pauvres de 2,59 %.

Mais pour obtenir toutes ces retombées, le FDSU doit impérativement s’adapter au contexte actuel du marché télécoms en RD Congo.

Défis à relever

Les obstacles qui entravent l’accès de tous aux services télécoms à valeur ajoutée en Afrique et en RD Congo en particulier sont les mêmes. Le Kenya qui a compris la nécessité de faire évoluer le fonds de développement du service universel des télécoms pour qu’il cadre avec le contexte du marché a introduit sa modification en 2022. Elle prévoit entre autres, en plus du déploiement du réseau télécom, de connecter à Internet 884 écoles secondaires publiques réparties dans 47 Comtés ; transformer 56 bibliothèques publiques en centres de ressources électroniques dotés d’ordinateurs, d’une connectivité Internet et de logiciels pour les malvoyants ; de numériser le contenu éducatif.

Au Congo, le FDSU devra se concentrer sur la couverture réseau. Permettre à un plus grand nombre de personnes d’être couvert par un réseau mobile. Actuellement, près de 38 millions de personnes demeurent privées de tout moyen de communication. Selon l’Association mondiale des opérateurs de téléphonie mobile (GSMA), la couverture réseau en RDC en 2022 était de 75% pour les réseaux 2G et de 54% pour les réseaux mobiles à haut débit (3G/4G). Ces résultats étaient le fruit d’environ 6 000 sites mobiles installés dans le pays. Pour étendre la couverture télécoms dans les zones vierges et passer de 75 à 80%, il faudrait prévoir environ 150 sites supplémentaires. Pour passer d’une couverture de 90 à 95%, il faudrait créer 5 700 nouveaux sites mobiles. Pour passer d’une couverture de 98 à 99%, il faudrait encore plus de 2 000 sites. Selon la banque mondiale, le coût des investissements requis pour assurer une couverture mobile à large bande quasi universelle en RDC d’ici 2030 est évalué à 864 millions de dollars.

Favoriser l’accès au mobile

Le fonds doit également favoriser l’accès aux appareils mobiles de qualité. Sans téléphones, même dans un périmètre doté d’une couverture réseau, il n’est pas possible d’accéder aux différents services mobiles. Subventionner les téléphones pour les pauvres peut être une approche dans le pays où environ 74,6% de personnes vivaient avec moins de 2,15 dollars par jour en 2023. Selon l’Union internationale des télécommunications, 48% de la population détenait un téléphone mobile en RDC en 2023. Soit une croissance de 51,2%. Une enquête de Target, réalisée en 2021 sur 2000 personnes réparties dans les 26 provinces de RDC, révélait que 49,9% des Congolais seulement possédaient un smartphone. 54% des hommes en possédaient contre 46% chez les femmes. 55% de détenteurs étaient des personnes âgées de 18 à 24 ans ; 59% des utilisateurs de 25 à 34 ans. 35% des Congolais usagers de smartphones utilisent un smartphone Tecno, marque de Transsion. Itel, autre marque de Transsion est la deuxième marque de téléphone la plus utilisée (25%). Viennent ensuite Samsung (22%), iPhone et Huawei (5%). LG et Sony (2%), Nokia, Motorola, Alcatel et Wiko représentent 1%. Les autres marques non identifiées sont utilisées par 6% des Congolais. L’UIT estime le coût d’un téléphone accessible lorsqu’il représente 15 à 20% du revenu mensuel.

Des tarifs abordables

Le coût des services télécoms est également un obstacle majeur à la consommation par les populations. Le FDSU doit avoir un impact dans les zones jugées « non rentables » par les opérateurs télécoms. Les services qui y sont offerts doivent être moins chers que dans les zones urbaines pour permettre aux plus pauvres d’y accéder. Dans plusieurs pays comme le Cameroun, le Sénégal ou encore la Côte d’Ivoire, c’est l’approche qui est privilégiée vu que les opérateurs télécoms n’ont pas directement effectué d’investissements à rentabiliser. La maintenance des équipements n’est pas également à leur charge, mais à celle de l’Autorité de régulation des télécommunications en charge de la gestion du fonds de service universel.

En RDC, le coût d’accès aux forfaits Internet mobile le plus consommé (2 Gigaoctets) est encore perçu comme cher. Alors que la Commission du haut débit milite pour un tarif en dessous ou égal à 2% du revenu national brut (RNB) mensuel par habitant, dans le pays il équivaut encore à 32,7% du RNB. 

En remettant le FDSU dans son rôle, de nombreux changements sont attendus dans le secteur télécoms national. Bien géré, cet outil peut devenir un atout majeur du gouvernement dans la réalisation avec succès du plan national numérique au travers duquel il souhaite diversifier son économie et transformer sa population.

Muriel Edjo

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