La situation sécuritaire à l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) s’est aggravée cette semaine, poussant le pays à demander, ce 24 janvier 2025, la tenue d’une session publique d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.
De plus, le président de la République, Félix-Antoine Tshisekedi, a interrompu son séjour à Davos, en Suisse, et a regagné Kinshasa le 23 janvier. Depuis, il a tenu plusieurs réunions de crise à la Cité de l’Union africaine. La première, organisée le soir même, a duré trois heures et a réuni la Première ministre, Judith Suminwa Tuluka, ainsi que les vices-Premiers ministres en charge de l’Intérieur et de la Défense, Jacquemain Shabani Lukoo et Guy Kabombo Muadiamvita. Cette réunion a été suivie, le lendemain, d’un Conseil supérieur de la défense et d’un Conseil des ministres. À l’ordre du jour : « l’évaluation de la situation sécuritaire et humanitaire dans le Nord-Kivu, particulièrement autour de la ville de Goma ».
À l’issue du Conseil de sécurité, le porte-parole de l’armée congolaise, le général-major Sylvain Ekenge, a annoncé le décès du général-major Peter Cirimwami, gouverneur militaire de la province du Nord-Kivu. Ce dernier « est tombé l’arme à la main au champ d’honneur », a-t-il déclaré. Le 23 janvier, alors que le M23 lançait une offensive sur Saké, à 20 km à l’ouest de Goma, le gouverneur s’était rendu au front.
« Le commandant suprême a donné des instructions fermes pour que l’agresseur soit traqué jusque dans son dernier retranchement, qu’il soit repoussé loin de Goma et poursuivi jusqu’à la récupération de l’ensemble du territoire national qu’il occupe », a ajouté le général-major Sylvain Ekenge. La mise en œuvre de cette instruction entraînera des dépenses exceptionnelles en matière de sécurité, illustrant ainsi l’impact du conflit sur l’exécution du budget.
Dans la loi de finances 2025, la persistance de la guerre dans la partie est du pays, qui dure depuis plus de 20 ans, a en effet été identifiée comme « l’un des risques majeurs pesant sur les finances publiques ». En d’autres termes, pour les autorités, ce conflit pourrait compromettre l’équilibre budgétaire, limiter la capacité à financer les politiques publiques et menacer la stabilité économique.
Dépenses exceptionnelles de sécurité
Pour comprendre, il faut savoir qu’en 2023, les dépenses exceptionnelles de sécurité se sont élevées à 1,4 milliard de dollars, soit environ 2,2 % du PIB et 11,5 % du budget global de l’État, selon un rapport du Fonds monétaire international (FMI). De plus, depuis la proclamation de l’état de siège, le 6 mai 2021, dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, les taux d’exécution des dépenses exceptionnelles et d’interventions liées aux opérations sécuritaires dépassent largement les 100 %, selon un document annexé à la loi de finances 2025. Ces taux sont passés respectivement de 50 % et 254,7 % en 2020 à 336 % et 411,2 % en 2021, atteignant même 508 % et 2001,9 % en 2022. Cette situation réduit les autres dépenses, notamment celles consacrées aux investissements.
Par ailleurs, en perturbant l’activité économique, le conflit à l’est de la RDC entrave également la mobilisation des recettes fiscales. Les autorités citent notamment le cas du territoire de Rutshuru (Nord-Kivu), régulièrement occupé par les rebelles du M23. Les revenus collectés par son centre d’impôt synthétique, chargé de percevoir l’impôt des entreprises réalisant un chiffre d’affaires inférieur à 80 millions de francs congolais (FC), ont chuté, passant de 85,8 millions de FC en 2020 à seulement 11 millions de FC en 2023, selon un document annexé à la loi de finances 2025. « L’inaccessibilité des antennes fiscales d’Ituri, Djugu et Mambasa, due aux attaques répétées de groupes armés et de milices, a engendré un manque à gagner de près de 10,3 millions de FC en 2023 », ajoute le même document.
Pierre Mukoko