Par une ordonnance signée le 28 mai 2025, le président de la République, Félix Tshisekedi, a pris une série de mesures conservatoires visant à encadrer la gestion foncière dans les zones placées sous état de siège et sous occupation armée à l’est de la République démocratique du Congo (RDC).
Selon l’article 3 de cette ordonnance, « tous les actes tendant à attribuer ou à affecter des terres dans les zones sous occupation » sont interdits. Cette disposition concerne notamment les villes de Goma et Bukavu, capitales des provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, respectivement, passées sous le contrôle du M23 et de ses alliés au début de l’année.
L’article 2 introduit également des restrictions dans la gestion foncière dans les provinces sous état de siège, à savoir le Nord-Kivu et l’Ituri. Cet état d’exception, instauré depuis le 3 mai 2021 pour lutter contre l’insécurité dans l’est du pays, a été prorogé pour la 99 ᵉ fois début juin 2025, pour une durée de 15 jours supplémentaires. Bien que le Sud-Kivu soit également confronté à des tensions sécuritaires, cette province n’est pas officiellement placée sous état de siège.
Dans les zones concernées, les conservateurs des titres immobiliers et les chefs de division du cadastre ne peuvent accorder de concessions dépassant 0,5 hectare. Les mutations foncières portant sur des concessions de plus grande superficie sont suspendues, tout comme la création de lotissements et le morcellement de terres. Le paiement des redevances foncières annuelles est également gelé pour une durée indéterminée.
Au niveau provincial, les gouverneurs sont tenus de limiter à 5 hectares la superficie maximale pouvant être accordée aux tiers. La création de lotissements au-delà de cette superficie est interdite, tout comme la désaffectation d’espaces fonciers relevant du domaine public de l’État.
Par cette ordonnance, l’État cherche à protéger les terres des populations déplacées et à prévenir les conflits fonciers en vue de leur retour dans des conditions sécurisées. Les autorités rappellent que de nombreux litiges fonciers sont nés par le passé à la suite des guerres d’agression et d’occupation, qui ont favorisé l’accaparement illégal des terres au détriment des habitants.
Selon une étude du Groupe de recherche et d’échanges technologiques (GRET) sur la problématique foncière au Nord-Kivu, la pression démographique, le manque de terres disponibles et l’absence d’un secteur secondaire dynamique contribuent à l’intensification des conflits. L’absence de politique claire de sécurisation foncière aggrave ces tensions. Dans cette région historiquement marquée par l’instabilité, la terre demeure une ressource essentielle, aussi bien sur le plan économique que politique, au cœur des rivalités exacerbées par la surpopulation et les migrations constantes.
Ronsard Luabeya, stagiaire
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