À l’occasion de la Journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, Albert Zeufack, directeur des opérations de la Banque mondiale pour la République démocratique du Congo (RDC), le Burundi, l’Angola et Sao Tomé-et-Principe, appelle à une action concertée pour placer la création d’emplois de qualité au rang de priorité nationale en RDC. Fort de plus de trente ans d’expérience dans le développement économique, l’économiste camerounais estime que le pays doit impérativement relier croissance économique et inclusion sociale, faute de quoi la pauvreté continuera de résister aux efforts entrepris.
Il rappelle que, malgré une hausse du PIB par habitant de 17 % entre 2020 et 2024, la pauvreté n’a reculé que faiblement, passant de 85 % à 81,1 %. Cette évolution limitée s’explique par une croissance largement tirée par le secteur minier, peu créateur d’emplois. Les données de la Banque mondiale révèlent d’ailleurs une élasticité emploi-croissance négative (-1,46) sur la période. Conclusion : l’économie a progressé, mais l’emploi a reculé. Ce modèle capitalistique, selon lui, accentue les inégalités et fragilise la cohésion sociale.
Pour Albert Zeufack, la RDC doit engager une transformation structurelle en diversifiant les moteurs de croissance et en investissant dans des secteurs capables de générer des emplois décents et durables. Il met en avant la nécessité de réduire les coûts liés à l’environnement des affaires, d’améliorer les infrastructures et de renforcer la connectivité — routes, électricité, chemins de fer, numérique — tout en investissant massivement dans le capital humain et les compétences techniques.
Le portefeuille de projets soutenus par la Banque mondiale reflète déjà cette vision. Zeufack cite notamment le Programme de développement Inga 3 (PDI3), le corridor de Lobito et le corridor PACT reliant Mbuji-Mayi à l’est du pays, qui visent à associer le développement des infrastructures à la création d’emplois. Le PDI3, par exemple, ne se limite pas à la construction d’un barrage hydroélectrique : il vise à créer un environnement favorable à la production et à la distribution d’énergie, levier essentiel pour l’industrialisation.
Concernant le corridor de Lobito, il y voit un instrument de diversification économique. En reliant les zones minières du Katanga à la côte atlantique, ce projet devrait stimuler l’émergence de zones économiques spéciales, favoriser le développement des villes secondaires et renforcer les chaînes de valeur agricoles. Selon lui, il s’agit d’une rupture nécessaire avec une économie centrée sur l’extraction et peu inclusive.
Albert Zeufack conclut en soulignant que la performance économique de la RDC ne doit plus être évaluée uniquement à travers le PIB, mais surtout à travers sa capacité à créer des emplois de qualité et à réduire la pauvreté. Reconnecter la croissance à l’emploi et au bien-être social doit devenir le cœur du modèle de développement congolais. À ce prix, dit-il, la RDC pourra transformer son potentiel économique en prospérité partagée et relever le défi démographique qui l’attend d’ici 2050.
Boaz Kabeya
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