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RDC : vitrine des ambitions africaines du Camerounais Albert Zeufack

RDC : vitrine des ambitions africaines du Camerounais Albert Zeufack

Depuis plusieurs mois, Albert Zeufack est présenté comme le joker de Yaoundé dans la course au poste de président de la Banque africaine de développement. Jusqu’ici, l’intéressé n’avait pas publiquement réagi. Il se prononce pour la première fois dans ce portrait que lui consacre Bankable.

C’est désormais un secret de Polichinelle ! Albert Zeufack souhaite briguer le poste de président de la Banque africaine de développement (BAD). En milieu d’année, le directeur pays de la Banque mondiale pour l’Angola, le Burundi, la République Démocratique du Congo (RDC) et Sao Tomé-et-Principe s’en est ouvert à l’ambassadeur du Cameroun en RDC, Martin Chungong Ayafor. Un dossier a été préparé et envoyé à Yaoundé. Cependant, à quelques semaines de la clôture des candidatures, le sommet de l’État reste aphone.

L’économiste camerounais demeure néanmoins optimiste : « Je continue de croire que les autorités vont réserver une suite favorable à mon dossier pour donner plus de chances à l’Afrique centrale… », lâche-t-il sur notre insistance. Cette sous-région n’ayant jamais présidé aux destinées de cette institution financière, plusieurs analystes estiment que le poste devrait cette fois revenir à un candidat issu d’un pays membre de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Mais rien n’est gagné. Pour se donner des chances de succéder au Nigérian Akinwumi Adesina, dont le mandat arrive à son terme le 31 août 2025, l’Afrique centrale doit proposer un profil capable de convaincre les 82 actionnaires de la BAD, dont 28 pays non africains.

Dans ces conditions, « M. Zeufack apparaît comme une alternative capable de mieux préserver les intérêts de l’Afrique centrale », estiment plusieurs officiels au Cameroun et même dans la sous-région.

Le 9 mars 2024, la CEEAC a adoubé Mahamat Abbas Tolli comme le « candidat unique de l’Afrique centrale ». Ce 13 décembre 2024, le Tchad a d’ailleurs officiellement déposé la candidature de l’ex-gouverneur de la Banque des États de l’Afrique centrale (Beac). Mais si l’on en croit une correspondance du ministre délégué aux Relations extérieures du Cameroun, Félix Mbayu, datée du 17 juillet 2024 ayant fuité dans la presse, le Tchadien « n’aurait pas bonne presse auprès des États membres de l’Union africaine (UA) », qui représentent 61 % des voix.

Selon ce courrier, ces États reprocheraient à Mahamat Abbas Tolli « des erreurs de gestion lors de son passage à la BEAC, notamment le tribalisme, le népotisme et le non-respect des procédures ayant conduit au scandale des recrutements en 2022 ». Pour la diplomatie camerounaise, le fait qu’un Tchadien soit depuis 2017 à la tête de la Commission de l’UA pourrait également être contre-productif et faire perdre à l’Afrique centrale l’opportunité d’occuper le poste de président de la BAD.

RDC comme laboratoire

Dans ces conditions, « M. Zeufack apparaît comme une alternative capable de mieux préserver les intérêts de l’Afrique centrale », estiment plusieurs officiels au Cameroun et même dans la sous-région. En comparant son parcours à celui des personnalités qui se sont succédé à la tête de la BAD, la seule différence notable est que le Camerounais n’a pas encore occupé de fonction ministérielle dans son pays. Une différence que ce dernier perçoit comme un atout. « Et si le conseil d’administration cherchait un candidat non conventionnel pour réformer l’institution ? Je serai le candidat idéal… », répond-il.

« Avec sa longue carrière internationale dans le développement économique et une expérience de premier plan acquise chez les dragons asiatiques, comme la Malaisie, Albert a acquis les compétences pour apporter des solutions concrètes aux défis auxquels est confronté le continent », estime un proche. Pour ce dernier, cette expérience est déterminante pour conduire la stratégie décennale (2024–2033) de la BAD, qui vise l’accélération de la croissance verte et inclusive ainsi que la promotion d’économies prospères et résilientes sur le continent.

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L’ancien étudiant de l’Université de Yaoundé a passé à ce jour plus de 30 ans dans le développement économique. Déjà consultant à la Banque mondiale entre 1993 et 1994, il a rejoint cette institution financière en 1997 comme économiste au sein de la division macroéconomie du département recherche, après un concours très sélectif. En 2016, il devient le premier Africain à occuper le poste d’économiste en chef pour la région Afrique. En 2022, le Camerounais est nommé directeur pays pour l’Angola, le Burundi, la RDC et Sao Tomé-et-Principe en 2022. Entre 2008 et 2012, il s’est mis en disponibilité pour travailler pour le fonds souverain malaisien Khazanah Nasional Berhad, en tant qu’économiste en chef et directeur de la recherche et de la stratégie.

Durant cette longue carrière, le Camerounais affirme avoir activement travaillé pour le développement du continent. L’économiste revendique notamment avoir contribué à changer le discours sur l’industrialisation de l’Afrique à travers ses nombreuses publications et sa position de stratégiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique ; avoir obtenu le financement par la Banque mondiale du projet de décentralisation du Kenya, avoir participé au programme de développement de la compétitivité du Maroc en réalisant la première grande enquête du pays sur la compétitivité, ou encore avoir contribué à l’élaboration de la vision 2030 de la Côte d’Ivoire. On lui doit aussi l’arrivée sur le continent du fonds souverain malaisien…

« La RDC ressemble à un laboratoire de ce que je pourrais faire à l’échelle de l’Afrique. (…) La RDC combine toutes les difficultés que connaissent les pays d’Afrique. Faire des projets en RDC nous prépare à en faire partout en Afrique », explique-t-il.

Le fonctionnaire international a également constitué un important carnet d’adresses sur et hors du continent, ce qui pourrait faciliter son action au sein de la BAD. En plus d’avoir créé un réseau de conseillers économiques au sein des exécutifs africains, qui s’étend sur 42 pays, il est membre du réseau de l’ONU pour le développement durable, du Comité technique consultatif pour la Charte des ressources naturelles (Oxford), du Conseil consultatif de l’Institut pour la gouvernance des ressources naturelles (NRGI) et du Conseil d’administration du Consortium pour la recherche économique en Afrique (AERC).

Mais pour mieux apprécier ce qu’il est capable de faire à l’échelle continentale, M. Zeufack invite à se rendre dans le pays de Lumumba, qui s’étend sur plus de deux millions de kilomètres carrés et compte plus de 100 millions d’habitants. « La RDC ressemble à un laboratoire de ce que je pourrais faire à l’échelle de l’Afrique. (…) La RDC combine toutes les difficultés que connaissent les pays d’Afrique. Faire des projets en RDC nous prépare à en faire partout en Afrique », explique-t-il.

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Avec son arrivée à la tête des opérations en juillet 2022, le portefeuille de la Banque mondiale dans le pays a quasiment doublé, passant de 5,2 milliards de dollars en 2021 à 8,3 milliards de dollars à mi-2024. Convaincu que « bâtir des infrastructures modernes de connectivité est la clé pour l’industrialisation », l’économiste camerounais a poussé plusieurs projets touchant aux infrastructures numériques, énergétiques, d’adduction d’eau et de transport. Grâce à ceux-ci, plus de trois millions de Kinois ont pu avoir accès à l’eau potable, deux millions de connexions améliorées à l’électricité ont vu le jour et les travaux de l’autoroute Mbuji-Mayi-Kabinda-Bukavu ont été lancés grâce à un financement de la Banque mondiale de 1,5 milliard de dollars…

Par ailleurs, après un gel de plus de 15 ans, les appuis budgétaires de la Banque mondiale ont repris en 2022 avec une première enveloppe de 250 millions de dollars et devraient totaliser 2,25 milliards de dollars d’ici 2026. « Nous avons obtenu que le premier appui budgétaire, qui était de 250 millions de dollars en 2022, passe à 500 millions l’année suivante et que ce montant soit reconduit chaque année jusqu’en 2026. Vous savez que pour bénéficier des appuis budgétaires, il faut remplir des critères précis. Donc, mener ce plaidoyer n’a pas été du tout facile », explique le directeur pays de la Banque mondiale pour la RDC. Ces fonds permettent de soutenir des réformes en vue d’améliorer la gouvernance et le climat des affaires afin d’accroître les investissements du secteur privé dans le pays.

« Monsieur Inga »

À la Banque mondiale ou en RDC, Albert Zeufack est surtout devenu « Monsieur Inga », du nom du gigantesque projet qui vise à construire, sur le fleuve Congo, en plusieurs étapes, une centrale électrique d’une capacité totale de plus de 40 GW. C’est que le Camerounais est reconnu comme l’artisan du retour de l’institution de Bretton Woods, qui s’était désengagée d’Inga III (troisième phase du projet, après Inga I et II, prévu pour avoir une capacité installée d’au moins 3 GW) en 2016 à la suite de divergences avec les dirigeants congolais de l’époque.

Aujourd’hui, plus de 50 employés de tout le groupe de la Banque mondiale travaillent au quotidien sur le projet. L’institution financière a également fait une provision pour financer de nouvelles études techniques, les anciennes datant déjà de plus d’une dizaine d’années. Un programme d’un milliard de dollars sur 10 ans devrait aussi être soumis au conseil d’administration de la banque dans la première moitié de 2025. Ce programme vise à préparer le pays au projet. Il s’agira notamment de renforcer les compétences des populations du Kongo-Central pour qu’elles soient en capacité de profiter des emplois que le projet va générer ; de construire des infrastructures de base pour préparer la province à accueillir le flux de personnes que le projet va drainer.

« Là où le projet a longtemps été perçu uniquement comme une solution aux besoins énergétiques d’une grande partie du continent, la nouvelle vision, inspirée par l’actuel directeur pays de la Banque mondiale, est plutôt d’en faire d’abord un moteur de développement pour le pays », explique Landry Djimpé, consultant à la Banque mondiale pour le projet Inga III.

En fait, Albert Zeufack a en plus réussi à convaincre ses patrons et les autorités locales de réorienter le projet. « Là où le projet a longtemps été perçu uniquement comme une solution aux besoins énergétiques d’une grande partie du continent, la nouvelle vision, inspirée par l’actuel directeur pays de la Banque mondiale, est plutôt d’en faire d’abord un moteur de développement pour le pays », explique Landry Djimpé, consultant à la Banque mondiale pour le projet Inga III. Il faudra dont commencer par donner de l’électricité aux 80 millions de Congolais qui en sont privés aujourd’hui, soutenir la transformation économique de la RDC, avant de penser aux exportations vers la sous-région et l’Afrique.

Mais comme le rappelle M. Zeufack lui-même, le chemin vers le lancement des travaux de construction de la centrale hydroélectrique est encore long : il faut réaliser les études, choisir entre plusieurs options en fonction du coût et de la demande en électricité, mobiliser les financements… Une arrivée de l’économiste camerounais à la tête de la BAD devrait donc aussi permettre à cette institution financière d’avoir un rôle de premier plan dans Inga III, comme elle l’a souvent manifesté.

Aboudi Ottou

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