La République démocratique du Congo (RDC) a une nouvelle représentante diplomatique auprès des États-Unis. Yvette Ngandu Kapinga a été nommée, le 10 juin 2025, ambassadrice extraordinaire et plénipotentiaire de la RDC à Washington. Elle succède à Marie-Hélène Mathey Boo, en poste depuis janvier 2022. Cette dernière, ancienne ministre de l’Industrie et du Commerce et ex-directrice du Centre international des civilisations Bantu (CICIBA), aura dirigé la mission diplomatique congolaise pendant plus de trois ans.
Cette nomination intervient alors que les relations entre Kinshasa et Washington prennent une importance croissante. Plusieurs dossiers sensibles figurent à l’agenda bilatéral : un accord entre la RDC et le Rwanda est actuellement en négociation à Washington, sous médiation américaine, tandis que les États-Unis discutent également d’un accord pour accéder aux minerais stratégiques congolais.
Dans le même temps, Washington envisage d’inscrire la RDC sur la liste des pays interdits d’entrée sur le territoire américain. Une note en ce sens a été transmise, le 14 juin, aux diplomates des 36 pays concernés. Ces derniers disposent de 60 jours pour renforcer la fiabilité des documents d’identité et réduire les fraudes administratives.
Face à ces enjeux, le président Félix Tshisekedi a misé sur une diplomate chevronnée, dotée d’une solide expérience dans les mécanismes de paix régionaux et familière des institutions américaines. Formée aux États-Unis, Yvette Ngandu Kapinga est diplômée en administration publique et en relations internationales de la Bowling Green State University, dans l’Ohio.
Elle a construit sa carrière à l’interface des dynamiques régionales et internationales. Depuis août 2020, elle occupait le poste de commissaire chargée du Genre, du Développement humain et social à la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Première femme à diriger ce département, elle y a porté des dossiers liés à la gouvernance sociale, aux droits des femmes et à la consolidation de la paix.
Avant cette fonction, elle a exercé comme conseillère diplomatique à la Présidence de la RDC, notamment dans le cadre du Mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre d’Addis-Abeba pour la stabilité des Grands Lacs.
Avec plus de vingt ans de carrière diplomatique, Mme Ngandu a également travaillé pour le Mécanisme africain d’évaluation par les pairs (UA-MAEP) à Johannesburg, la Commission de l’Union africaine à Addis-Abeba, le Secrétariat des Nations unies et l’Institut pour la paix à New York, ainsi que pour le National Endowment for Democracy et le Département d’État américain à Washington.
Boaz Kabeya, stagiaire
Lire aussi :
Minerais stratégiques : Pascal Agboyibor au cœur des négociations RDC–États-Unis
Minerais contre sécurité : l’accord RDC-Etats-Unis envisagé d’ici fin juin
Conflit à l’est de la RDC : le médiateur de l’UA en quête de cohérence
Kinshasa et Kigali déposent leur projet d’accord pour la paix à l’est de la RDC
L’avocat d’affaires franco-togolais Pascal Agboyibor figure parmi les 22 membres de la cellule de coordination stratégique chargée de piloter le partenariat minier en cours de négociation entre la République démocratique du Congo (RDC) et les États-Unis. Sa nomination est actée dans la décision n°25/020 du 12 mai 2025, portant création de cette structure dédiée au suivi des négociations et à la mise en œuvre de l’accord sur les minerais critiques.
La cellule est structurée en trois entités : la direction, le secrétariat technique et un groupe d’experts. Pascal Agboyibor est le seul avocat membre de la direction. Elle réunit des figures clés de l’appareil étatique, parmi lesquelles Anthony Nkinzo Kamole, directeur de cabinet du président de la République, les ministres des Affaires étrangères et des Mines, Thérèse Kayikwamba Wagner et Kizito Pakabomba, ainsi que les présidents des conseils d’administration de la Gécamines, Guy-Robert Lukama, et de l’Arecoms, Patrick Mpoyi Luabeya.
Fondateur du cabinet Asafo & Co., Agboyibor est reconnu comme l’un des juristes les plus influents du continent dans les secteurs minier, énergétique et des infrastructures. Il est régulièrement sollicité sur des dossiers impliquant des financements souverains, des PPP ou des opérations structurantes avec des institutions multilatérales.
Présent en RDC depuis plusieurs années, Agboyibor conseille le gouvernement sur plusieurs projets stratégiques. Asafo & Co. a notamment joué un rôle clé dans la renégociation des termes du partenariat entre la Gécamines et le groupe chinois CMOC sur la mine de Tenke Fungurume, débouchant sur un règlement de 800 millions de dollars en faveur de la société publique congolaise.
Cette expertise lui a valu d’être désigné en 2024, pour la quatrième fois, comme l’avocat le plus influent de l’espace francophone par le classement Africa Business+, une distinction fondée sur l’ampleur et la sensibilité des dossiers traités. « Il appuie et défend l’État congolais, et la Gécamines S.A., notamment face aux opérateurs étrangers », note le magazine.
La cellule, dirigée par Anthony Nkinzo Kamole, est chargée d'assurer la coordination des travaux préparatoires, l’harmonisation des positions des institutions congolaises, ainsi que le respect des engagements dans le cadre de cet accord bilatéral en cours de finalisation.
Ce partenariat viserait à garantir l’accès des États-Unis aux minerais stratégiques congolais — cobalt, lithium, coltan — en échange d’un soutien politique accru dans la résolution du conflit dans l’est du pays. Selon le Financial Times, sa signature pourrait intervenir d’ici fin juin 2025.
Boaz Kabeya, stagiaire
Lire aussi :
Minerais contre sécurité : l’accord RDC-Etats-Unis envisagé d’ici fin juin
Lithium de Manono : AVZ gèle son litige avec l’État pour faciliter l’offre de KoBold
Secteur minier : la Belgique ouverte aux opportunités d’investissement en RDC
Pour le sénateur Alphonse Ngoyi Kasanji, l’abrogation, le 2 juin 2025, de l’arrêté ministériel qui conférait au Centre d’expertise, d’évaluation et de certification des substances minérales précieuses et semi-précieuses (CEEC) le monopole de la vente des diamants marque un tournant pour la SACIM (Société Anhui-Congo d’investissement minier). Désormais, estime-t-il, l’entreprise n’a « plus aucune excuse concernant la commercialisation des diamants ».
Depuis plusieurs mois, la SACIM justifiait ses difficultés financières par ce texte de février 2022. Désormais libre de vendre directement sa production, l’entreprise est attendue au tournant par son personnel, mais aussi par les populations locales, qui dépendent notamment de sa centrale électrique pour leur approvisionnement en électricité.
Pour s’assurer d’un véritable changement, Alphonse Ngoyi Kasanji plaide pour une réforme de la gouvernance de l’entreprise. « Il est temps de mettre en place un conseil d’administration et une délégation syndicale », a-t-il réagi après la publication de l’arrêté abrogeant le texte querellé. L’objectif affiché : renforcer la transparence dans la gestion de la société et améliorer les conditions sociales des travailleurs.
Ancien gouverneur du Kasaï Oriental (2007-2018), province d’où est basée la SACIM, le sénateur est une figure incontournable de cette province diamantifère. Il siège désormais au Sénat, mais reste un acteur influent du secteur. Homme d’affaires reconnu, il possède plusieurs comptoirs d’achat de diamants et a dirigé la Fédération congolaise des diamantaires (FECODI).
La fin du monopole du CEEC va donc aussi dans le sens de ses intérêts. Alphonse Ngoyi Kasanji a d’ailleurs exprimé sa reconnaissance au président Félix Antoine Tshisekedi pour avoir permis l’abrogation de ce qu’il qualifie d’« arrêté illégal ». Il a également salué l’action du ministre des Mines, Kizito Pakabomba Kapinga Mulume, pour ce qu’il considère comme un rétablissement de la justice économique et sociale.
Selon lui, cette décision ouvre la voie à une meilleure régulation du secteur et à une relance attendue des performances de la SACIM.
Ronsard Luabeya, stagiaire
Lire aussi :
Diamants : la commercialisation de nouveau libéralisée en RDC
SACIM : alerte sur les finances, malgré la hausse des ventes de diamants
Diamants : SACIM génère 23,6 millions $ en neuf mois, en hausse par rapport à 2023
Chute des prix du diamant : mauvaise nouvelle pour la relance de la Miba
Dans un communiqué publié le 19 mai 2025, le groupe américain Africell a annoncé la nomination de Kory Webster au poste de directeur général (CEO) d’Africell RDC. Il succède à Milad Khairallah, qui occupait ce poste depuis novembre 2018.
Américain de nationalité, Kory Webster rejoint la filiale congolaise après avoir occupé pendant deux ans le poste de directeur des opérations (COO) d’Africell Angola. Fort de près de 30 ans d’expérience dans le secteur des télécommunications, il a exercé des fonctions de direction chez des géants comme Sprint et Claro, aux États-Unis et dans les Caraïbes.
Selon la feuille de route qu’il a publiée sur son compte LinkedIn, Kory Webster aura pour principale mission, à son nouveau poste, d’assurer la croissance d’Africell RDC en renforçant sa part de marché dans un environnement particulièrement concurrentiel, comme en témoignent les dernières données publiées par l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo (ARPTC).
En 2024, l’opérateur a enregistré un chiffre d’affaires de 80,6 millions de dollars américains, représentant 3,8 % du marché congolais des télécoms. Ce chiffre marque une baisse de 3 % par rapport à 2023, où Africell avait clôturé l’exercice avec 83 millions de dollars. L’opérateur occupe ainsi la queue du classement, dominé par Airtel (35,5 % des revenus du marché), suivi de Vodacom (32,6 %) et Orange (28,1 %).
Plan d’action
En termes d’abonnés actifs, Africell se classe également en dernière position, avec seulement 3,8 millions d’utilisateurs ayant sollicité son réseau au moins une fois durant les 90 derniers jours de 2024, soit une part de marché de 6 %. Vodacom domine ce segment avec 36 % de parts de marché, tandis qu’Orange et Airtel sont au coude-à-coude avec 29 % chacun.
Face à cette tendance, Kory Webster prévoit d’augmenter le revenu moyen par utilisateur grâce aux services à valeur ajoutée, à la monnaie mobile et aux plateformes numériques ; d’améliorer l’efficacité opérationnelle ; de réduire le taux de désabonnement en optimisant les canaux de vente directs et indirects, les structures de coûts et les stratégies de fidélisation ; ainsi que d’étendre la couverture réseau d’Africell en RDC et d’améliorer la qualité du service dans les zones mal desservies.
En novembre 2023, Africell a lancé ses opérations dans trois provinces supplémentaires de la RDC — le Nord-Kivu, le Sud-Kivu et le Tanganyika — portant ainsi à 14 le nombre de provinces couvertes sur les 26 que compte le pays.
Kory Webster prend la tête d’Africell RDC au moment où les États-Unis entendent faire de l’opérateur un acteur clé dans le cadre du corridor de Lobito, un projet ferroviaire ambitieux reliant la Zambie, la RDC et l’Angola. Dans cette perspective, Africell bénéficie de financements pour étendre sa couverture réseau en Angola et moderniser ses infrastructures en RDC — deux des trois pays traversés par ce corridor.
Timothée Manoke, stagiaire
Lire aussi :
Corridor de Lobito : les États-Unis font d’Africell un opérateur clé des télécoms
Télécoms : Airtel reste leader en RDC avec 741 millions $ de revenus en 2024
Internet mobile : en RDC, le marché frôle le milliard de dollars en 2024
L’ancien Premier ministre congolais Augustin Matata Ponyo a été condamné à dix ans de travaux forcés et à cinq ans de privation d’accès aux fonctions publiques, du droit de vote et de libération conditionnelle pour détournement de fonds publics. La Cour constitutionnelle a rendu sa décision le 20 mai 2025. Ses coaccusés, Déogratias Mutombo, ex-gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), et Christo Grobler, dirigeant sud-africain d’Africom, ont écopé chacun de cinq ans de travaux forcés.
La Cour a conclu qu’Augustin Matata Ponyo avait « conçu, participé et bénéficié » du détournement de fonds en validant le paiement de travaux non exécutés ou surfacturés. Plus de 156 millions de dollars étaient destinés au parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, et 89 millions à la construction du marché international de Kinshasa, deux projets qui n'ont jamais abouti.
Même si les avocats de Matata Ponyo évoquent une affaire à caractère politique, cette condamnation entache l’image de rigueur technocratique et budgétaire autrefois associée à l’économiste. Premier ministre entre 2012 et 2016, sous la présidence de Joseph Kabila, Matata Ponyo s’était en effet bâti une réputation d’économiste rigoureux. Ancien ministre des Finances, il s’est illustré par sa volonté de moderniser l’économie congolaise et d’imposer une discipline budgétaire dans la gestion publique du pays.
Sous son leadership, la RDC a connu une croissance économique soutenue, culminant à plus de 9,5 % en 2014, portée par la relance du secteur minier et quelques initiatives agricoles. Parmi ses mesures phares figuraient la bancarisation de la paie des fonctionnaires — qui a permis l’élimination de milliers d’agents fictifs — ainsi que le lancement du parc agro-industriel de Bukanga-Lonzo, censé relancer l’agriculture à grande échelle.
Malgré des résultats macroéconomiques satisfaisants, l’ancien Premier ministre n’a pas échappé aux critiques concernant la gestion du projet de Bukanga-Lonzo. Présenté à l’époque comme « le projet agricole du siècle » en RDC, il est aujourd’hui considéré comme un échec.
Protégé par son immunité de député, Augustin Matata Ponyo reste pour l’instant en liberté.
Ronsard Luabeya, stagiaire
Benjamin Katabuka est le nouveau pion que vient de pousser KoBold Metals dans la partie d’échecs qui se joue actuellement autour du gisement de Manono, en République démocratique du Congo. Fin mars 2025, le juriste a été nommé directeur général pays de la junior minière américaine soutenue par les milliardaires Bill Gates et Jeff Bezos, alors que la société n’a pour l’instant aucune activité dans le pays.
KoBold prévoit de demander des permis d’exploration de cuivre et de cobalt, mais l’entreprise a introduit, depuis janvier, une offre en vue d’obtenir des droits sur le gisement de lithium de Manono, considéré comme ayant « le potentiel de devenir une mine de lithium à grande échelle et de longue durée ». Il apparaît donc que c’est sur ce dossier que Benjamin Katabuka devra d’abord faire ses preuves.
Le gisement de lithium de Manono est au cœur d’un conflit qui oppose la compagnie australienne AVZ Minerals à la société publique congolaise Cominière et à son partenaire chinois Zijin Mining devant les tribunaux arbitraux. AVZ, qui estime avoir été injustement évincée du projet, prétend toujours détenir des droits sur le site.
Dans son offre, KoBold propose de mettre fin au contentieux en accordant une « compensation appropriée » à AVZ, en échange de l’abandon de ses prétentions sur Manono à son profit. Les deux entreprises ont annoncé avoir conclu un cadre pour que « AVZ cède ses intérêts commerciaux dans le gisement de lithium de Manono à KoBold, à une juste valeur ».
Il ne reste donc plus qu’à convaincre les autorités congolaises d’adhérer à cet arrangement, alors que des géants comme Rio Tinto ont également montré de l’intérêt pour Manono. Pour y parvenir, la compagnie américaine a misé sur Benjamin Katabuka, un profil qui allie expertise juridique internationale et expérience de terrain dans l’industrie minière congolaise.
Avocat de formation, diplômé des universités de Neuchâtel, Genève, Pennsylvanie, et titulaire du barreau de New York, Benjamin Katabuka a construit sa carrière entre l’Amérique du Nord, l’Europe et l’Afrique. Après un passage comme consultant à Genève, il s’est imposé comme une figure de l’industrie extractive congolaise avec plus d’une décennie d’expérience.
De 2022 à sa nomination, Katabuka était directeur général de C. Steinweg Bridge en RDC. Cette filiale sud-africaine du groupe de logistique néerlandais C. Steinweg Group fournit des services d’import-export dans le pays. Auparavant, il a travaillé pour Freeport-McMoRan depuis Kinshasa. Ce groupe américain opérait la mine de cuivre-cobalt de Tenke Fungurume et développait le projet de Kisanfu, avant de les revendre au chinois CMOC.
Boaz Kabeya, stagiaire
Lire aussi :
Lithium de Manono : coup de pression de l’Américain KoBold sur Kinshasa
L’homme politique et entrepreneur congolais Jean Bamanisa Saïdi a tiré une nouvelle sonnette d’alarme sur l’état des infrastructures de la capitale de la République démocratique du Congo (RDC). « Si Kinshasa ne refait pas ses voiries, elle va ressembler à ces villes du Moyen Âge qui ont disparu », a-t-il averti lors d’une interview accordée à B-One Télévision, quelques jours avant l’ouverture de la 9ᵉ édition d’Expobéton, tenue du 16 au 19 avril à Lubumbashi. Ce salon, qu’il promeut, est dédié au développement des villes, des corridors et des zones économiques spéciales.
Selon Jean Bamanisa, Kinshasa compterait aujourd’hui environ 3 500 km de voiries qu’il faudrait « complètement refaire », en repensant la ville autour de ces nouvelles infrastructures, à l’image des transformations entreprises par Napoléon III et Haussmann à Paris au XIXe siècle. À défaut, les problèmes actuels de la capitale — embouteillages, inondations, insalubrité, désordre urbain — risquent de s’aggraver au point de rendre la ville invivable.
Tribune – Kinshasa, capitale des travaux éternels : « On refait donc on avance ? »
— Jean Bamanisa (@JeanBamanisa) May 4, 2025
https://t.co/STM79ydKS8@PrimatureRDC @Presidence_RDC @TransportsRDC @MinITP_RDC @KinshasaHotel @apkinshasa243 @financesrdc @IgfRdc @senatrdc @AssembleeNatRDC @ExpobetonRDC…
Aujourd’hui, presque chaque pluie provoque des inondations meurtrières, et les embouteillages sont devenus quotidiens, pouvant durer jusqu’à quatre ou cinq heures sur certaines artères. En cause : des routes de déviation non réhabilitées, une occupation anarchique de l’espace public et une montée de l’incivisme, énumère le sénateur.
Pour l’ancien gouverneur de l’Ituri (2013–2015 et 2019–2022), une réhabilitation durable des voiries demandera beaucoup de temps et de ressources. Il évoque un horizon de 20 à 30 ans, avec un budget estimé à au moins 10 milliards de dollars. « Nous préconisons un budget spécifique, qui pourrait être alimenté par des contrats similaires à celui de Sicomines (Infrastructures contre ressources notamment minérales) », suggère-t-il.
Lors du forum Mining Indaba 2025, Jean Bamanisa a défendu une approche intégrée liant le développement urbain et le secteur minier, s’inspirant d’exemples comme Kolwezi ou Likasi, historiquement liées à l’exploitation minière.
Il y aura peut être moins d’embouteillage à #Kinshasa lorsque les citadins kinois décideront de ne plus sortir de chez eux ?
— Jean Bamanisa (@JeanBamanisa) October 28, 2024
Puisque :
- les routes existantes sont en mauvaises états
Lorsqu’elles sont refaites, il y’a des surfacturations ce qui fait que la qualité ne… pic.twitter.com/xlC39Xrvfo
Il insiste également sur la nécessité de véritables études urbanistiques pour assurer un développement cohérent et durable des villes. Il cite en exemple le projet de rocade à Kinshasa, censé intégrer des zones résidentielles et industrielles, mais aujourd’hui menacé par une occupation anarchique, faute de planification.
Par ailleurs, le patron du cimentier PPC Barnet RDC plaide pour l’adoption de techniques de construction innovantes et adaptées au contexte local. Il met en avant l’utilisation du béton pour la réalisation des routes, une solution durable et techniquement maîtrisable en RDC. Il encourage également l’exploitation des matériaux de construction disponibles localement : calcaire, sable, déchets miniers, roches volcaniques, chaux, entre autres.
Ronsard Luabeya et Timothée Manoke, stagiaires
Lire aussi :
Kinshasa : démolition annoncée des constructions à l’origine des inondations
Urbanisation : la RDC, 3e en Afrique d’ici 2050 avec 111 millions de citadins projetés
Extension de Kinshasa : un fonds en création pour financer un projet de 50 milliards $
Kinshasa : une cité de 5 800 logements en vue, une première depuis plus de 40 ans
Cité de Chine : un projet immobilier de plus de 200 millions $ lancé à Kinshasa
Foncier : de nouvelles règles rendent l’accès plus coûteux en zone urbaine en RDC
À 85 ans, George Arthur Forrest vient de publier un ouvrage. Il ne s’agit pas de ses mémoires, mais d’un livre-plaidoyer en faveur de l’investissement dans l’agriculture en Afrique, paru en mars 2025 aux éditions Le Cherche midi. Intitulé L’Afrique peut nourrir le monde et préfacé par l’ancien président sénégalais Macky Sall, l’œuvre dénonce la dépendance alimentaire du continent africain, qui importe chaque année pour 35 milliards de dollars de denrées alimentaires, malgré ses vastes terres arables.
Ce 14 mai 2025, une cérémonie de vernissage du livre s’est tenue à Kinshasa en présence du président de la République, Félix Tshisekedi. À cette occasion, celui qui se définit comme le « Congolais blanc » a affirmé que, « par son importance vitale, l’agriculture est au cœur de la vie et doit, de ce fait, être hissée comme une priorité dans la définition et la mise en œuvre de nos politiques publiques ».
À Lubumbashi (Katanga), la ville qui l’a vu naître en 1940, le milliardaire belge a mené le même plaidoyer à l’occasion de la 9 ᵉ édition d’Expobéton, salon dédié au développement des villes, corridors et zones économiques spéciales. Alors que cette édition, tenue du 16 au 19 avril, portait sur les projets à développer et les opportunités d’affaires dans les corridors sud de la RDC – SADC, George Forrest a longuement parlé d’agriculture.
Il a appelé à une mobilisation des investissements vers ce secteur, qu’il considère comme la clé de la souveraineté alimentaire, de la réduction de la dépendance aux importations et du développement économique en République démocratique du Congo (RDC).
En effet, la RDC dispose d’atouts agricoles exceptionnels, mais sous-utilisés : des terres arables estimées à près de 80 millions d’hectares, un climat favorable et un réseau hydrographique dense. Pourtant, le pays reste largement dépendant des importations pour nourrir sa population. Selon les autorités, la RDC importerait chaque année des denrées alimentaires pour trois milliards de dollars.
« Remettre le grenier du Congo à l’intérieur »
Pour attirer les capitaux vers ce secteur, George Forrest appelle à réformer l’environnement des affaires. Il demande notamment la modification de la loi agricole de 2011, qui exige que 51 % des parts des entreprises agricoles soient détenus par des Congolais. D’après lui, cet obstacle freine les investisseurs étrangers. Sa suppression, selon lui, permettrait de restaurer la confiance et de rendre le pays plus attractif.
L’ambition affichée par George Forrest est claire : « remettre le grenier du Congo à l’intérieur de nos frontières ». Il appelle ainsi au lancement d’une nouvelle politique agricole pour « que le Congo produise ce qu’il consomme et consomme ce qu’il produit ».
« Merci, George, pour cette contribution très importante (…). Cela va vraiment être une sorte de bible pour ceux qui vont se lancer avec nous dans ce rêve de faire la revanche de l’agriculture sur les mines », a déclaré Félix Tshisekedi lors du vernissage.
Longtemps figure emblématique du secteur minier congolais, George Forrest a opéré un virage significatif vers l’agriculture. En 2018, il a mis fin aux activités minières du Groupe Forrest International pour se concentrer sur des secteurs tels que les infrastructures, l’énergie et surtout l’agro-industrie. Cette transition s’est concrétisée par la création de GoCongo, une holding agroalimentaire visant à promouvoir l’autosuffisance alimentaire en RDC.
GoCongo regroupe aujourd’hui diverses activités, notamment l’élevage bovin, avec plus de 56 000 têtes de bétail, des unités de transformation agroalimentaire — biscuiterie, production de farine, transformation de viande — ainsi que des exploitations agricoles couvrant plusieurs milliers d’hectares. Ce développement intégré illustre la volonté de George Forrest de bâtir une filière complète, de la production à la transformation, pour contribuer concrètement à la souveraineté alimentaire du pays.
Timothée Manoke, Stagiaire
Lire aussi :
Agriculture : plus de 440 millions $ de marchés publics ouverts en RDC
Agriculture : une stratégie pour développer l’irrigation en élaboration en RDC
Agriculture en RDC : évolution, sources et orientation des investissements entre 2019 et 2023
Denrées alimentaires : plus de 3 milliards de dollars échappent aux producteurs locaux
Christophe Bitasimwa Bahi a été nommé au poste d’inspecteur général des finances. L’annonce a été faite le 7 mai à la télévision nationale. Il est secondé par Emmanuel Tshibingu Nsenga.
Christophe Bitasimwa Bahi remplace Jules Alingete Key, une figure dont le passage à la tête de l’Inspection générale des finances (IGF) a marqué la République démocratique du Congo (RDC) et au-delà. Après près de cinq ans aux commandes de cette structure chargée de lutter contre la corruption, la fraude et les détournements de fonds publics, cet économiste congolais s’est forgé une réputation d’intransigeant redouté par les gestionnaires des finances publiques.
Dès sa nomination en juillet 2020, il lance une croisade contre la corruption, marquée par un coup d’éclat inattendu : à la suite d’un audit de la Banque centrale du Congo, il désactive plusieurs cartes de crédit directement reliées au compte du Trésor public, utilisées par des autorités politiques. Impôts du secteur minier détournés, écoles fictives créées pour capter des subventions, emplois fictifs… rien n’échappe à la « sentinelle des deniers publics », qui obtient la condamnation de certains gestionnaires à de lourdes peines de prison.
Cette détermination lui vaut également des critiques. Jules Alingete est accusé d’être instrumentalisé à des fins politiques. Ses méthodes sont contestées et certains de ses rapports vivement critiqués. En juillet 2024, une enquête est même ouverte à son encontre, portant sur un contrat avec la Gécamines, soulevant des interrogations sur la transparence de certaines opérations menées sous sa gestion.
À bientôt 62 ans, Jules Alingete Key vient d’être admis à faire valoir ses droits à la retraite, selon une information communiquée par la porte-parole du président de la République, Tina Salama. Avant son départ, l’IGF a présenté son plan d’action pour 2025. Ce plan prévoit la reprise des missions de contrôle. Plusieurs domaines sont concernés : les acquisitions immobilières des établissements et entreprises publics, le paiement des avantages dus aux mandataires publics, le respect des règles de passation des marchés publics, la conformité fiscale des prestataires et fournisseurs en relation avec les entités publiques, ainsi que les paiements liés aux soins médicaux et aux missions de service à l’étranger.
C’est sur cette feuille de route que seront jugés les premiers pas de Christophe Bitasimwa Bahi à la tête de cet organe rattaché à la présidence de la République. Ce dernier possède une expérience de plus de 25 ans dans le secteur des finances publiques. Il a occupé plusieurs postes de responsabilité, notamment à l’Inspection des finances et dans diverses entreprises publiques. Avant sa nomination, il était, depuis 2013, secrétaire général aux Finances.
Ronsard Luabeya, stagiaire
Lire aussi :
Contrôle de la dépense publique en RDC : les prestataires des entités publiques ciblés en 2025
Fraude fiscale : 11 038 entreprises indexées en RDC, une hausse des recettes de 30 % projetée
Allégations de détournement à la Snel : un appel à intensifier la lutte contre la corruption
Selon Reuters, la République démocratique du Congo (RDC) a conclu un accord, depuis plusieurs mois, avec l’ancien officier des forces spéciales de la marine américaine (Navy SEAL), Erik Prince, pour sécuriser les recettes minières. Il s’agit de veiller à ce que « les industries extractives et autres opèrent de manière transparente, et que leur production et leurs revenus soient correctement distribués conformément au Code minier congolais », a affirmé l’une des sources citées par l’agence de presse internationale.
Conclu avant l’offensive lancée en janvier par les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, cet accord vise à générer davantage de revenus en luttant contre la contrebande et la corruption dans le secteur minier. Aucune précision n’a cependant été donnée sur les modalités d’exécution. On sait seulement que les équipes devaient commencer par le sud du pays, notamment dans le Katanga, où la RDC perdrait jusqu’à 40 millions de dollars de recettes mensuelles, rien qu’à la frontière entre Kolwezi et la Zambie, selon une source citée par Reuters.
Pour 2025, la RDC projette des recettes minières supérieures à 5 milliards de dollars, en hausse de 11 % par rapport aux prévisions de 2024. Mais à en croire les autorités, ces recettes pourraient être bien plus importantes si le pays parvenait à réduire la contrebande et la corruption dans ce secteur clé.
Dans ce contexte, le gouvernement multiplie les initiatives pour sécuriser les ressources minières. Depuis octobre 2024, le président Félix Tshisekedi a ordonné un renforcement des contrôles aux frontières des zones minières.
Erik Prince, homme d’affaires américain né le 6 juin 1969 à Holland (Michigan), est un ancien officier des Navy SEALs. Il a fondé en 1997 la société militaire privée Blackwater Worldwide (aujourd’hui Academi), qu’il a vendue en 2010, après que plusieurs de ses employés ont été inculpés pour des homicides de civils en Irak. Ces derniers ont été condamnés, puis graciés par Donald Trump lors de son premier mandat.
Proche de l’actuel président américain, Erik Prince pourrait bénéficier de l’accord minier en cours de discussion entre Washington et Kinshasa.
Par l’intermédiaire de l’une de ses sociétés, Frontier Services Group (FSG), il a signé des contrats de protection d’actifs miniers en RDC appartenant à des entreprises chinoises. En décembre 2020, le journal Africa Intelligence révélait ainsi que FSG avait conclu un accord avec Sicomines. Quelques mois plus tôt, le même média avait rapporté l’existence d’un contrat avec China Nonferrous Metal Mining Corp (CNMC).
Ronsard Luabeya, stagiaire
Lire aussi :
Sud-Kivu : 1600 entreprises minières illégales recensées (gouverneur)
Exportations d’or artisanal : 2025 démarre mal pour la RDC après une chute de 66 % en 2024
Conflit à l’est de la RDC : 38 sites miniers interdits d’exploitation pour asphyxier le M23
Trafic de coltan en RDC : un rapport de l’ONU met en cause le Rwanda
La nouvelle a été peu couverte en Afrique, pourtant c’est l’un des grands noms de la pensée africaine que le continent vient de perdre avec Valentin-Yves Mudimbe (photo). Né en 1941 à Likasi, dans l’actuelle RDC (anciennement Jadotville, NDLR), le Congolais avait d’abord emprunté la voie monastique avant de renoncer à un destin de prêtre pour poursuivre des études supérieures.
Diplômé de philosophie à l’Université catholique de Louvain en 1970, il enseigne à l’Université nationale du Zaïre, puis s’exile aux États-Unis en 1979, fuyant les tensions politiques. À l’Université de Duke, il impose sa marque, devenant l’un des piliers des études africaines et postcoloniales.
Valentin-Yves Mudimbe est surtout reconnu pour son ouvrage phare, The Invention of Africa (1988). Dans cette analyse rigoureuse, il démonte la fabrication occidentale de l’altérité africaine, dénonçant les récits biaisés qui continuent d’enfermer le continent dans des représentations coloniales. Ce livre invite à repenser radicalement les savoirs produits sur l’Afrique, loin des regards exogènes. Il reste l’une des œuvres majeures du courant postcolonial, appelant le continent à se libérer d’un narratif imposé.
Mudimbe n’était pas qu’un théoricien. Poète et romancier, il explorait également, dans Entre les eaux (1973) et L’Odeur du père (1982), les tensions identitaires entre tradition et modernité, foi et raison. Son style dense et pédagogique — reflet de son métier de professeur — mêlait l’intime et le politique, notamment dans ses écrits romanesques.
La disparition de Valentin-Yves Mudimbe survient alors que l’Afrique multiplie les initiatives pour reprendre la maîtrise de ses récits. Avec une industrie culturelle appelée à peser plusieurs milliards de dollars d’ici 2030, selon l’UNESCO, son héritage intellectuel apparaît plus pertinent que jamais.
Pourtant, le décès de celui qui voulait décoloniser les imaginaires africains afin d’affirmer l’avenir du continent est passé presque inaperçu.
Servan Ahougnon
Des prévisons de croissance moins vigoureuses en Afrique subsaharienne malgré quelques bonnes surprises, les réformes à envisager face à un environnement global marqué par des changements de priorités chez les leaders mondiaux: Amadou Nicolas Racine Sy, économiste et conseiller du directeur dans le département Afrique du Fonds Monétaire International (FMI), où il travaille depuis plus de 24 ans, revient sur les perspectives économiques revisées d’avril 2025 pour l’Afrique subsaharienne.
Agence Ecofin : Le FMI a publié le 25 avril 2025, ses perspectives révisées pour l’Afrique subsaharienne et l’Afrique en général. Selon les premiers éléments de ces perspectives, la croissance en Afrique subsaharienne devrait atteindre 3,8 % en 2025 et 4,2 % en 2026. Bien que ces chiffres soient en dessous des prévisions d’octobre 2024, ils marquent une légère amélioration par rapport à 2023 et 2024. Pourquoi le FMI considère-t-il que cette croissance reste un défi, alors que dans d’autres régions du monde, la progression dans la création de richesses sera moins soutenue ?
Amadou Sy: Après quatre ans de chocs successifs, nous étions effectivement un peu plus optimistes pour 2025 et 2026. En 2024, le dernier trimestre a apporté de bonnes surprises dans plusieurs pays, ce qui nous a permis de réviser à la hausse nos prévisions pour cette année-là. Cependant, pour 2025, nous anticipons un ralentissement de la croissance régionale, principalement en raison de conditions mondiales turbulentes. En particulier, que l’incertitude autour des droits de douane américains entraîne une baisse de la demande extérieure globale. Nous avons dû réviser à la baisse les prévisions de croissance pour les principaux partenaires commerciaux de la région, comme la Chine et l’Union européenne.
« Enfin, nous observons un durcissement des conditions financières, avec une forte augmentation des spreads souverains pour les pays africains. »
Deuxièmement, nous prévoyons une baisse des prix des matières premières, notamment du pétrole. Cela pose problème pour les pays exportateurs de pétrole, même si les importateurs pourraient en bénéficier. Enfin, nous observons un durcissement des conditions financières, avec une forte augmentation des spreads souverains pour les pays africains. Ce ralentissement est problématique car il est inférieur au potentiel de croissance de la région, estimé entre 4 et 4,5 % en moyenne. Cela aggrave la pauvreté et complique la sortie du cycle de pauvreté pour les populations vulnérables. En termes de croissance par habitant, ce ralentissement freine la convergence vers les niveaux des pays plus riches, une convergence essentielle pour nos pays.
Agence Ecofin : Ces chiffres masquent des disparités, notamment pour les pays à faible revenu où l’on attend une croissance autour de 5,8 %, en décalage avec le ralentissement global. Pourriez-vous détailler quels pays seront les moteurs de cette croissance et ceux qui risquent de rencontrer des freins ?
Amadou Sy : Vous avez raison, malgré une dégradation moyenne, les performances varient considérablement. Onze des vingt économies mondiales à la croissance la plus rapide en 2025 sont en Afrique subsaharienne. En 2024, le Niger et le Rwanda ont affiché les taux de croissance les plus élevés de la région. D’autres pays, comme le Bénin, l’Éthiopie, la République démocratique du Congo, la Guinée, le Sénégal et l’Ouganda, ont enregistré des croissances supérieures à 6 %, principalement grâce à des économies diversifiées, sauf pour la RDC et, dans une moindre mesure, la Guinée.
« En 2024, le Niger et le Rwanda ont affiché les taux de croissance les plus élevés de la région. D’autres pays, comme le Bénin, l’Éthiopie, la République démocratique du Congo, la Guinée, le Sénégal et l’Ouganda, ont enregistré des croissances supérieures à 6 % ».
À l’inverse, les pays avec une croissance inférieure à 2 % incluent le Botswana, la République centrafricaine, le Tchad, la Guinée équatoriale, Sao Tomé-et-Principe, l’Afrique du Sud, le Soudan du Sud et le Zimbabwe. Les pays riches en ressources naturelles, notamment les exportateurs de pétrole, affichent une croissance faible. Cependant, il y a des signes positifs : le Nigeria, par exemple, a atteint 3,4 % de croissance en 2024, grâce à une production d’hydrocarbures plus élevée et un secteur des services dynamique. Cela montre qu’il faut analyser les performances pays par pays.
Agence Ecofin : Revenons à l’Afrique subsaharienne. Cette croissance semble insuffisante pour répondre aux besoins de près de 900 millions de personnes. De plus, elle manque d’inclusivité, comme le FMI le souligne souvent, avec des revenus nationaux bruts réduits par les déficits commerciaux, le remboursement de la dette et la rémunération des capitaux investis. Comment le FMI collabore-t-il avec les gouvernements pour préserver cette faible valeur ajoutée au sein des économies locales ?
Amadou Sy : La région a besoin d’une croissance plus rapide et inclusive pour améliorer le niveau de vie, et nous pensons que c’est réalisable. Le FMI travaille avec les gouvernements sur trois priorités. Premièrement, rétablir et soutenir la stabilité macroéconomique, une condition nécessaire. Dans des contextes d’inflation élevée ou de volatilité monétaire, les décisions économiques deviennent complexes. Cette stabilité doit être calibrée selon les déséquilibres et les contraintes politiques de chaque pays.
Deuxièmement, faire de la politique budgétaire un levier d’inclusion. Côté recettes, il y a une marge pour augmenter les recettes fiscales de manière équitable, en améliorant l’administration fiscale plutôt qu’en augmentant les taux d’imposition. Côté dépenses, il faut renforcer la protection sociale et les services publics, tout en hiérarchisant les investissements. Une stratégie budgétaire à moyen terme, soutenue par un cadre institutionnel solide, peut réduire les coûts économiques et sociaux des ajustements.
« Côté recettes, il y a une marge pour augmenter les recettes fiscales de manière équitable. Côté dépenses, il faut renforcer la protection sociale et les services publics. »
Troisièmement, accélérer les réformes structurelles pour une croissance durable et inclusive. Le secteur privé doit jouer un rôle moteur en améliorant le climat des affaires et la gouvernance. Pour les pays dépendants des ressources naturelles, comme l’Angola où 90 à 95 % des exportations reposent sur le pétrole, il faut lever les obstacles à la diversification. Ces réformes nécessitent une communication avec les parlements et la société civile pour garantir leur mise en œuvre.
Agence Ecofin : Le secteur extérieur impacte fortement les économies africaines. Après la Covid, la guerre en Ukraine, et maintenant les incertitudes liées à la présidence américaine, comment le FMI conseille-t-il les pays face à cette volatilité mondiale, au-delà des réformes internes ?
Amadou Sy : Nos économies sont très vulnérables aux chocs externes, sur lesquels les décideurs ont peu de contrôle. Nous conseillons de réduire les vulnérabilités macroéconomiques tout en répondant aux besoins de développement, dans un cadre socialement et politiquement acceptable. C’est un équilibre délicat. Il faut calibrer les politiques macroéconomiques et constituer des marges de manœuvre, comme des réserves budgétaires, même si cela est politiquement difficile. Comme l’a dit une ancienne directrice du FMI, « il faut réparer le toit quand le soleil brille ».
« Comme l’a dit une ancienne directrice du FMI, « il faut réparer le toit quand le soleil brille ».
Constituer ces coussins de sécurité, par exemple en limitant les dépenses lors de hausses temporaires des revenus pétroliers, est une assurance contre les chocs. Les gouvernements ne sont pas seuls : le FMI, la Banque mondiale, la Banque africaine de développement et d’autres partenaires jouent un rôle. Mais le secteur privé, y compris les PME, doit être mobilisé en réduisant les obstacles réglementaires. Face à une croissance démographique rapide et aux besoins des jeunes en éducation et santé, accélérer ces réformes est impératif.
Propos receuillis par Idriss Linge
L’ingénieur minier sud-africain Jac Van Heerden a été nommé directeur général d’Alphamin Bisie Mining (ABM), filiale d’Alphamin Resources, qui exploite la plus grande mine d’étain de la République démocratique du Congo (RDC). L’annonce a été faite le 17 avril 2025 par la société minière. Il succédera à John Robertson, parti à la retraite, après approbation des autorités réglementaires.
« Alphamin se réjouit de pouvoir compter sur son leadership pour continuer à créer de la valeur durable au bénéfice de toutes les parties prenantes d’ABM », a déclaré la compagnie.
Âgé de 50 ans, Jac Van Heerden dispose de 25 années d’expérience dans le secteur minier africain, aussi bien dans l’exploitation de mines à ciel ouvert que souterraines, pour des métaux de base et précieux. Il est également reconnu pour son expertise en services techniques, en gestion générale et en direction exécutive.
Le nouveau directeur général connaît déjà le contexte congolais. Il a travaillé en RDC entre avril et décembre 2018, comme directeur général de la filiale locale d’Eurasian Resources Group Africa.
Défi sécuritaire
Ces compétences seront précieuses pour gérer la mine d’étain de Bisie, l’une des plus importantes au monde, située dans un environnement sécuritaire tendu. Les opérations sur le site ont tout juste repris le 15 avril, après une interruption forcée d’un mois liée à l’avancée du groupe rebelle M23.
La production avait été suspendue le 13 mars, lorsque les rebelles, soutenus par le Rwanda, s’étaient rapprochés à 172 kilomètres de la zone minière. Après s’être rapprochés à 60 kilomètres du site, ils se sont depuis retirés à environ 130 kilomètres à l’est. Mais la situation reste instable.
La sécurité constitue donc le défi immédiat pour Jac Van Heerden. Elle menace non seulement les opérations, mais aussi le personnel et la chaîne logistique. Cette instabilité a d’ailleurs conduit Alphamin à revoir ses objectifs annuels de production à la baisse, passant de 20 000 à 17 500 tonnes d’étain pour 2025.
Cette réduction affecte significativement les performances financières de l’entreprise. Au premier trimestre, le résultat d’exploitation a reculé de 19 %, atteignant 62 millions de dollars contre 76 millions au dernier trimestre 2024. L’entreprise dispose néanmoins actuellement de 99 millions de dollars de trésorerie, avec 38 millions de dollars supplémentaires attendus en recettes de ventes avant la fin avril 2025.
Mine stratégique
Le nouveau dirigeant devra aussi composer avec des tensions communautaires. Une enquête de Mongabay a révélé des conflits avec les communautés locales, notamment les Banamwesi et Motondo, qui accusent l’entreprise d’occuper leurs terres sans consultation préalable.
La mine de Bisie étant située dans une zone écologiquement sensible du bassin du Congo, la gestion des résidus miniers et le risque de contamination des eaux souterraines constituent un autre défi majeur.
Le complexe minier de Bisie représente à lui seul plus de 6 % de l’approvisionnement mondial en étain. Il comprend deux gisements de classe mondiale : Mpama North, avec une teneur d’environ 4,5 %, est le gisement d’étain le plus riche au monde — près de quatre fois la moyenne des autres mines — et Mpama South, avec une teneur d’environ 2 %, arrive en deuxième position à l’échelle mondiale.
Cette position stratégique fait d’Alphamin un acteur central du marché de l’étain, un métal essentiel pour l’électronique.
Georges Auréole Bamba
Lire aussi :
Étain : Alphamin baisse ses objectifs de production de 14 % en RDC
Moins de cinq mois après avoir annoncé le lancement de ses activités en République démocratique du Congo (RDC), le pétrolier camerounais Tradex (Trading & Exploitation) estime déjà que sa filiale congolaise a besoin d’un nouvel élan. Pour ce faire, l’équipe dirigeante a été remaniée à l’occasion d’un conseil d’administration ordinaire tenu le 10 avril 2025 à Djibloho, en Guinée équatoriale.
Igor Emmanuel Soya Bissaya, élu président du conseil d’administration (PCA) lors de la première session du 26 novembre 2024 à Kinshasa, a été remplacé par Emmanuel Patrick Mvondo. Ce juriste camerounais faisait déjà partie des premiers administrateurs désignés lors de l’assemblée générale constitutive de la société. Il est surtout l’actuel directeur général de Tradex SA, actionnaire unique de la filiale congolaise.
À en croire ce dernier, la Société nationale des hydrocarbures (SNH), fondatrice du groupe Tradex, « attend de l’équipe que nous constituons qu’elle impulse une nouvelle dynamique à Tradex RDC, société emblématique de notre groupe, en ce qu’elle nous ouvre les portes de l’Afrique australe ». Et d’ajouter : « Notre priorité est donc de finaliser dans les plus brefs délais les formalités administratives, avec pour objectif un déploiement sur le terrain avant la fin du second semestre 2025 ».
Selon nos informations, jusqu’au début du mois de mars, la Banque des États de l’Afrique centrale (BEAC), banque centrale des six pays de la Cemac — à laquelle appartient le Cameroun — n’avait pas encore autorisé le transfert des 2,5 milliards de FCFA correspondant au capital social de la filiale. En RDC, le déploiement de Tradex doit également composer avec les lourdeurs administratives, régulièrement dénoncées par les autorités locales, ainsi qu’avec des défis logistiques et de ressources humaines. Le pays, vaste de plus de deux millions de kilomètres carrés, souffre en effet d’un déficit important d’infrastructures de transport et en capital humain.
Ces défis sont d’autant plus susceptibles de se poser que Tradex prévoit d’intervenir sur l’ensemble de la chaîne de valeur du secteur pétrolier aval. Selon l’entreprise, ses activités incluront la distribution de produits pétroliers via un réseau de stations-service et de points de consommation installés sur les sites industriels, l’avitaillement des aéronefs dans les aéroports congolais, ainsi que l’approvisionnement des navires et autres embarcations dans les eaux congolaises.
Néanmoins, dans la stratégie de développement de l’entreprise, le gaz domestique est perçu comme une niche. L’usage du gaz de pétrole liquéfié (GPL) reste encore limité dans le pays, avec seulement 14 % de taux de pénétration à Kinshasa, soit environ 250 000 ménages. Les autorités ambitionnent de porter ce chiffre à 1,2 million de ménages d’ici 2030, ce qui ouvre une marge de croissance considérable pour les opérateurs du secteur.
Pierre Mukoko
Lire aussi :
Produits pétroliers : le Camerounais Tradex annoncé sur le marché de la RDC dès 2025
Le Camerounais Philippe Attang choisi pour implanter Tradex en RDC
Gaz domestique : 1,2 million de ménages ciblés à Kinshasa d’ici 2030