La première édition du Digital Africa Summit, tenue le 18 septembre 2025 à Kinshasa, a servi de plateforme de plaidoyer aux sociétés de téléphonie mobile pour des réformes fiscales et réglementaires. Ce plaidoyer s’est appuyé sur un rapport intitulé « Stimuler la croissance économique par la transformation numérique en RDC », publié pour l’occasion par le Global System for Mobile Communications (GSMA), l’organisation mondiale qui réunit les acteurs de l’écosystème de la téléphonie mobile.
Selon ce document, présenté par la directrice Afrique du GSMA, Angela Wamelo, ces réformes pourraient permettre à la République démocratique du Congo (RDC) de générer 9 800 milliards de francs congolais (FC) de contribution supplémentaire au PIB et de connecter 9,7 millions d’utilisateurs uniques supplémentaires à l’internet mobile d’ici 2029. Plus de 8 600 milliards FC de valeur économique pourraient aussi être libérés dans les secteurs des mines, de l’agriculture et des services publics grâce à l’adoption des technologies mobiles.
« La République démocratique du Congo a l’opportunité de sauter les étapes vers une économie portée par le numérique. Mais pour concrétiser pleinement ce potentiel, les réformes de la fiscalité, de la gestion du spectre et des infrastructures énergétiques doivent être une priorité », a précisé Angela Wamelo. « Nous cherchons à réguler ce secteur en RDC pour le rendre plus transparent et attirer les investisseurs », a-t-elle ajouté.
Dans un autre rapport publié en juin 2025, intitulé « Fiscalité du secteur mobile : charge fiscale comparative en RDC », le GSMA souligne que les opérateurs mobiles évoluent dans un environnement fiscal complexe, susceptible de compromettre la pérennité de leurs investissements. Selon ce document, ces acteurs paient en moyenne 91 % de leurs bénéfices en impôts, contre 71 % pour les entreprises minières et 34 % pour les banques de détail. Cette pression fiscale résulterait de multiples taxes spécifiques, souvent calculées sur le chiffre d'affaires, ce qui pénaliserait les investissements et l’extension des services.
« Diagnostic clair »
Le GSMA recommande que la simplification et l’harmonisation de la fiscalité deviennent une priorité. Il suggère la modernisation des cadres fiscaux à travers la rationalisation et la simplification des impôts sectoriels, afin de réduire les prix à la consommation et d’encourager l’investissement. Le rapport préconise également un cadre national collaboratif, la coordination des politiques énergétiques et numériques, l’élargissement de l’accès au spectre, la réforme des licences, le développement des compétences via des partenariats public-privé, et l’intégration des plateformes mobiles aux services d’éducation, de santé et gouvernementaux.
En RDC, l’exécutif, confronté à d’importants besoins de financement, estime que les opérateurs de téléphonie mobile doivent payer leur « juste part » d’impôts. Certains responsables ont publiquement mis en doute la contribution fiscale des multinationales du secteur, soulignant par exemple que certains opérateurs n’ont jamais déclaré de bénéfices imposables dans le pays depuis près de vingt ans, ce qui alimente les soupçons d’optimisation fiscale.
Malgré ces réserves, le ministre de l’Économie numérique, Augustin Kibassa Maliba, a salué le rapport du GSMA, le qualifiant de « diagnostic clair » des avancées et défis du secteur. Il a souligné qu’il constitue un outil précieux pour orienter les politiques publiques et un catalyseur de dialogue entre l’État, le secteur privé et les partenaires internationaux. « Nous avons la responsabilité de transformer les recommandations de ce rapport en actions concrètes, car c’est à travers elles que nous pourrons bâtir une véritable économie numérique », a-t-il déclaré.
Selon le rapport du GSMA, la contribution du secteur mobile au PIB de la RDC a été estimée à 63–64 milliards de dollars en 2022 et à 66 milliards en 2023.
Ronsard Luabeya
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