Des agents et cadres de la Société nationale d’électricité (SNEL) ont organisé, le 9 septembre 2025, une manifestation dans l’enceinte de l’entreprise publique à Kinshasa. Ils s’opposent au projet de démembrement de la société présenté par le conseil d’administration. Selon le président de la délégation syndicale, Samuel Kaya, le plan prévoit la création de trois entités distinctes : SNEL Production, SNEL Transport et SNEL Commerciale.
D’après les informations rapportées par l’Agence congolaise de presse (ACP), « les manifestants ont demandé aux membres du conseil d’administration de poursuivre plutôt les efforts de redressement en cours, au lieu d’initier des projets qui ont conduit d’autres entreprises à la disparition ».
Le démembrement de la SNEL figure pourtant dans la liste des réformes que le gouvernement s’est engagé à mettre en œuvre dans le cadre du Compact énergétique. Cette feuille de route vise à porter le taux d’accès à l’électricité de 21 % à plus de 60 % d’ici 2030 et à permettre à la société de recouvrer 100 % de ses coûts opérationnels d’ici 2029, afin de retrouver l’équilibre financier.
Selon le Compact énergétique, le projet repose sur une « séparation interne par métier de la SNEL ». Concrètement, il s’agit de scinder les actifs, les comptes, le personnel et la gestion entre les différents segments de la chaîne de valeur : production, transport, distribution et vente au détail.
Grand Inga
La Banque mondiale, qui soutient cette réforme, estime que ce découpage doit améliorer la transparence, permettre un suivi plus rigoureux des performances et identifier les défis propres à chaque fonction. L’objectif affiché est de transformer « la SNEL en une entreprise forte et durable », condition préalable à la mise en œuvre du programme Grand Inga.
L’institution souligne qu’il sera difficile pour la RDC de mobiliser les milliards de dollars nécessaires à la construction de ce barrage hydroélectrique — dont le potentiel est évalué à 42 000 MW — sans une SNEL assainie sur le plan financier. Car c’est cette société qui devra vendre l’électricité produite et garantir aux investisseurs la récupération de leurs fonds.
Dans ce contexte, la réforme de la SNEL fait partie des conditionnalités liées au décaissement de l’appui budgétaire de 600 millions de dollars accordé à la RDC par la Banque mondiale le 22 mai dernier, dont 165,4 millions doivent être décaissés cette année.
Pour cela, le gouvernement a déjà signé un contrat de performance avec la direction générale de la SNEL, le 2 octobre 2024, ainsi qu’un protocole d’accord, le 22 janvier 2025, pour régler les arriérés de factures d’électricité des institutions publiques et préciser les modalités de paiement régulier des factures courantes. La prochaine étape consistera à adopter, par décret, une feuille de route pour la réforme de la société. Ces mesures visent à porter le taux de recouvrement des factures de 55,9 % en 2023 à 75 % en 2026, et à réduire les pertes techniques et commerciales de 45,9 % à 40 % sur la même période.
Pierre Mukoko et Boaz Kabeya
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