Le gouvernement congolais envisage de relancer le projet du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, destiné à soutenir la production agricole à grande échelle. Lors de la 45e réunion du Conseil des ministres, tenue le 30 mai 2025, le ministre du Portefeuille, Jean Lucien Bussa, a présenté une nouvelle approche pour garantir la relance de cette initiative. Selon le compte rendu du Conseil, il a rappelé que l’État congolais avait injecté des ressources financières considérables dans la mise en œuvre du projet, situé dans la province du Kwango, sans que les résultats escomptés ne soient atteints.
Face à cette situation, il a recommandé la création d’une commission mixte interinstitutionnelle, composée de représentants de la Présidence, de la Primature, des ministères du Portefeuille, de l’Intérieur, de l’Agriculture, de la Justice et des Affaires foncières. Cette commission sera chargée de conduire un audit complet du projet. L’objectif est de dresser un état des lieux détaillé, intégrant les infrastructures existantes, la gouvernance, la structure de l’actionnariat, la situation financière, ainsi que les engagements contractuels de l’État et de ses partenaires.
Le ministre a souligné que cette démarche vise à disposer d’éléments objectifs permettant « d’élaborer un plan de relance fondé sur des éléments objectifs en vue de rentabiliser l’investissement déjà consenti ».
Le parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo a été financé principalement par le gouvernement congolais dans le cadre du Programme national d’investissements agricoles (PNIA 2013-2020), en deux phases. Pour la première, 92,5 millions de dollars ont été déboursés. Pour la seconde, un financement de 202 millions était prévu, mais près de 124 millions de dollars n’ont jamais été mobilisés. Le coût total du projet était estimé à 818 millions de dollars, incluant les infrastructures de base, les équipements agricoles et d’élevage, ainsi que les unités de conditionnement et de transformation.
Lancé en 2014, le projet devait faire de Bukanga-Lonzo un pôle de production agricole moderne, avec des retombées socio-économiques importantes. Il est géré par trois sociétés : PARCAGRI, chargée de la gestion du site et des relations locales ; SEPAGRI, responsable de la production et de la transformation ; et MARIKIN, en charge de la commercialisation. Le projet est toutefois suspendu depuis 2017.
Il a rapidement été confronté à des problèmes de gouvernance et à des soupçons de mauvaise gestion. Dans ce cadre, l’ancien Premier ministre Augustin Matata Ponyo a été condamné à dix ans de travaux forcés pour détournement de fonds publics. Ses coaccusés, Déogratias Mutombo et Christo Grobler, ont chacun écopé de cinq ans de travaux forcés.
Ronsard Luabeya, stagiaire
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En 2024, 590 000 hectares de forêts tropicales primaires (forêts n’ayant pas subi l’action humaine) ont été perdus en République démocratique du Congo (RDC).
C’est ce que révèlent les dernières données publiées le mai 2025 par le Global Forest Watch (GFW), projet lancé par le World Resources Institute (WRI) qui suit l’évolution des dynamiques de déforestation à l’échelle mondiale.
Cette superficie est en hausse de 60 000 hectares par rapport à l’année précédente et représente la 3e plus importante perte de forêts primaires dans le monde. Les deux premiers moteurs du phénomène à l’échelle mondiale sont le Brésil (2,82 millions d’hectares) et la Bolivie (1,48 million d’hectares).
En RDC qui abrite le second poumon écologique de la planète derrière l’Amazonie, le GFW précise qu’il s’agit de la perte la plus importante jamais enregistrée sur une année.
Si sur le plan global, les grands incendies arrivent à la première place, le GFW indique que les principaux facteurs de perte du couvert forestier en 2024 dans le bassin du Congo comprennent l’expansion des terres cultivées, la production de charbon de bois et l’exploitation forestière.
D’après la Banque mondiale, la biomasse représente 98,8 % de la consommation totale d’énergie des ménages du pays, dont 81,8 % pour le bois de chauffage et 17 % pour le charbon de bois avec la faible utilisation de sources d’énergie domestique plus propres.
Plus globalement, selon le GFW, 6,7 millions d’hectares de forêts tropicales primaires ont été perdus dans le monde en 2024. Sur le continent africain, le Cameroun est le second pays le plus touché avec 100 000 hectares de superficie forestière l’année dernière, soit la 8e plus importante proportion mondiale.
Espoir Olodo, Agence Ecofin
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Les producteurs et intermédiaires du Nord-Kivu, actifs dans la filière cacao, privilégient de plus en plus l’Ouganda pour écouler leurs produits par des voies informelles, afin d’optimiser leur commercialisation.
Le 19 mai 2025, au moins cinq tonnes de cacao, soit 118 sacs, ont été interceptées par la sous-section de l’Office national des produits agricoles du Congo (ONAPAC) à Beni, dans le secteur de Ruwenzori (territoire de Beni). Selon les autorités, cette cargaison faisait l’objet d’une tentative d’exportation illégale vers l’Ouganda. L’opération de saisie s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la fraude dans la filière cacao.
D’après Kaswera Syvialeghana Alphonsine, directrice de l’ONAPAC à Beni, l’objectif est de décourager le trafic illicite, non seulement du cacao, mais aussi du café dans la région.
Depuis plusieurs mois, les acteurs du secteur dénoncent les nombreux obstacles qui entravent les circuits officiels et favorisent la contrebande vers les pays voisins. Ils pointent notamment l’insécurité persistante dans les zones de production, le mauvais état des routes agricoles, la multiplication des barrières routières, le coût élevé du transport et le manque de traçabilité des produits par l’État congolais. Selon les exportateurs locaux, ces contraintes rendent l’évacuation du cacao par les voies formelles extrêmement difficile, incitant ainsi de nombreux opérateurs à se tourner vers l’Ouganda.
La production congolaise de cacao est principalement concentrée dans les provinces de l’Est, notamment le Nord-Kivu, l’Ituri et la Tshopo. Mais ces régions sont régulièrement secouées par les violences liées à la présence de groupes armés, compromettant la sécurité des producteurs et affectant gravement la chaîne d’approvisionnement.
Selon les données du ministère du Commerce extérieur, la production nationale de cacao a atteint 100 000 tonnes en 2024, un chiffre encore très éloigné de l’objectif de 3 millions de tonnes fixé à l’horizon 2030.
Ronsard Luabeya, stagiaire
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Le 10 mars 2025, le prix d’un bidon de 25 litres d’huile de palme en provenance de la province du Bandundu a bondi de près de 36 %, passant de 70 000 à 95 000 francs congolais (FC) sur les marchés de Kinshasa. Cette flambée s’inscrit dans une tendance plus large observée à travers le pays, rapportée par plusieurs médias.
À Bunia, dans la province de l’Ituri, le prix d’un bidon de 20 litres d’huile de palme a grimpé de 60 000 à 85 000 FC au 4 mars 2025, enregistrant une hausse de 41 %. À Kikwit, chef-lieu du Kwilu, la flambée des prix s’est accélérée entre le 15 et le 22 janvier 2025, avec un bidon de 25 litres passant de 30 000 à 52 000 FC, soit une augmentation de 73 %. Même constat à Matadi, chef-lieu du Kongo-Central, où, à la troisième semaine de février, le prix d’un bidon de 25 litres a doublé, atteignant 60 000 FC contre 30 000 FC auparavant, soit une hausse de 100 %.
D’après plusieurs sources citées par les médias, cette envolée des prix résulte d’une combinaison de facteurs. La sécheresse saisonnière de janvier à mars a considérablement réduit la production locale d’huile de palme, limitant la disponibilité des noix de palme et entraînant une baisse de l’offre sur le marché. Lors d’une réunion tenue le 5 février dernier avec le ministre de l’Agriculture, les producteurs d’huile de palme avaient déjà pointé du doigt « la sécheresse qui frappe actuellement les plantations des provinces du nord du pays où passe l’équateur » comme l’un des défis majeurs auxquels la filière est confrontée.
L’offensive des rebelles du M23 et de leurs soutiens rwandais dans plusieurs zones de production, notamment au Nord-Kivu, perturbe également la chaîne d’approvisionnement, limitant l’accès aux produits et contribuant à la hausse des prix.
Par ailleurs, l’ouverture de nouvelles usines de transformation d’huile de palme, comme celle de Tshela, a intensifié la demande de matières premières locales. Cette concurrence accrue pour les régimes de noix de palme réduit la quantité disponible pour les petits producteurs, accentuant ainsi la pression sur les prix.
La RDC possède un important potentiel agricole pour la production d’huile de palme, avec environ 60 % des 280 millions d’hectares de terres favorables à la culture du palmier à huile. Pourtant, le pays peine à couvrir sa demande, estimée à plus de 500 000 tonnes en 2023, selon Kalaa Mpinga, président de la commission nationale agriculture et forêt de la FEC. L’huile de palme figure d’ailleurs parmi les cinq produits alimentaires les plus importés par la RDC la même année.
Avec son adhésion au Conseil des pays producteurs d’huile de palme (CPOPC) en 2025, la RDC espère dynamiser sa production. Cependant, les estimations de volumes varient selon les sources, illustrant le besoin d’une meilleure structuration du secteur.
Boaz Kabeya, stagiaire
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Les exportations agricoles et agroalimentaires ont généré 433 millions de dollars pour la République Démocratique du Congo (RDC) en 2024, selon un récent rapport du Département américain de l’agriculture (USDA), qui cite des données de la plateforme Trade Data Monitor (TDM). Selon l’USDA, il s’agit d’un niveau record pour le pays, où les expéditions avait généré environ 300 millions dollars en 2023 et moins de 250 millions dollars en 2020.
Le document ne précise pas explicitement les facteurs ayant contribué à cette performance. Toutefois, il convient de rappeler que le café et le cacao, qui figurent parmi les trois principaux produits agricoles exportés par le pays aux côtés du bois, ont enregistré une hausse significative de leurs prix sur les marchés internationaux au cours de l’année dernière.
Les prix du café exporté par la RDC ont fortement progressé l’an dernier. La tonne d'arabica s’est négociée à un prix moyen annuel de 4 099 dollars en 2024, en hausse de 7,89 % par rapport à l’année précédente. De son côté, le café robusta, qui constitue plus de 70 % de la production congolaise, a atteint un pic historique de 5 528 dollars le 28 novembre dernier, clôturant l’année avec un prix moyen autour de 5 000 dollars la tonne, contre environ 2 400 dollars en début d'année.
Le cacao a également connu une flambée remarquable. Son cours est passé de 3 855 dollars la tonne début 2024 à 12 931 dollars à la Bourse de New York, enregistrant une augmentation de 172 % au 18 décembre dernier.
Ces évolutions suggèrent que ces deux produits ont pu contribué à l’augmentation significative des recettes globales générées par les exportations agricoles et agroalimentaires de la RDC.
D’un point de vue plus global, le rapport de l’USDA indique que malgré ces bonnes performances à l’exportation, la RDC reste en situation de déficit commercial. En effet, selon les données de l’USDA, les importations agricoles et alimentaires ont dépassé les 1,9 milliards de dollars durant l’année écoulée. Ce qui fait un déficit d’environ 1,46 milliard de dollars.
Ce déficit pourrait même être plus important si l’on considère le chiffre donné par le président de la République Félix Tshisekedi. Lors de son discours sur l’état de la Nation prononcé devant le Parlement, le 11 décembre 2024, il avait indiqué que le pays consacre chaque année 3 milliards de dollars à l’importation de produits alimentaires.
Cette situation représente un poids pour les ressources en devises étrangères du pays et offre des opportunités pour le développement d'une production locale capable de substituer une partie des importations. Il faut dire que le pays compte 80 millions d’hectares de terres arables.
Selon les données de TDM pour l’année 2023, les principaux produits alimentaires importés par le pays sont l’huile de palme, le blé, les légumes, les viandes et les produits laitiers. La RDC s’approvisionne principalement auprès de l’Union européenne, de la Zambie, du Brésil, de l’Afrique du Sud et de la Namibie.
Espoir Olodo
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Le prix du café arabica, l’un des produits d’exportation de la République Démocratique du Congo (RDC), a connu une hausse sur les marchés internationaux. Selon Reuters, le 12 février 2025, les contrats à terme sur l’arabica se négociaient à environ 4 dollars américains par livre, soit 8,80 USD par kilogramme.
Cette flambée des prix est principalement attribuée à une augmentation des coûts de transaction sur la bourse ICE, où les marges ont été relevées de 10 % pour atteindre 10 410 USD par contrat, soit presque le double du niveau d’il y a un an. Cette situation a contraint de nombreux traders à liquider leurs positions, contribuant ainsi à accentuer la hausse des prix.
Selon le ministère du Commerce extérieur de la RDC, le prix du kilogramme de café arabica a enregistré une hausse de 7,89 % sur les marchés internationaux. Entre le 10 et le 15 février 2025, il s’est négocié à 7,38 USD, contre 6,84 USD la semaine précédente.
Une étude de l’université de Liège en Belgique a montré que la hausse des prix du café à l’international pourrait profiter aux producteurs congolais. Cependant, l’est de la RDC, qui abrite les principaux bassins de production du pays, est frappé par un regain de tensions depuis le début de l’année. L’offensive des rebelles du M23 et de leurs alliés, notamment rwandais, menace directement les régions productrices de café arabica, situées dans le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et l’Ituri. Aujourd’hui, Bukavu et Goma, capitales provinciales du Sud-Kivu et du Nord-Kivu, sont occupées par ces forces rebelles, ce qui pourrait affecter la production.
Au-delà du conflit, la filière café fait face à de nombreux défis : faible productivité, infrastructures vétustes et exportations illégales massives. En Ituri, par exemple, plus de 80 % du café produit est exporté clandestinement vers les pays voisins, selon les données récentes de l’Office national des produits agricoles du Congo (ONAPAC), limitant ainsi les revenus du pays.
En 2023, la production nationale de café a atteint 12 422 tonnes, contre 10 729 tonnes en 2022, selon les chiffres de la Banque Centrale du Congo (BCC). Le robusta représente plus de 70 % de cette production, tandis que l’arabica en constitue le reste.
Boaz Kabeya, stagiaire
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Les habitants de Goma, principale ville de l’est de la République Démocratique du Congo (RDC), font face à une explosion des prix des aliments de première nécessité depuis l’occupation de la ville par les rebelles du M23 et leurs soutiens rwandais, le 26 janvier 2025. Selon une note de l’ONG ActionAid, publiée le 3 février dernier, certaines denrées, comme la farine, les haricots et l’huile, ont vu leur coût augmenter de 18 % à 160 % en l’espace d’une semaine, mettant en péril l’accès à une alimentation de base pour une large partie de la population.
Cette flambée des prix s’explique notamment par le blocage des axes routiers, qui empêche l’acheminement des vivres vers la ville. Près de 90 % des denrées alimentaires consommées à Goma proviennent des régions voisines, aujourd’hui inaccessibles en raison des combats, selon ActionAid.
Cette situation aurait néanmoins commencé à s’améliorer depuis le 4 février. « Les routes sont de nouveau ouvertes, la nourriture peut provenir de Minova, Masisi, Rutshuru… et entrer en grande quantité dans la ville », indique un habitant cité par Radio Okapi. Mais, selon la même source, cela ne résout pas le problème d’accès aux produits de première nécessité, car la guerre a aussi affaibli le pouvoir d’achat des ménages. « Les banques sont fermées, les opérateurs de portemonnaie électronique, qui travaillent aussi avec les banques, ne fonctionnent pas. Plusieurs services ne sont pas opérationnels, plusieurs commerçants ont été pillés et de nombreux habitants réduits au chômage », explique cet habitant.
La crise alimentaire qui en résulte menace des centaines de milliers de personnes de malnutrition. Les femmes et les enfants sont les plus vulnérables. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), 4,5 millions d’enfants de moins de cinq ans et 3,7 millions de femmes enceintes et allaitantes risquent la malnutrition aiguë au cours des cinq prochains mois, si la situation reste telle qu’elle.
Olivier de Souza
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D’ici la fin mai 2025, la loi agricole et la loi semencière devraient être promulguées. C’est ce qu’a révélé le président Félix Tshisekedi dans son discours sur l’état de la Nation prononcé devant le Parlement le 11 décembre 2024. D’après le dirigeant, ces différents textes législatifs seront également complétés par la publication de leurs textes d’application.
Ces textes font partie intégrante des dispositions à déployer d’ici l’année prochaine afin d’améliorer la gouvernance agricole. Parmi les autres mesures figurent notamment l’établissement du cadastre agricole, des plans d’aménagement et d’affectation des terres, ainsi que la mise en place d’une base de données unique recensant tous les acteurs du secteur agricole.
Si aucun calendrier n’a été communiqué pour l’adoption desdites lois par le Parlement, plusieurs observateurs se réjouissent déjà de cette démarche, qui pourrait améliorer l’environnement des affaires pour les investisseurs actuels ou potentiels.
En effet, plusieurs acteurs dénoncent depuis quelques années l’article 16 de la loi agricole de 2011, qui exige que 51 % des parts des entreprises agricoles commerciales soient allouées aux nationaux, contre 49 % pour les investisseurs étrangers. Selon la Banque mondiale, cette disposition est susceptible de décourager l’implication des investisseurs étrangers dans le secteur agro-industriel.
Du côté des semences, la loi annoncée constituerait une nouvelle pierre posée pour le développement de l’industrie semencière. En octobre dernier, le gouvernement avait déjà indiqué qu’il comptait investir 51,6 milliards de francs congolais (18 millions de dollars USD) dans la construction d’un laboratoire d’analyse de semences et/ou la création d’un service national des semences sur la période 2025-2026.
EO
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Chaque année, la République démocratique du Congo (RDC) consacre 3 milliards de dollars à ses achats alimentaires à l’étranger. C’est ce qu’a indiqué le président Félix Tshisekedi lors de son discours sur l’état de la Nation prononcé devant le Parlement le 11 décembre 2024.
Cette dépendance du pays au marché international pour son approvisionnement alimentaire entraîne d’importantes pertes de devises et le rend vulnérable aux fluctuations des prix mondiaux des produits de base.
Il s’agit par ailleurs d’une part importante du marché des produits agroalimentaires qui échappe aux producteurs locaux en raison d’une sous-exploitation du potentiel du pays, notamment des terres arables, dont la superficie est estimée à près de 80 millions d’hectares.
En effet, plusieurs chaînes de valeur agroalimentaires attendent toujours d’être développées par les investisseurs nationaux et étrangers afin de satisfaire la demande locale en produits alimentaires et de positionner la RDC comme un moteur du commerce intrarégional de produits agricoles.
Dans le pays, des filières comme le manioc et le maïs ont un effet d’entraînement important sur l’économie rurale dans de nombreuses provinces, mais elles peuvent aussi servir de catalyseurs pour l’ajout de valeur à travers la transformation. Par ailleurs, l’augmentation de la consommation de produits animaux et de fruits et légumes, sous l’effet du changement des habitudes alimentaires lié à l’urbanisation, représente également une opportunité majeure pour le secteur de l’élevage et les filières horticoles.
Sur ce dernier segment, la tomate est la première culture maraîchère et affiche une consommation en hausse, comme en témoignent les importations de jus, de purée et de fruits frais, qui ont dépassé les 12 millions de dollars en 2022, selon les données de la FAO.
Sur un autre plan, le développement des investissements dans l’irrigation pourrait permettre aux investisseurs de tirer profit des 900 millions de mètres cubes d’eaux de surface et 420 millions de mètres cubes d’eaux souterraines que possède le pays.
En attendant un renforcement de l’implication du secteur privé, M. Tshisekedi indique que le gouvernement jouera pleinement son rôle dans l’essor du secteur agricole en RDC.
Dans le cadre du Programme d’Actions 2024-2028, le chef de l’État souligne que des exonérations pour l’importation de matériel agricole ont déjà été accordées à plus de 200 entreprises agricoles et que les agriculteurs ont bénéficié de 350 tracteurs pour la saison en cours.
Par ailleurs, dans le cadre de la Loi de finances 2025, le budget alloué à l’agriculture devrait dépasser 11 % du total des dépenses publiques, une première qui permettra au pays de respecter l’engagement pris en 2003 à Maputo. Dans le cadre de la mise en œuvre du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA), les États africains s’étaient engagés à consacrer 10 % de leurs dépenses publiques au secteur agricole et à atteindre une croissance agricole de 6 % par an.
Espoir Olodo
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Le projet d’aménagement des pôles agro-pastoraux a de nouveau été évoqué lors du Conseil des ministres du 6 décembre 2024. Selon le compte rendu de cette réunion, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, a demandé aux ministres du Budget et des Finances de « prendre les dispositions nécessaires pour accompagner les études de faisabilité » en vue de la mise en œuvre urgente du projet. Cette phase bénéficiera de l’accompagnement technique de l’Institut national pour l’étude et la recherche agronomiques (INERA) et sera supervisée par le ministère de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire.
Pour les autorités, le développement des pôles agro-pastoraux revêt plusieurs enjeux. Il s’agit notamment de redynamiser les chaînes de valeur agricole afin de permettre au secteur de jouer un rôle moteur dans la diversification de l’économie, actuellement dépendante des ressources extractives.
Par ailleurs, les investissements dans l’aménagement des pôles agro-pastoraux à travers les différentes régions du pays visent à valoriser les potentialités des provinces, à améliorer la sécurité alimentaire et à accroître les revenus issus de la production, de la transformation et de la commercialisation des produits agricoles.
Dans son programme d’investissements publics, annexé au projet de loi de finances pour l’exercice 2025, le gouvernement a prévu un montant de plus de 30 milliards de francs congolais pour l’aménagement de quatre parcs agro-industriels entre 2025 et 2027.
EO
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L’agriculture a été un point clé de la communication du président de la République Démocratique du Congo (RDC) lors de la réunion du Conseil des ministres tenue le vendredi 6 décembre 2024. À cette occasion, Félix Tshisekedi a indiqué à son gouvernement qu’il souhaite que davantage de ressources soient mobilisées et allouées à ce secteur, rapporte le compte rendu de la réunion. Cette orientation découle de « l’ampleur des défis alimentaires et socioéconomiques à relever et de l’urgence d’action », indique la même source.
Les directives présidentielles s’inscrivent dans un contexte marqué par une demande croissante de denrées de première nécessité, la nécessité de protéger le pouvoir d’achat des ménages et l’objectif de diversifier l’économie nationale. Il s’agit donc de développer l’agriculture afin de réduire significativement les importations de produits alimentaires de base et de renforcer la sécurité alimentaire sur l’ensemble du territoire.
À l’occasion du lancement de la campagne agricole 2024-2025, le 17 octobre 2024 à Kinshasa, des semences améliorées, des fertilisants, ainsi que du matériel aratoire et divers équipements roulants ont été distribués aux gouverneurs de différentes provinces. L’objectif est de soutenir plus efficacement les agriculteurs locaux et d’accroître leur production.
Pour le président de la République, ces subventions sont suffisantes. « Ainsi, afin de prévenir les carences répétitives en produits agricoles de première nécessité, comme le maïs, le président de la République a engagé le ministre d’État, ministre de l’Agriculture en collaboration avec son cabinet, à procéder à l’évaluation des interventions du gouvernement en faveur de la campagne agricole de la première saison en cours, afin de prendre des mesures pour préparer efficacement la saison prochaine qui débute dans quelques semaines », rapporte le compte rendu du Conseil des ministres.
Plus de cohérence
Par ailleurs, dans le souci de rationaliser l’allocation des ressources aux différents projets et programmes agricoles en cours d’élaboration ou d’exécution et d’optimiser les rendements attendus pour le bien-être des populations, le président de la République a annoncé la tenue, en début d’année prochaine, d’une réunion de haut niveau. Cette réunion, qui regroupera les principales parties prenantes et les partenaires au développement, devrait permettre « de procéder au parachèvement de la réflexion sur la mise en cohérence de toutes les initiatives agricoles portées par les différents ministères et structures rattachées à la présidence de la République ainsi que d’autres services étatiques ».
La politique agricole et les politiques connexes, notamment la construction de voies de desserte agricole, ont animé l’action du nouveau gouvernement depuis son entrée en fonction. Le secteur privé est également engagé dans plusieurs initiatives, dont l’une est portée par l’entreprise suisse Mole Group dans le Kongo Central. Le projet ambitionne des investissements proches du milliard de dollars.
Les bailleurs de fonds sont aussi actifs, avec notamment plus de 265 millions de dollars apportés par la Banque africaine de développement pour développer des milliers de compétences agricoles, ainsi que des financements de la Banque mondiale et de l’Agence française de développement.
Dans son programme d’investissements prioritaires pour la période 2025-2028, le gouvernement a prévu d’injecter environ 265 millions de dollars, répartis entre la recherche, l’amélioration de la production agricole et le développement des zones rurales à dominante agricole.
Georges Auréole Bamba
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Selon les calculs réalisés par Bankable à partir du dernier rapport du Département américain de l’agriculture (USDA) sur la situation de l’industrie de la volaille dans l’Union européenne (UE) datant de septembre dernier, la République démocratique du Congo (RDC) pourrait absorber entre 130 000 et 140 000 tonnes de viande de poulet en provenance de ce marché communautaire d’ici la fin de l’année. S’il se confirme, ce volume marquera un niveau record et confirmera la place de 3 ᵉ débouché mondial que représente la RDC pour les producteurs de viande de poulet de l’UE, après le Royaume-Uni (725 000 tonnes) et le Ghana (plus de 200 000 tonnes).
Depuis 2019, les envois de viande de poulet de l’UE sur le marché congolais ont presque doublé, atteignant les 120 000 tonnes en 2021. Depuis lors, ces importations ont reculé pour tomber sous la barre des 100 000 tonnes en 2023. Pour l’essentiel, l’USDA souligne que les cargaisons destinées à la RDC, comme aux autres pays africains importateurs de volaille européenne, sont principalement constituées de viande brune congelée et désossée mécaniquement.
Cette percée attendue en 2024 de la viande de poulet importée de l’UE est notamment liée à son bas prix, qui permet aux consommateurs de satisfaire des besoins croissants en protéines animales. Selon les données de Trade Data Monitor (TDM) compilées par l’USDA, entre janvier et juin derniers, le prix FOB (tarif sans le coût de transport vers le port de destination, les taxes, l’assurance et les autres frais) de la tonne de viande de poulet européenne destinée à la RDC était inférieur à 1 000 $, contre près de 4 000 $ pour la Guinée ou environ 2 250 $ pour le Bénin.
Dans une étude datant de 2018, l’Université agronomique néerlandaise de Wageningen estimait aussi qu’un poulet importé (toutes destinations confondues) coûtait environ 2,3 $ dans le pays d’origine, ce qui est déjà inférieur aux coûts de l’alimentation seule pour la production d’un poulet à Kinshasa.
Si les acteurs locaux sont moins efficaces en raison de contraintes de taille, comme le manque de capitaux et l’inaccessibilité économique aux intrants (provende et produits vétérinaires notamment) qui minent leur compétitivité, il faut souligner l’existence d’un dumping qui est dénoncé depuis quelques années par les ONG. Profitant des subventions à l’exportation et pour les facteurs de production, certains industriels envoient massivement des produits qui ne sont pas commercialisés ou le sont en volumes limités dans les pays d’origine, à des prix impossibles à suivre pour les acteurs locaux sur le continent africain.
Espoir Olodo
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L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) envisage de mobiliser 330 millions de dollars pour ses interventions d’urgence en 2025 en République démocratique du Congo (RDC). Cet appel fait suite à une mission de sept jours menée par une équipe de l’organisation, selon un communiqué publié le mardi 26 novembre 2024.
« La sécurité alimentaire est extrêmement préoccupante dans tout le pays, notamment dans les camps de déplacés. La crise y est à la fois urgente et chronique. Nous devons mobiliser des solutions innovantes et efficaces pour éviter une catastrophe, tout en libérant le potentiel agricole inexploité du pays », a signifié Beth Bechdol, directrice générale adjointe de la FAO.
Ces fonds visent à soutenir plus de 3 millions de personnes dans le pays en renforçant les projets de résilience et d’agriculture. L’organisation insiste sur la nécessité d’intensifier l’aide agricole et humanitaire, tout en renforçant la résilience des populations vulnérables, en particulier dans les zones touchées par une insécurité alimentaire aiguë.
Selon la dernière analyse du Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire (IPC) publiée en octobre, entre juillet et décembre 2024, environ 25,6 millions de Congolais, soit 22 % de la population, sont confrontés à une insécurité alimentaire aiguë (IPC Phase 3 ou plus). Les projections pour début 2025 sont tout aussi préoccupantes en l’absence d’une aide adéquate et durable.
La RDC fait face à des défis humanitaires en partie dus à la situation sécuritaire tendue dans certaines régions du pays. Actuellement, la FAO soutient 25 000 ménages vulnérables dans le Nord-Kivu et dans l’Ituri via le programme Cash+, qui combine des aides monétaires et des actifs productifs, accompagnés d’un encadrement technique. Ce dispositif vise à renforcer les moyens de subsistance et la résilience des ménages pauvres. Au Sud-Kivu, plus de 50 000 ménages ont bénéficié de cette aide en 2024.
Pour rappel, en février, l’ONU avait déjà lancé un appel de 2,6 milliards $ pour répondre à l’urgence humanitaire en RDC en 2024.
Charlène N’dimon
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Un projet de la Banque africaine de développement (BAD), lancé au premier semestre 2024, prévoit de créer 25 000 emplois qualifiés dans la chaîne de valeur agricole d’ici 2029, selon un document officiel consulté par Bankable Africa. L’institution multilatérale africaine de financement du développement a précisé que ce résultat ne représente que 25 % des besoins en qualification du secteur pour atteindre une productivité optimale.
« L’analyse du déficit de compétences et de qualifications des jeunes en RDC, réalisée dans le cadre du Programme d’urgence intégré de développement communautaire (PUIDC) en 2021, financé par la Banque, démontre la contribution de ce déficit à la faible productivité et au manque de compétitivité du secteur agricole ainsi qu’à sa transformation structurelle limitée (…). L’emploi des jeunes et la faible valorisation des emplois agricoles restent des thématiques d’actualité », peut-on lire dans le document.
Les compétences visées sont celles adaptées aux ambitions de réponse aux changements climatiques et à leurs conséquences. Il s’agit, par exemple, de travaux souvent banalisés, comme le désherbage, la production d’engrais à partir de produits naturels, la production de semences résilientes, ou même de simples activités de culture. Dans le cadre du projet, ces compétences permettront de soutenir les investissements du secteur privé, national ou international, souvent freinés par le manque de capacités des ressources humaines locales.
L’hypothèse de la BAD est que les programmes agricoles ont souvent négligé l’importance des ressources humaines en tant que composante essentielle de leur réussite. Au-delà de la création de véritables compétences agricoles, il est également question de renforcer les aptitudes des administrations responsables de la mise en œuvre du programme congolais de transformation agricole, afin d’améliorer l’efficacité des politiques publiques et de lutter contre la corruption.
D’autres projets en préparation
Le projet devrait être pleinement mis en œuvre en 2025, avec un financement de 117,5 millions de dollars de la BAD. Le gouvernement de la République Démocratique du Congo devrait apporter l’équivalent de 13 millions de dollars en contrepartie. Ce projet est complémentaire d’un autre programme approuvé par la Banque africaine de développement en juillet 2024, visant la création de chaînes de valeur agricoles. Le budget global de ce programme est de 311,6 millions de dollars, dont 51,2 millions de dollars apportés par le gouvernement congolais.
Ces deux projets font de la BAD l’un des plus importants contributeurs institutionnels externes à l’agriculture en RDC, avec une contribution globale de 377,5 millions de dollars prévue jusqu’en 2029. La BAD travaille également sur un projet complémentaire aux deux premiers, portant sur la construction d’infrastructures de transport et d’ouvrages connexes pour soutenir le Programme de transformation de l’agriculture (PTA-RDC). Sa présentation au conseil d’administration est prévue pour 2025.
Les projets agricoles financés par d’autres bailleurs de fonds multilatéraux incluent la Banque mondiale (432 millions de dollars), le groupe FIDA et l’Agence française de développement (213,5 millions de dollars), ainsi que le PIREDD (220 millions de dollars).
Georges Auréole Bamba
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