La Société nationale d’électricité (SNEL) a manqué une opportunité de chiffre d’affaires d’environ 4 milliards de dollars dans le secteur minier sur les cinq dernières années, a révélé son directeur général, Fabrice Lusinde. Cette déclaration a été faite lors de la 10e édition du forum Makutano, qui s’achève ce 15 novembre 2024 à Kinshasa. Lusinde intervenait dans un panel axé sur le thème : « Déficit énergétique : et si les miniers apportaient la lumière ? ».
« Les clients miniers achètent de l’énergie à la SNEL pour environ 800 millions de dollars. Mais à côté de cela, ils importent d’Afrique australe pour 200 millions de dollars d’électricité et, selon nos calculs, ils dépensent également entre 500 et 600 millions de dollars pour des produits pétroliers afin de faire fonctionner leurs parcs thermiques (…). Au final, on se rend compte que les miniers ont dépensé environ 4 milliards de dollars sur les cinq dernières années », a déclaré le directeur général de la SNEL, dont les actifs représentent 63 % des participations publiques.
Les dépenses annuelles du secteur minier congolais pour pallier le déficit énergétique dépassent la moyenne annuelle du chiffre d’affaires de la SNEL sur la période 2019-2023, d’après des documents financiers consultés par Bankable Africa. Par exemple, de 2020 à 2022, le chiffre d’affaires moyen annuel de la SNEL s’est élevé à 762 millions de dollars.
Fabrice Lusinde a déploré la situation, soulignant que ces ressources auraient pu être investies dans le développement de l’hydroélectricité pour fournir une énergie verte au secteur minier. « Le minier a la corde au cou. Il veut produire, mais il sait que s’il se lance dans un projet hydroélectrique, cela prendra six, sept ans, voire cinq ans dans certains cas. Avec le diesel, c’est coûteux, mais il peut obtenir de l’énergie en six mois… », a expliqué Jean-Pierre Nzuru, directeur technique de Ivanhoe Mines Energy, la filiale d’Ivanhoe Mines dédiée aux questions énergétiques.
Déficit d’investissement
Jean-Pierre Nzuru a cependant précisé que les entreprises minières financent plusieurs projets de réhabilitation de parcs de production de la SNEL grâce à des prêts remboursés par la consommation de l’électricité produite par les nouvelles capacités rendues disponibles. Selon le directeur technique d’Ivanhoe Mines Energy, sa société a contribué à la réhabilitation d’environ 256 MW de puissance installée. « Pris dans leur ensemble, les miniers sont en train de réhabiliter une capacité d’environ 820 MW de puissance installée. Certains projets sont déjà achevés, d’autres encore en cours », a-t-il ajouté.
Créée en 1970, la SNEL continue de s’appuyer sur une infrastructure de production et de distribution vieillissante, ce qui empêche l’atteinte de ses capacités de production installées. Entre 2020 et 2022, l’entreprise a annoncé des investissements d’environ 203 millions de dollars, mais cela reste insuffisant pour répondre aux besoins croissants. En raison d’une rentabilité économique de seulement 3 %, il est difficile pour la SNEL d’emprunter à long terme sur le marché local, où les banques exigent des taux d’intérêt d’au moins 13 % sur les obligations d’État en devises. De plus, le marché international reste inaccessible en raison de la mauvaise perception du pays et de l’entreprise par des investisseurs étrangers.
Le potentiel d’affaires dans le secteur de l’électricité en République Démocratique du Congo est considérable. En plus des parts de marché perdues dans le secteur minier, plusieurs milliards de dollars échappent aux opérateurs du secteur de l’électricité en raison de coûts de distribution prohibitifs, ce qui alimente la prévalence du bois de chauffe, utilisé par la majorité des foyers pour la cuisson. Ce décalage entre une opportunité évidente et des investissements insuffisants, y compris de la part des acteurs publics, demeure une énigme à résoudre dans le deuxième plus grand pays d’Afrique.
Georges Auréole Banda
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