Aujourd’hui, les télécommunications par satellite sont devenues des composantes essentielles de l’économie numérique à travers le monde. Cependant, en République Démocratique du Congo (RDC), malgré la création du Réseau national de télécommunications par satellite (Renatelsat) il y a plus de 30 ans, le pays peine à profiter pleinement de cette technologie. La principale raison en est que la société Renatelsat tarde toujours à prendre son envol.
La République démocratique du Congo enregistre un taux de pénétration Internet mobile et fixe de 30,08 % et 0,017 %, selon les dernières données de l’Autorité de régulation des postes et télécommunications du Congo (ARPTC) publiées en mars 2023. Soit 29,3 millions d’abonnés. Un niveau considéré comme faible au regard des 33 fournisseurs d’accès Internet identifiés dans le pays, dont quatre opérateurs de téléphonie mobile (Airtel, Vodacom, Orange et Africell). Cette situation découle de leurs choix d’investir plus dans les centres urbains, compte tenu de la grande taille du territoire national, de sa géographie complexe et du faible pouvoir d’achat de la majorité de la population. De plus, à eux seuls, les opérateurs télécoms estiment ne pas être en mesure de réaliser le service universel désiré par l’État.
Bien que le gouvernement ait pris conscience de cette réalité et s’active à investir davantage dans le secteur des télécoms, notamment avec la relance du Fonds de développement du service universel (FDSU), il est urgent qu’il adopte d’autres mesures à fort impact. La réhabilitation accélérée du Réseau national de télécommunications par satellite (Renatelsat) engagée depuis 2020 en est une. C’est en effet le 26 mai de cette année-là que Émery Okundji, alors ministre des Postes, Télécommunications et Nouvelles technologies de l’information et de la communication, avait annoncé la signature d’un accord de partenariat BOT (construire, exploiter et transférer) avec la société sud-africaine Africa Union Financial Services Sarl (AUFS). Il prévoyait la dotation de Renatelsat en nouveaux équipements, la formation du personnel, le développement de mécanismes et projets permettant à Renatelsat d’atteindre une autonomie financière et technique. Trois ans plus tard, les fruits de cette collaboration ne sont toujours pas connus. Pourtant, Renatelsat peut être un puissant atout de développement économique et social pour la RDC.
À la création de Renatelsat, l’objectif était de connecter toute la RDC via des technologies satellitaires avancées. La société devait jouer un rôle crucial pour surmonter les défis posés par la géographie du pays, caractérisée par de vastes étendues de forêts, des montagnes et des rivières qui rendent la pose de câbles terrestres et de tours télécoms extrêmement difficile et coûteuse.
Renatelsat est l’unique opérateur satellitaire public de la RDC. L’entreprise publique à caractère technique et commercial, créée par Ordonnance présidentielle, le 30 septembre 1991 est placée sous la double tutelle du ministère de la Communication et Médias et celui des Postes, Télécommunications et NTIC. À la création de Renatelsat, l’objectif était de connecter toute la RDC via des technologies satellitaires avancées. La société devait jouer un rôle crucial pour surmonter les défis posés par la géographie du pays, caractérisée par de vastes étendues de forêts, des montagnes et des rivières qui rendent la pose de câbles terrestres et de tours télécoms extrêmement difficile et coûteuse. L’idée était de permettre une connectivité universelle, même dans les régions les plus reculées du pays, où les infrastructures de télécommunications classiques n’étaient pas encore disponibles. En garantissant un accès équitable à l’information et à la communication, le gouvernement congolais avait pour objectif de transformer le paysage socio-économique de la RDC. Mais le potentiel de l’entreprise demeure plombé par plusieurs facteurs.
Défis persistants
La gestion de Renatelsat a souvent été critiquée pour son manque de transparence et d’efficacité. Des accusations de mauvaise gestion ont également entaché la réputation de l’organisation, rendant difficile la mobilisation de ressources supplémentaires. En 2021, la société civile du Lac dénonçait une mauvaise gestion du matériel du Renatelsat à Inongo dans la province du Mai-Ndombe. Elle accusait le chef de centre de détournement des équipements et appelait les services judiciaires à enquêter. En novembre 2023, un arrêté du ministère de la Communication et Médias a suspendu Achinda Wahilungula, alors administrateur directeur général de Renatelsat. Il a été remplacé à titre intérimaire par Boondo Jean-Pierre.
Le déficit d’Investissements représente aussi un défi pour Renatelsat. Le développement des infrastructures satellitaires nécessite des investissements importants. En raison des priorités budgétaires et des défis économiques auxquels le pays est confronté, les financements nécessaires pour moderniser et étendre les capacités de Renatelsat n’ont pas été suffisants. Cette situation a conduit à une stagnation technologique, empêchant l’entreprise publique de répondre aux besoins croissants de connectivité. En 2012, la RDC avait conclu un accord avec la China Communications Services Corporation pour un investissement de 274 millions de dollars visant la création d’un réseau backbone satellitaire matérialisé par la construction et le lancement du satellite Congosat-1 trois ans plus tard. Aucune information n’a plus filtré sur le projet jusqu’à présent.
À ces deux facteurs qui nuisent à la solidité de Renatelsat s’ajoutent les priorités gouvernementales fluctuantes. Celles-ci ont souvent changé, passant de la nécessité de renforcer les infrastructures de télécommunications à d’autres urgences nationales comme la sécurité et les finances publiques. Cette instabilité dans les priorités a conduit à une planification et une mise en œuvre incohérentes des projets liés à Renatelsat. Ces manquements cumulés ont eu des conséquences significatives.
Des opportunités manquées
Le sous-développement de Renatelsat a des conséquences profondes sur le développement national. La connectivité limitée entrave les opportunités économiques et sociales et nuit à la bonne gouvernance.
Un réseau de télécommunications robuste est essentiel pour le développement économique. Il facilite le commerce et diverses activités génératrices de revenus, attire les investissements et soutient l’innovation. En RDC, de nombreuses régions restent économiquement isolées en raison de la connectivité limitée, empêchant les entreprises locales de prospérer et les investisseurs étrangers de s’installer. Dans les 26 provinces du pays, seules les zones urbaines sont largement couvertes par le réseau télécom. Couvrir les zones rurales pourrait favoriser l’essor du secteur agricole en développant l’Agritech comme c’est le cas en Égypte, au Nigeria, etc.
La Covid-19 a démontré l’importance de la connectivité à haut débit pour les services sociaux comme l’éducation et la Santé. Les écoles et les établissements de santé dans les régions éloignées pourraient accéder à des ressources en ligne, participer à des formations à distance. Le Rwanda, l’Ouganda ou encore le Kenya l’ont compris et investissent dans l’extension de leur réseau de fibres optiques ainsi que dans des partenariats avec des opérateurs satellites à cet effet. Renatelsat peut soutenir l’e-éducation en RDC et améliorer l’Indice de développement humain national. Idem dans le domaine de la santé où le faible accès aux médecins et spécialistes généralement basés en zone urbaine entraîne des complications médicales, voire des décès pour des millions de Congolais.
Trop de régions demeurent inaccessibles aux opérateurs mobiles. C’est d’ailleurs ce qui explique le succès de Starlink qui séduit aussi en RDC. En mars dernier, le régulateur télécoms a dû intervenir pour mettre en garde contre l’utilisation des équipements de la société américaine qui, jusqu’à présent, n’a pas de licence pour opérer sur le territoire.
Pour l’administration publique, Renatelsat est aussi un atout d’efficacité. Une meilleure connectivité permettrait une meilleure collaboration entre les administrations locales et le gouvernement central, facilitant la gestion des ressources et la mise en œuvre des politiques publiques. Une gouvernance plus éclairée en somme, source d’une meilleure gestion des affaires publiques et d’un climat des affaires plus attractif.
Aujourd’hui, à travers le monde, les télécommunications par satellites sont devenues des composantes incontournables de l’économie numérique. Trop de régions demeurent inaccessibles aux opérateurs mobiles. C’est d’ailleurs ce qui explique le succès de Starlink qui séduit aussi en RDC. En mars dernier, le régulateur télécoms a dû intervenir pour mettre en garde contre l’utilisation des équipements de la société américaine qui, jusqu’à présent, n’a pas de licence pour opérer sur le territoire. Ce besoin exprimé par les consommateurs, Renatelsat pourrait y répondre. Mais cela requiert que des actions fortes soient prises dès maintenant.
Un appel à l’action
Pour transformer Renatelsat en un véritable atout de développement, des actions concrètes doivent être entreprises. La société qui pourrait être cruciale pour la stratégie de transformation numérique du pays a besoin d’une réforme de sa gouvernance afin d’assurer une gestion transparente et efficace. La mise en œuvre de mécanismes de surveillance indépendants et la promotion de la transparence dans la gestion des fonds sont essentielles pour regagner la confiance des investisseurs et des partenaires.
Le gouvernement doit aussi prioriser les investissements dans les infrastructures de télécommunications, notamment en recherchant des partenariats public-privé. Les investissements étrangers peuvent être encouragés par des politiques incitatives et un environnement réglementaire favorable.
Il est également essentiel de définir des priorités stratégiques claires pour le développement des télécommunications en RDC. Un plan à long terme, soutenu par un engagement politique constant, peut guider les efforts de développement et assurer une mise en œuvre cohérente.
Enfin, la RDC doit explorer les technologies émergentes pour améliorer la connectivité. Les satellites à orbite basse (LEO), par exemple, offrent des promesses de connectivité à haut débit à des coûts réduits et pourraient être une solution viable pour le pays.
Renatelsat représente un atout majeur pour le développement de la RDC, mais son potentiel reste largement inexploité. Pour que cette entreprise nationale de télécommunications par satellite devienne un véritable moteur de croissance, il est urgent de moderniser ses infrastructures, de définir une stratégie ambitieuse, et d’améliorer sa gouvernance. En surmontant ces défis, Renatelsat pourrait transformer la connectivité en RDC, stimulant ainsi le développement économique, social et humain du pays. La valorisation de Renatelsat est non seulement une nécessité, mais aussi une opportunité unique pour l’avenir de la RDC.
Muriel Edjo
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