À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, Albert Zeufack, directeur des opérations de la Banque mondiale pour la République démocratique du Congo (RDC), le Burundi, l’Angola et Sao Tomé-et-Principe, appelle à une action concertée pour placer la création d’emplois de qualité au rang de priorité nationale en RDC. Fort de plus de trente ans d’expérience dans le développement économique, l’économiste camerounais estime que le pays doit impérativement relier croissance économique et inclusion sociale, faute de quoi la pauvreté continuera de résister aux efforts entrepris.
Il rappelle que, malgré une hausse du PIB par habitant de 17 % entre 2020 et 2024, la pauvreté n’a reculé que faiblement, passant de 85 % à 81,1 %. Cette évolution limitée s’explique par une croissance largement tirée par le secteur minier, peu créateur d’emplois. Les données de la Banque mondiale révèlent d’ailleurs une élasticité emploi-croissance négative (-1,46) sur la période. Conclusion : l’économie a progressé, mais l’emploi a reculé. Ce modèle capitalistique, selon lui, accentue les inégalités et fragilise la cohésion sociale.
Pour Albert Zeufack, la RDC doit engager une transformation structurelle en diversifiant les moteurs de croissance et en investissant dans des secteurs capables de générer des emplois décents et durables. Il met en avant la nécessité de réduire les coûts liés à l’environnement des affaires, d’améliorer les infrastructures et de renforcer la connectivité — routes, électricité, chemins de fer, numérique — tout en investissant massivement dans le capital humain et les compétences techniques.
Le portefeuille de projets soutenus par la Banque mondiale reflète déjà cette vision. Zeufack cite notamment le Programme de développement Inga 3 (PDI3), le corridor de Lobito et le corridor PACT reliant Mbuji-Mayi à l’est du pays, qui visent à associer le développement des infrastructures à la création d’emplois. Le PDI3, par exemple, ne se limite pas à la construction d’un barrage hydroélectrique : il vise à créer un environnement favorable à la production et à la distribution d’énergie, levier essentiel pour l’industrialisation.
Concernant le corridor de Lobito, il y voit un instrument de diversification économique. En reliant les zones minières du Katanga à la côte atlantique, ce projet devrait stimuler l’émergence de zones économiques spéciales, favoriser le développement des villes secondaires et renforcer les chaînes de valeur agricoles. Selon lui, il s’agit d’une rupture nécessaire avec une économie centrée sur l’extraction et peu inclusive.
Albert Zeufack conclut en soulignant que la performance économique de la RDC ne doit plus être évaluée uniquement à travers le PIB, mais surtout à travers sa capacité à créer des emplois de qualité et à réduire la pauvreté. Reconnecter la croissance à l’emploi et au bien-être social doit devenir le cœur du modèle de développement congolais. À ce prix, dit-il, la RDC pourra transformer son potentiel économique en prospérité partagée et relever le défi démographique qui l’attend d’ici 2050.
Boaz Kabeya
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« Un signal fort pour la conquête du leadership sur le marché congolais » : c’est ainsi qu’Orange RDC qualifie l’arrivée de Brutus Sadou Diakité à sa tête. Originaire du Mali, le nouveau directeur général a pris ses fonctions le 26 septembre 2025. Il succède à Ben Cheick D. Haïdara, en poste depuis octobre 2020 et récemment promu directeur général adjoint et directeur des opérations d’Orange Middle East and Africa (OMEA).
Actuellement, Orange occupe l’avant-dernière place du marché des télécommunications en République démocratique du Congo (RDC). Selon le rapport publié en août dernier par l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications du Congo (ARPTC), l’opérateur français a réalisé 155,8 millions de dollars de chiffre d’affaires au premier trimestre 2025, soit 28,2 % de part de marché. Il devance Africell (3,6 %), mais reste derrière Airtel (36,1 %) et Vodacom (32,1 %), une position qu’il conserve depuis plusieurs années.
Dans le segment de l’Internet mobile, qui représente plus de la moitié du chiffre d’affaires, Orange est en recul. Sa part de marché a baissé de 1,2 point au premier trimestre 2025 pour atteindre 29,8 %, au profit d’Airtel qui a gagné 2,8 points pour s’établir à 41,8 %. Le régulateur y voit l’effet de « choix utilisateurs orientés vers une meilleure qualité de service ».
Même tendance sur le marché du mobile money évalué à plus de 100 millions de dollars au premier trimestre : Orange Money a perdu 0,62 point pour descendre à 15,86 % de parts. En comparaison, M-Pesa de Vodacom reste leader avec 43,7 % de parts, tandis qu’Airtel Money talonne avec 39,93 %, renforçant légèrement leurs positions.
Pour espérer atteindre la première place du marché congolais, Brutus Sadou Diakité devra relever le défi de la qualité et de la disponibilité des services. Orange mise sur l’innovation et présente son arrivée comme « un signal fort pour l’accélération de l’innovation ». L’opérateur souligne notamment son expertise digitale : à la tête d’Orange Digital Platforms, il a supervisé le déploiement de la super application Maxit, qui compte aujourd’hui 22 millions d’utilisateurs actifs.
Ce pur produit d’Orange cumule une vingtaine d'années d’expérience au sein du groupe. Il commence sa carrière en 2002 comme ingénieur en développement de logiciels chez Ikatel au Mali, devenue Orange Mali après son rachat en 2006. Il y gravit les échelons jusqu’à devenir directeur général adjoint en 2017, puis directeur général d’Orange Guinée-Bissau. En 2023, il rejoint OMEA à Casablanca en tant que directeur d’Orange Digital Platforms.
Son parcours académique témoigne d’une double expertise technique et managériale. Titulaire d’un master en génie informatique de l’Université Abdelmalek Essaâdi de Tanger, il a obtenu un master II en télécommunications et informatique à l’Université Côte d’Azur, puis un master II en gestion des entreprises à l’Université Paris Panthéon-Sorbonne. Il est également diplômé de deux Executive MBA, à l’IAE Paris–Sorbonne Business School et à HEC Paris.
Timothée Manoke
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Directeur général adjoint jusqu’alors, Louis-Blaise Londolé a été installé, le 23 septembre 2025, comme directeur général intérimaire de la Régie des voies aériennes (RVA), entreprise publique chargée de la gestion des infrastructures aéroportuaires en République démocratique du Congo. Sa désignation comme intérimaire fait suite à la suspension de Léonard Ngoma Mbaki, intervenu cinq jours plutôt.
Cette suspension décidée par la ministre du Portefeuille, Julie Mbuyi Shiku, intervenue après la coupure d’électricité survenue à l’aéroport international de N’Djili dans la nuit du 9 au 10 septembre. La tour de contrôle et le balisage des pistes avaient été plongés dans le noir, paralysant les opérations aéroportuaires pendant de longues minutes. Cet incident a retardé l’atterrissage de l’avion présidentiel et perturbé plusieurs vols commerciaux, suscitant une vive polémique sur les dysfonctionnements persistants dans la gestion des infrastructures aéroportuaires.
La ministre du Portefeuille a justifié la suspension de Ngoma Mbaki par la nécessité de mener une enquête approfondie sur les circonstances de la panne et d’évaluer les responsabilités dans la gestion de la RVA.
Dans un communiqué publié le 23 septembre, l’Autorité de régulation du secteur de l’électricité (ARE) a indiqué avoir commis une mission d’investigation pour déterminer les causes de la coupure. Composée d’experts techniques, d’officiers de police judiciaire et d’un expert juridique senior, cette mission a travaillé pendant quatre jours à l’inspection de la nouvelle et de l’ancienne centrale thermique, de la sous-station SNEL-RVA, de la nouvelle tour de contrôle et de l’aérogare internationale.
Les constats de l’ARE révèlent que l’aéroport de N’Djili est alimenté par une sous-station partagée avec les populations riveraines. L’accroissement des charges, lié à l’urbanisation rapide des zones environnantes, compromet la fiabilité de l’approvisionnement électrique du site.
Au terme de son enquête, l’ARE a formulé trois recommandations majeures : renforcer les infrastructures électriques de l’aéroport pour garantir leur autonomie vis-à-vis des fluctuations du réseau SNEL, mettre en place des solutions de secours fiables afin d’assurer la continuité des opérations critiques, et accélérer la mise en conformité des installations stratégiques pour réduire les risques de récidive.
Louis-Blaise Londolé devra intégrer ces recommandations dans ses priorités afin d’atteindre les objectifs fixés par sa hiérarchie : la modernisation et la mise à niveau des aéroports et aérodromes gérés par la RVA.
Timothée Manoke
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Pour plusieurs acteurs et experts du secteur, Louis Watum Kabamba, nommé le 7 août 2025 ministre des Mines dans le gouvernement Suminwa II, est « l’homme qu’il faut à la place qu’il faut ». Polytechnicien, il a débuté sa carrière comme ingénieur de production en pyrométallurgie à la Gécamines, avant de piloter des projets miniers d’envergure. Il avait déjà fait son entrée au gouvernement en mai 2024 comme ministre de l’Industrie et du Développement des PME, avant de se voir confier, un an plus tard, le portefeuille des Mines.
Malgré cette longue expérience dans le secteur minier, Louis Watum aborde ses nouvelles fonctions avec modestie. « Je me tiens ici avec humilité, non seulement pour écouter, mais aussi pour savoir comment nous allons faire pour sortir de l’ornière », a-t-il déclaré aux responsables des sociétés minières, réunis le 18 septembre lors de la première réunion du cadre de concertation entre son ministère et les entreprises du secteur.
Organisée par la Chambre des mines de la Fédération des entreprises du Congo (FEC), cette rencontre visait à recueillir les préoccupations du secteur, renforcer le dialogue entre le gouvernement, les opérateurs et les communautés, et proposer des solutions pour améliorer la gouvernance minière. Elle s’est tenue chez Kamoa Copper, exploitant de la mine de cuivre de Kamoa-Kakula, l’une des plus grandes au monde. Un site familier au ministre, qui fut, entre 2014 et 2020, directeur général en RDC d’Ivanhoe Mines, opérateur et actionnaire du projet (39,6 %).
Moderniser la gouvernance
Pour sa première visite de terrain, l’ancien président de la Chambre des mines de la FEC (2014-2024) s’est aussi rendu chez Tenke Fungurume Mining (TFM), l’un des plus grands producteurs de cuivre et de cobalt du pays, et a rencontré les exploitants artisanaux de Kolwezi. À chaque étape, il a affiché la même posture d’humilité, écoutant attentivement ses interlocuteurs et prenant des notes.
À sa prise de fonction, Louis Watum a fixé des objectifs ambitieux : moderniser la gouvernance minière afin d’attirer davantage d’investissements et maximiser les bénéfices économiques pour les Congolais. Selon la Chambre des mines, aucun investissement majeur n’a été enregistré dans le secteur depuis 2018. Pour l’avocat d’affaires Romain Battajon, la relance passe par la simplification et la clarification des textes et la rationalisation des intervenions administratives particulièrement en matière fiscale, douanière et environnementale. Sur ces matières, déplore-t-il, les administrations se chevauchent avec des interprétations contradictoires, rendant l’environnement des affaires confus et imprévisible…
« Vous pouvez avoir tous les minerais du monde, si le ticket d’entrée est trop compliqué et les règles trop complexes et si vous avez ensuite une pléthore de contrôles, parfois illégaux, parfois légaux mais de manière très réplétive, vous finissez par lasser ceux qui sont là et repousser ceux qui voudraient venir », prévient-il dans un entretien avec Landry Djimpe, associé chez Innogence Consulting et responsable du bureau RDC.
Dossiers stratégiques
D’autres acteurs du secteur insistent sur la nécessité de renforcer la traçabilité des minerais, de digitaliser le cadastre minier, d’améliorer la connaissance du sous-sol, de mieux encadre l’activité minière artisanale ou encore de garantir une meilleure fourniture en électricité.
Conscient de la complexité de ces défis, le ministre mise sur la collaboration de tous : « Moi, je suis convaincu que si nous mettons nos intelligences ensemble, nous allons petit à petit sortir de cette situation », a-t-il affirmé aux exploitants artisanaux, confrontés à des difficultés multiples : non-respect du Code et du Règlement miniers, manque de financement, conditions de travail précaires, difficultés d’accès au marché formel, pollution… « Nous avons notre part à jouer et ils ont leur part à jouer », a-t-il ajouté aux sortir de cette réunion.
Louis Watum prend la tête du ministère dans un contexte sensible : discussions entre la RDC et les États-Unis autour d’un accord « sécurité contre minerais » pour attirer des investissements américains, et instauration par Kinshasa d’un système de quotas pour réguler le marché international du cobalt et inciter à la transformation locale. L’efficacité de la « méthode Watum » sera rapidement mise à l’épreuve par ces dossiers stratégiques.
Pierre Mukoko et Ronsard Luabeya
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Dans un communiqué signé le 16 septembre 2025, le nouveau ministre de l’Emploi et du Travail, Ferdinand Massamba wa Massamba, a donné 30 jours ouvrables aux services privés de placement (SPP) de main-d’œuvre pour « se conformer strictement aux prescriptions de la législation et de la réglementation en vigueur ».
Selon le ministre, cette législation (articles 203 à 207 du Code du travail) et réglementation (arrêtés ministériels n°012/CAB.MIN/TPS/062/08 du 18 septembre 2008 et n°047/CAB.VPM/METPS/2015 du 8 octobre 2015) conditionnent l’exercice de cette activité à la détention d’un arrêté ou d’une autorisation régulièrement actualisée. Massamba wa Massamba demande donc aux SPP de déposer leurs dossiers de mise à jour ou d’autorisation auprès de l’Office national de l’emploi (ONEM) avant la fin du délai imparti. Une commission mixte, regroupant le cabinet du ministre, l’ONEM, l’inspection générale du travail et le secrétariat général à l’Emploi et au Travail, sera chargée d’examiner et de suivre l’ensemble des dossiers déposés.
Passé ce délai, tout SPP non régularisé sera considéré comme illégal et ses responsables s’exposeront à des sanctions sévères, incluant le retrait d’autorisation, la suspension des activités et, éventuellement, des poursuites judiciaires pour exercice illégal de placement de main-d’œuvre. Pour contrôler l’application de cette directive, une mission nationale sera déployée sur tout le territoire.
Selon le ministère, cette action s’inscrit dans une volonté d’assainir le secteur du placement privé, de garantir un marché du travail transparent et équitable, et de protéger les travailleurs contre toute exploitation abusive. Le communiqué précise qu’il s’agit du dernier avertissement avant l’application stricte des sanctions.
Député provincial de Nyunzu et ancien vice-gouverneur de la province du Tanganyika, Massamba wa Massamba a été nommé ministre de l’Emploi et du Travail dans le gouvernement Suminwa II, formé le 7 août dernier. Lors de sa prise de fonction quelques jours après, il s’était engagé à œuvrer pour la création d’emplois durables, la dignité du travail et la valorisation du capital humain.
Boaz Kabeya
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Le ministre du Développement rural, Grégoire Mutshail Mutomb, a visité, le 13 novembre 2025, l’avenue Bakole dans la commune de Lemba à Kinshasa, où est déployée la technologie Ecoroads. Conçue par la société américaine TerraFusion International Inc., cette technologie permet de « transformer les sols, en améliorant la résistance, la densité et la durabilité des routes et de leurs fondations ». Selon ses promoteurs, elle réduit l’empreinte carbone jusqu’à 75 %, les coûts de construction jusqu’à 50 % et les coûts d’entretien jusqu’à 60 %.
Grégoire Mutshail mise sur cette innovation pour la mise en œuvre du programme national de stabilisation des routes agricoles, actuellement à l’étude. Selon lui, Ecoroads est dix fois moins coûteuse que le goudronnage classique et pourrait permettre à l’État de consacrer moins de ressources à la construction des près de 87 000 kilomètres de routes agricoles que compte le pays.
« Les méthodes traditionnelles ont montré leurs limites. Le coût d’une route goudronnée est dix fois supérieur à celui d’une route stabilisée. Cette technologie représente donc une solution plus efficace pour le développement du pays », a déclaré le ministre.
En République démocratique du Congo (RDC), la technologie Ecoroads est actuellement déployée par la société congolaise Jet BTP. Selon Daudet Jérémie Kandolo, Lead Manager de Jet BTP, chaque étape des travaux est supervisée par le laboratoire national de l’Office des routes (OR), qui assure le contrôle qualité. La société a déjà appliqué cette technologie à Lowa, dans le territoire de Kasangulu (Kongo Central), où plus de deux kilomètres de routes ont été stabilisés depuis juin 2022. Toutefois, peu d’informations sont disponibles sur cette entreprise.
En janvier dernier, Muhindo Nzangi Butondo, alors ministre du Développement rural, déclarait : « Partant du diagnostic déjà fait, plus de 11 000 km de routes de desserte agricole prioritaires et 38 000 autres ordinaires seront réhabilités chaque année à travers le territoire national, dans la vision du Chef de l’État ». Lors du gouvernement Suminwa II du 7 août dernier, ce dernier a échangé son portefeuille avec Grégoire Mutshail Mutomb, jusque-là ministre de l’Agriculture et de la Sécurité alimentaire.
Ronsard Luabeya
Alphamin Resources a annoncé, le 5 septembre 2025, l’entrée de Ziad Mikhael et Salman Bhatti au conseil d’administration de la société en qualité d’administrateurs non exécutifs, sous réserve de l’approbation des autorités réglementaires. Ces nominations interviennent à la demande d’International Resources Holding (IRH), filiale du conglomérat émirati IHC, qui a conclu en juin dernier un accord pour l’acquisition de 56 % du capital d’Alphamin, de manière indirecte via le rachat de Tremont Master Holdings.
Mikhael et Bhatti occupent tous deux des postes de direction au sein de 2PointZero, société d’investissement basée à Abou Dhabi et maison-mère d’IRH.
Ziad Mikhael, actuellement directeur des investissements chez 2PointZero, est titulaire d’un Master of Engineering en génie électrique, option télécommunications, ainsi que d’un MBA. Après une première carrière dans l’ingénierie et la gestion de projets, il s’est orienté vers la finance à partir de 2019 en rejoignant Chimera Capital, société d’investissement appartenant à la holding 2PointZero.
Salman Bhatti, vice-président des investissements chez 2PointZero, est diplômé d’un master en économie et membre de l’Association of Chartered Certified Accountants (ACCA). Il a débuté sa carrière dans l’audit et le conseil, cumulant près de neuf années chez Deloitte et KPMG, avant d’intégrer le secteur des investissements en 2022 au sein de Chimera Capital de 2PointZero.
En tant qu’administrateurs non exécutifs, leur rôle sera d’apporter un regard externe et une expertise complémentaire à la direction. Dans les faits, leur présence traduit surtout la volonté d’IRH de protéger ses intérêts et de suivre de près la stratégie et la gouvernance d’Alphamin, sans intervenir directement dans la gestion quotidienne.
Pour permettre leur entrée, deux administrateurs en place ont dû céder leurs sièges, conformément à la constitution d’Alphamin qui limite la taille du conseil sans convocation d’une assemblée générale des actionnaires. Eoin O’Driscoll et Jan Trouw ont ainsi présenté leur démission, tout en conservant des fonctions opérationnelles : O’Driscoll demeure directeur financier (CFO) de la société, tandis que Trouw continuera d’apporter son expertise en tant que consultant technique, fort de son expérience dans le secteur minier.
Alphamin Resources est l’opérateur de Bisie, la plus importante mine d’étain de la République démocratique du Congo (RDC) et l’une des plus riches au monde. La société vise une production de 17 500 tonnes d’étain cette année.
Timothée Manoke
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Nommé ministre des Postes et Télécommunications lors de la formation du gouvernement Suminwa II, le 7 août 2025, José Mpanda Kabangu a présenté au Conseil des ministres du 5 septembre un constat préoccupant sur la qualité des services de télécommunications en République démocratique du Congo (RDC). Il a pointé plusieurs problèmes : coupures fréquentes, saturation du réseau, pertes de crédit injustifiées et transactions mobiles échouées mais néanmoins facturées.
Selon le ministre, cette situation porte un préjudice direct à la population, dans un contexte où les services numériques sont devenus essentiels à la vie économique et sociale. L’absence d’échange de données malgré un forfait actif ou la présence d’interférences durant les communications vocales illustrent l’ampleur des dysfonctionnements.
En amont, les causes identifiées renvoient à des problématiques structurelles : infrastructures de réseau endommagées ou mal protégées, manque de coordination entre ministères lors des travaux publics, carences dans le contrôle qualité des équipements installés et régulation peu contraignante à l’égard des opérateurs.
Pour redresser la situation, le ministre a soumis plusieurs recommandations. Il préconise la création d’une commission interministérielle regroupant les ministères concernés (Urbanisme, Aménagement du territoire, Économie numérique, etc.) afin de coordonner les déploiements d’infrastructures. Il recommande également la mise en place d’un cadre de concertation technique pour planifier tous les travaux susceptibles d’affecter les réseaux de télécommunications, le renforcement du contrôle des opérateurs par le régulateur (ARPTC) avec une application rigoureuse des cahiers des charges, ainsi que la protection systématique des réseaux de fibre optique lors des travaux publics, conformément au manuel de procédure administrative et technique en vigueur.
Le Conseil des ministres a pris acte de ces recommandations et réaffirmé son engagement à faire des télécommunications un levier du développement socio-économique. Pour y parvenir, José Mpanda, avocat de profession, devra aussi encourager les investissements dans les infrastructures en promouvant un environnement fiscal et réglementaire plus transparent et stable. Les opérateurs estiment en effet que la taxation excessive du secteur en RDC freine les investissements dans les infrastructures numériques nécessaires à l’expansion du réseau.
Malgré l’ambition présidentielle de réduire la fracture numérique, la RDC reste confrontée à une lenteur dans le déploiement des infrastructures de base. Le FMI notait dans un rapport de 2024 que la faible densité du réseau fibre et le manque de stations de base 4G dans les zones rurales limitaient fortement la numérisation de l’économie et des services publics. La couverture 4G demeure inégalement répartie, concentrée dans les grandes villes. Et selon la GSMA, près de 43 % de la population reste exclue de tout service mobile, soit par absence de couverture, soit pour des raisons économiques.
Ronsard Luabeya
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Les nominations dévoilées le 5 septembre 2025 au sein de Rawbank, première banque de la République démocratique du Congo (RDC), traduisent un renforcement de sa direction générale avec la création d’un poste de directeur général adjoint (DGA) chargé du business et du développement.
Ce pôle, qui regroupe les directions production bancaire, commerciale, performance et réseau et fintech, relevait jusqu’ici directement du directeur général, Mustafa Rawji. Il revient désormais à Hugues Bosala (à gauche sur la photo), nommé à ce nouveau poste. Il rejoint ainsi Christian Kamanzi, chargé de l’administration et des risques, et Nadeem Akhtar, en charge du support et des infrastructures, tous deux en poste depuis 2019. La direction générale compte donc désormais un DG et trois DGA.
Outre ce renforcement, de nouveaux profils ont été nommés à des fonctions clés. Kadija Sangho Keita (à droite sur la photo), débauchée de Société Générale, prend la tête de la direction des Finances, en remplacement de Baby Pallipadan. Tatiana Maresca (au centre sur la photo), déjà en poste à Rawbank depuis 2009, est nommée à la direction du capital humain, succédant à Dieudonné Nkunzi.
Pour Rawbank, ces nominations traduisent la volonté de consolider trois piliers essentiels de son développement : la croissance commerciale, la rigueur financière et la gestion du capital humain, en vue de la mise en œuvre de son plan stratégique 2026-2030, dont les détails restent à venir.
« En accueillant ces profils d’exception, Rawbank renforce sa capacité à anticiper les évolutions du secteur et à incarner un leadership exigeant, dynamique et tourné vers l’avenir », a commenté la présidente du conseil d’administration, Isabelle Lessedjina.
Des trajectoires confirmées
À 42 ans, Hugues Bosala sera au cœur de l’exécution du nouveau plan stratégique. Arrivé à Rawbank en 2008 comme analyste de crédit de détail, il a ensuite gravi les échelons : gérant d’agence, directeur régional de la zone Est, puis directeur de la zone Kinshasa depuis 2019.
Âgée de 40 ans, Kadija Sangho Keita apporte son expérience internationale acquise au sein de Société Générale, où elle supervisait la gestion comptable de huit filiales africaines. Elle sera responsable de la fiabilité de l’information financière, de la comptabilité, de la fiscalité et des relations avec les correspondants bancaires.
Tatiana Maresca, 44 ans, supervisera l’administration, la paie, le recrutement, la gestion des carrières et la formation, en plaçant le développement des talents, la mixité et la performance collective au cœur de la transformation de la banque. Au sein de Rawbank depuis 2009, elle était déjà impliquée dans ces thématiques, notamment en tant qu’ambassadrice du programme She Leads, dédié à la promotion des femmes.
En juillet dernier, Rawbank avait déjà renforcé son conseil d’administration avec la nomination d’un quatorzième membre, Françoise Lungangi Kitundu, spécialiste de l’audit et de la certification, désignée présidente du comité d’audit et membre du comité de rémunération.
Alors que s’achève son actuel plan quinquennal, Rawbank affiche des performances solides. En 2024, la banque a enregistré un produit net bancaire de 514 millions de dollars, en progression de 6,2 % par rapport à 2023, et un bénéfice net de 212,7 millions de dollars, en hausse de 11,4 %. Des résultats portés par la diversification, la digitalisation et la finance durable, qui confirment son rôle central dans le financement de l’économie congolaise.
Pierre Mukoko et Timothée Manoke
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Deux ordonnances présidentielles, lues le 3 septembre 2025 à la Radiotélévision nationale congolaise (RTNC), ont modifié l’organisation de l’Africaine d’explosifs (Afridex), entreprise publique rattachée au ministère de la Défense nationale. Elles créent deux postes de directeurs généraux adjoints (DGA) : l’un consacré aux aspects techniques et opérationnels, l’autre aux questions administratives et financières.
À la faveur de ces réformes, Marcel Mbuyu Kyungu a été nommé DGA chargé des questions techniques et opérationnelles, huit mois après avoir quitté l’entreprise. Le second poste de DGA a été attribué à Serge Bokana, qui occupait jusque-là la fonction unique d’adjoint. Sikabwe Asinda reste directeur général.
Afridex détient le monopole de la production, de l’importation, du stockage et de la distribution des explosifs et munitions sur tout le territoire. Elle a pour mission de réguler les flux de ces produits et d’assurer leur traçabilité, de la fabrication à l’utilisation finale.
La nomination de Marcel Mbuyu intervient au moment où le complexe industriel de Likasi, dont la construction a été lancée en mai 2024, doit entrer en service. Les travaux, prévue sur 18 mois, arrive à terme en septembre 2025. Ce projet est développé avec des partenaires chinois, dont Norinco, et turcs, via MKE, dans une stratégie visant à renforcer l’autonomie de la RDC en matière d’armement et à réduire la dépendance aux importations.
Marcel Mbuyu avait déjà exercé comme directeur général adjoint de l’Afridex de février 2018 à janvier 2025. Ingénieur mécanique formé à l’Université des sciences appliquées de Dortmund, avec une spécialisation en technologies de production métalliques, il est également titulaire d’un master en management de l’ingénierie de l’Université de Pretoria, ainsi que d’un diplôme du Collège des Hautes Études de Stratégie et Défense de Kinshasa.
Avant son entrée à Afridex, il a travaillé plus de huit ans chez Rheinmetall Denel Munition en Afrique du Sud, filiale du groupe allemand Rheinmetall AG (19e producteur mondial d’armement en 2023), où il a dirigé la chaîne d’approvisionnement et supervisé les opérations de quatre usines de production.
Timothée Manoke, stagiaire
FirstBank DRC a créé un deuxième poste de directeur général adjoint (DGA). Selon son rapport Pilier III de 2024, le comité de gestion se composait jusqu’ici d’un directeur général et d’un seul DGA. Dans son annonce, la filiale congolaise du groupe bancaire nigérian n’a pas expliqué les raisons de ce choix, mais elle a indiqué que ce nouveau poste revient à Mbembo Bemba.
Avec cette nomination, il fait également son entrée au Conseil d’administration, qui comptait jusque-là huit membres. Il s’agit donc d’une double promotion pour ce cadre arrivé en 2023 à FirstBank DRC comme directeur régional pour le Grand Katanga.
« À ce titre, il a contribué à l’expansion du réseau et au renforcement du portefeuille clients, en particulier dans le secteur minier », souligne l’institution bancaire. Avant de rejoindre FirstBank, Mbembo Bemba avait passé quatre ans à la Standard Bank DRC, où il était en charge du portefeuille client dans la région minière du Katanga.
Sa montée en puissance dans le top management survient alors que FirstBank DRC entend renforcer sa présence dans la région minière, stimuler la croissance de la banque de détail grâce à la numérisation et porter la part des revenus issus des produits numériques à 30 % du chiffre d’affaires total. La banque ambitionne par ailleurs d’accroître son réseau d’agents bancaires, de près de 3000 actuellement à 100 000 d’ici 2029.
Jusqu’ici, l’unique DGA supervisait les segments commerciaux, notamment les services aux particuliers, aux clients institutionnels publics, aux ONG, la banque privée et l’expérience clientèle. Désormais, Mbembo Bemba épaulera le directeur général, Olajide Ayeronwi, dans la mise en œuvre de la stratégie de la banque, le pilotage de ses activités et le renforcement du réseau sur l’ensemble du territoire. Il devra donc faire appel à sa quinzaines d’années d’expérience dans le secteur bancaire.
Boaz Kabeya
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Dans un entretien accordé à l’agence de presse américaine Bloomberg, le nouveau gouverneur de la Banque centrale du Congo (BCC), André Wameso, a affirmé que son mandat sera guidé par un objectif majeur : réhabiliter le franc congolais (FC) et réduire la dépendance structurelle du pays au dollar américain. « Nous devons faire en sorte que la population fasse de nouveau confiance à sa monnaie, car je ne pense pas que nous puissions construire un nouveau Congo avec une autre monnaie que la monnaie nationale », a-t-il expliqué.
En 2012, la RDC avait lancé une stratégie pour réduire sa dépendance au dollar et stimuler l’utilisation du franc congolais. Mais cette initiative « n’a eu qu’un impact marginal et la dollarisation reste très élevée », constate la Banque mondiale dans un rapport publié en juillet dernier. En 2024, le FMI estimait que près de 85 à 90 % des prêts et environ 95 % des dépôts étaient en devises étrangères, principalement en dollars. En 2025, le Fonds a confirmé la persistance de ces niveaux, toujours supérieurs à 90 %, illustrant la difficulté pour la BCC d’exercer une politique monétaire efficace.
La stratégie de Wameso pour s’attaquer à ce problème structurel repose sur trois piliers. Le premier consiste à stabiliser la monnaie grâce à des interventions ponctuelles sur le marché de change, une communication maîtrisée et une politique monétaire restrictive, tant que l’inflation n’est pas ramenée et consolidée à 7 %. Le deuxième vise à créer une demande structurelle de FC, en proposant des rendements attractifs sur les bons de la BCC et les obligations du Trésor libellées en monnaie nationale, tout en stimulant le crédit domestique, notamment dans le secteur de l’habitat. Enfin, le troisième pilier concerne la facilitation des paiements en franc congolais, en rendant son usage systématique dans les transactions numériques et de détail, afin que le recours au dollar cesse d’être l’option la plus simple.
Premières actions
Dès sa prise de fonction, Wameso a ordonné une injection de 50 millions de dollars sur le marché interbancaire, au taux de 2 776 FC pour un dollar. Cette intervention visait à calmer les tensions de change, conformément à la stratégie d’intervention adoptée en janvier dernier avec l’appui du FMI. Elle s’inscrit dans un cadre de politique monétaire déjà restrictive, avec un taux directeur maintenu à 25 % depuis août 2023, destiné à contenir l’inflation, établie à 8,5 % en glissement annuel fin juillet 2025.
Pour atteindre son objectif, l’ancien conseiller économique du président Tshisekedi doit également veiller à l’application des mesures décidées avant son arrivée. En juin 2024, la BCC avait par exemple imposé la reconfiguration de tous les terminaux de paiement électronique pour qu’ils n’acceptent que le franc congolais. Mais cette obligation, entrée en vigueur fin juillet 2024, n’est toujours pas respectée à ce jour.
De manière générale, la réussite de ce pari repose sur plusieurs conditions. Il faudra maintenir une crédibilité anti-inflation, de sorte que les taux d’intérêt réels positifs incitent ménages et entreprises à épargner en monnaie nationale. Le marché financier local devra aussi s’élargir, avec des instruments liquides et un marché secondaire actif pour asseoir la confiance. À cela s’ajoute une discipline budgétaire stricte : si le Trésor contraignait la BCC à financer le déficit, l’ancrage monétaire serait aussitôt remis en cause. Enfin, le fonctionnement transparent du marché de change sera essentiel pour éviter que les ajustements passent par le marché parallèle.
Risques
Les risques restent nombreux. Une transition trop rapide pourrait alimenter un marché informel de devises et fragmenter les prix. Des ventes de dollars non soutenues par des entrées suffisantes fragiliseraient les réserves internationales, qui couvrent actuellement à peine trois mois d’importations. Et une conversion trop brutale des portefeuilles bancaires du dollar vers le franc congolais pourrait accroître le risque de défauts de paiement.
Dans les prochains mois, trois indicateurs seront déterminants pour juger de la crédibilité de cette stratégie : l’écart entre le taux officiel et le taux parallèle, l’appétit du marché pour les instruments en franc congolais, et l’évolution de l’usage effectif du FC dans les paiements électroniques et mobiles. Si ces signaux passent au vert, l’économie congolaise commencera à se réapproprier sa monnaie.
En plaçant la dédollarisation au centre de son mandat et en l’affirmant dès ses premiers entretiens internationaux, André Wameso a donné le ton. La tâche est immense et semée de risques, mais la feuille de route est claire : stabiliser, créer de la valeur pour le franc congolais et en faciliter l’usage. Si l’exécution suit, il pourrait ouvrir une nouvelle ère de souveraineté monétaire pour la RDC.
Georges Auréole Bamba
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Porté par le groupe Texaf, Silikin Village est devenu, en cinq ans, un acteur clé de l’écosystème entrepreneurial à Kinshasa, avec ses 9 500 m² d’espaces de travail équipés et connectés. Dans cet entretien, sa directrice exécutive en charge des programmes d’innovation revient sur la vision stratégique du projet, les dispositifs d’accompagnement, les enjeux d’accessibilité et les ambitions régionales de ce hub congolais de l’innovation.
Bankable : Silikin Village se présente comme un hub d’entrepreneuriat et d’innovation. Très concrètement, quels types d’accompagnement proposez-vous aux start-up et aux porteurs de projets ?
Cécilia Bituka : Silikin Village propose un accompagnement complet et structuré, visant à répondre aux besoins des entrepreneurs à différents stades de développement. Initialement, notre focus était sur les projets en phase d’idéation et de structuration. Aujourd’hui, nous avons élargi notre approche pour accompagner des entrepreneurs plus matures, qui souhaitent renforcer leur présence sur le marché et accéder à des solutions de financement adaptées à leurs besoins spécifiques.
Un exemple concret de cet accompagnement est le programme Grandir & Faire Grandir, un programme d’accélération hybride, alliant les modèles de start-up studio et d’accélérateur. Il est spécifiquement destiné aux entrepreneurs dans le domaine de la tech, et se concentre sur cinq secteurs clés : fintech, agritech, cleantech, edtech et healthtech. La première cohorte, composée de cinq entrepreneurs, bénéficiera de ce programme sur une période de neuf mois, avec l’objectif de favoriser la croissance du marché et la préparation à l’investissement.
Depuis ses débuts, Silikin Village a bénéficié du soutien de bailleurs de fonds publics et privés, ce qui a permis de mettre en place des espaces modernes, connectés et propices à l’innovation pour les plus de 300 porteurs de projets et entrepreneurs accompagnés depuis 5 ans.
Par ailleurs, en tant que structure d’accompagnement à l’entrepreneuriat et à l’innovation (SAEI), Silikin Village ne se limite pas à l’accompagnement des start-up. Nous proposons également des services de conseil en innovation destinés aux grandes entreprises qui souhaitent réinventer leur approche de la recherche et du développement (R&D) et participer activement à la création d’un écosystème innovant dans leur domaine.
Ce double engagement permet à Silikin Village de se positionner comme un véritable catalyseur d’innovation, en co-créant des solutions durables et en dynamisant l’écosystème entrepreneurial de Kinshasa.
Bankable : À ce jour, combien avez-vous investi dans cet accompagnement, et quels résultats concrets avez-vous obtenus ?
CB : Silikin Village a été fondé en 2020 grâce à la vision d’un groupe privé, le groupe Texaf, qui a dès le départ opté pour une approche de co-construction. Leur premier investissement majeur a été la réhabilitation de la concession Cotex, couvrant près de 3,2 hectares, dont une partie a été dédiée à l’accueil des acteurs de l’écosystème entrepreneurial.
Depuis ses débuts, Silikin Village a bénéficié du soutien de bailleurs de fonds publics et privés, ce qui a permis de mettre en place des espaces modernes, connectés et propices à l’innovation pour les plus de 300 porteurs de projets et entrepreneurs accompagnés depuis 5 ans.
Bankable : À l’issue du premier trimestre 2025, les revenus locatifs de Texaf se sont établis à 7,7 millions d’euros, en hausse de 29 % sur un an, notamment grâce à l’ouverture de la phase III de Silikin Village.Au-delà de l’impact économique, Silikin est-il aussi un investissement rentable pour le groupe ?
CB : Texaf Digital, à travers Silikin Village, est rentable (depuis 2025), certes à un niveau encore modeste par rapport à d'autres activités historiques du groupe comme Carrigres ou Utexafrica, qui continuent de générer l’essentiel de nos résultats financiers. Cela dit, il ne faut pas évaluer Silikin uniquement sous l’angle de la rentabilité immédiate.
Silikin Village représente avant tout un investissement stratégique sur le long terme. Il incarne notre vision d’un développement économique durable et inclusif, centré sur l’innovation et l’entrepreneuriat local. La croissance régulière de ses revenus — portée notamment par l’ouverture de la phase III — confirme qu’il existe une demande croissante pour ce type d’infrastructure haut de gamme à Kinshasa. Nous sommes donc confiants dans sa montée en puissance, tant en termes d’impact que de viabilité financière.
Bankable : Certains porteurs de projets jugent vos espaces de coworking peu accessibles. Comment conciliez-vous la promotion de l’innovation avec les exigences de rentabilité ?
CB : Il s’agit là d’une préoccupation tout à fait légitime, surtout dans un contexte où de nombreux entrepreneurs lancent leur activité avec des ressources limitées. C’est précisément pour répondre à cette réalité que nous avons conçu, chez Silikin Village, une offre flexible et évolutive, capable de s’adapter à la diversité des besoins au sein de notre écosystème.
Nous proposons trois formats d’espaces de travail, pensés pour accompagner chaque étape du parcours entrepreneurial : un espace de coworking ouvert, accessible à 150 dollars TTC par mois, entièrement équipé (mobilier haut de gamme, climatisation, internet haut débit, services de nettoyage, imprimante, sécurité), idéal pour les indépendants ou les petites équipes à la recherche d’un cadre dynamique et collaboratif ; des espaces cloisonnés, offrant un environnement plus calme pour les professionnels souhaitant plus de concentration, tout en restant connectés à la communauté ; ainsi que des bureaux privés, conçus pour les start-up en phase de croissance ou les structures nécessitant confidentialité et stabilité.
Bien entendu, la rentabilité reste une condition incontournable à la pérennité de notre initiative. Mais elle n’est en aucun cas contradictoire avec notre mission : créer un espace inclusif, durable, au service de l’innovation, et qui accompagne concrètement les entrepreneurs congolais et internationaux dans leur développement.
Afin de lever les freins à l’accès, nous avons également mis en place une offre découverte à 10 dollars par jour. Elle permet aux freelances, curieux ou porteurs de projet de tester l’expérience Silikin Village sans engagement, dans une logique d’ouverture et de démocratisation.
Au-delà de l’espace physique, c’est surtout l’accès à une véritable communauté d’entrepreneurs, de mentors, d’experts et d’innovateurs qui fait la force de notre écosystème. Ce capital relationnel, souvent décisif dans les premiers pas d’un projet, constitue l’un des piliers de notre accompagnement.
Bien entendu, la rentabilité reste une condition incontournable à la pérennité de notre initiative. Mais elle n’est en aucun cas contradictoire avec notre mission : créer un espace inclusif, durable, au service de l’innovation, et qui accompagne concrètement les entrepreneurs congolais et internationaux dans leur développement.
Bankable : Il était question de porter la superficie de Silikin Village à près de 9 000 m² d’espaces de travail d’ici fin 2024. Où en êtes-vous dans la réalisation de cet objectif ?
CB : Cet objectif a non seulement été atteint, mais même dépassé ! En 2020, nous avons démarré avec un campus de 700 m², et aujourd’hui, Silikin Village propose 9 500 m² d’espaces de travail connectés et bien équipés.
Ce développement a permis d’accueillir plus de 193 PME et start-up et 840 membres actifs dans notre écosystème, qui bénéficient quotidiennement de nos infrastructures modernes. Cette expansion a été rendue possible grâce à une planification stratégique solide et à la collaboration avec nos partenaires locaux et internationaux.
Bankable : Silikin Village a accompagné les discussions autour du Startup Act et de la création de zones économiques dédiées à l’innovation. Lors du Conseil des ministres du 23 mai 2025, le gouvernement a adopté quatre projets de décrets précisant les modalités d’application de cette ordonnance-loi relative à la promotion de l’entrepreneuriat et des start-up. Que changent concrètement ces nouveaux textes pour votre dynamique actuelle, et quel rôle pensez-vous pouvoir jouer dans leur mise en œuvre ?
CB : Les décrets du Startup Act apportent un cadre juridique structuré et favorable à l’innovation et à l’entrepreneuriat. Ils ouvrent de nouvelles perspectives pour les start-up et renforcent les initiatives privées comme la nôtre.
Silikin Village, en tant qu’acteur clé de cet écosystème, joue un rôle central dans la mise en œuvre de ces textes. Nous jouons un rôle de facilitateur, de formateur et de porte-parole, appuyé par notre implication au sein du Collectif du secteur privé pour l’application du Startup Act (COSEP).
Nous souhaitons positionner Silikin Village non seulement comme un pôle d’excellence en matière d’innovation entrepreneuriale en RDC, mais également comme un acteur clé dans la sous-région de l’Afrique centrale.
Nous sommes particulièrement bien positionnés pour accompagner les start-up en maximisant les opportunités offertes par ce cadre législatif. Cela passe par des actions concrètes de sensibilisation, de formation et de soutien direct aux entrepreneurs, pour garantir leur succès et favoriser l’essor de l’entrepreneuriat en RDC.
Bankable : Quelles sont vos ambitions futures en matière de promotion de l’entrepreneuriat et de l’innovation ? Et quels projets concrets soutiennent ces ambitions ?
CB : Nous souhaitons positionner Silikin Village non seulement comme un pôle d’excellence en matière d’innovation entrepreneuriale en RDC, mais également comme un acteur clé dans la sous-région de l’Afrique centrale. Notre ambition est de créer un écosystème dynamique où start-up, grandes entreprises et acteurs publics collaborent de manière étroite pour stimuler l’innovation et encourager un développement durable.
Nos projets futurs incluent : l’expansion de nos offres d’accompagnement pour les entrepreneurs locaux, à travers des programmes tels que Grandir & Faire Grandir, afin de soutenir encore davantage de start-up dans leur parcours de croissance et leur accès à l’investissement ; le lancement du programme Scaling Up in DRC, un projet stratégique visant à favoriser la maturité de l’écosystème entrepreneurial en attirant et en accompagnant l’installation de scale-ups, à la fois africaines et internationales, en RDC ; le renforcement de notre collaboration avec les institutions publiques et privées pour créer un cadre propice à l’innovation, en particulier à travers l’établissement de zones économiques dédiées à l’innovation, et en facilitant les synergies entre les différents acteurs du secteur ; ainsi que la production de données clés sur notre écosystème, afin de mieux comprendre ses réalités et ses défis. Ces données seront utilisées pour démystifier la complexité de notre écosystème et encourager davantage l’investissement ainsi que les opportunités de développement.
Ces initiatives soutiennent notre ambition de bâtir un écosystème entrepreneurial solide et durable, capable de répondre aux défis de l’innovation à long terme et de jouer un rôle majeur dans l’émergence de la RDC et de l’Afrique centrale comme des hubs d’innovation en Afrique.
Interview réalisée par Aboudi Ottou
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La Rawbank a annoncé, dans un communiqué daté du 23 juillet 2025, la nomination de Françoise Lungangi Kitundu en qualité d’administratrice indépendante, avec l’aval de la Banque Centrale du Congo (BCC). Elle prend également la présidence du Comité d’audit de la banque et siège désormais au Comité de rémunération. Cette nomination vise à renforcer les organes de contrôle et de gouvernance de la première banque du pays.
À son nouveau poste, Mme Lungangi Kitundu assistera le Conseil d’administration dans sa mission de surveillance. Elle aura notamment pour responsabilité d’évaluer la qualité du dispositif de contrôle interne, de piloter l’audit interne, de suivre l’élaboration de l’information financière, de veiller au contrôle légal des comptes annuels et d’examiner l’indépendance des commissaires aux comptes.
Ces fonctions prennent une dimension stratégique dans un environnement réglementaire renforcé. En effet, la loi bancaire de 2022, en ses articles 170 et 174, prévoit des sanctions sévères en cas de manquements, notamment en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme ou la prolifération des armes de destruction massive. Les administrateurs peuvent encourir des amendes de 500 millions à 2 milliards de francs congolais (soit entre 175 000 et 700 000 dollars), ainsi qu'une peine de prison pouvant aller jusqu’à un an.
La RDC figure, depuis octobre 2022, sur la liste grise du GAFI (Groupe d’action financière). Et le pays est engagé à renforcer la transparence et la conformité de son système financier avec pour objectif de sortir de cette liste cette année. Dans ce contexte, le renforcement de la gouvernance des institutions financières est un enjeu majeur. La nomination d’une administratrice indépendante à la tête du Comité d’audit de Rawbank s’inscrit dans cet effort de conformité et de crédibilisation du système financier national.
« Profil d’exception »
Titulaire d’une licence en sciences commerciales et financières, option gestion financière – comptabilité, obtenue à l’Institut supérieur de commerce de Kinshasa (aujourd’hui Haute École de Commerce), Mme Lungangi Kitundu est reconnue pour son expertise en audit, certification légale des comptes et conseil financier. Sa désignation répond aux exigences de compétence et d’indépendance fixées par la BCC pour les membres de Comités d’audit.
Expert-comptable agréée, elle est associée gérante du cabinet DRC Expertises, membre de l’Ordre national des experts-comptables (ONEC/RDC) et de l’Institut des réviseurs-comptables (IRC/RDC). Elle a aussi exercé des fonctions de responsabilité chez GPO Partners, cabinet international spécialisé dans l’audit, la fiscalité et le conseil.
La présidente du Conseil d’administration de Rawbank, Isabelle Lessedjina, a salué cette nomination, qualifiant Mme Lungangi Kitundu de « profil d’exception ». « Son parcours l’a conduite à accompagner des entreprises privées, des institutions publiques et des projets internationaux, intervenant dans des secteurs structurants tels que la finance, les ressources naturelles, la santé ou le développement économique », souligne la banque dans son communiqué.
Timothée Manoke, stagiaire
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