Sur la plateforme XE.com, un dollar américain valait 2 707 francs congolais (FC) le 25 septembre 2025, marquant un niveau de vigueur inédit depuis janvier 2024. La devise locale s’est appréciée de 6,7 % par rapport au billet vert depuis le début du mois et de plus de 5 % depuis janvier, confirmant une dynamique de raffermissement qui tranche avec sa trajectoire habituelle, généralement marquée par la dépréciation.
Sur le marché parallèle, les taux sont légèrement supérieurs. Toutefois, la prédominance du secteur bancaire formel qui concentre près de 97 % des transactions en devises limite l’impact macroéconomique des cours informels. Ce raffermissement s’inscrit dans un contexte où les autorités multiplient les signaux de fermeté pour défendre la monnaie nationale.
À Kinshasa, le gouvernement met en avant l’efficacité d’une action concertée. La Banque centrale du Congo (BCC) a relevé les réserves obligatoires des banques commerciales, asséchant une partie de la liquidité et freinant l’expansion du crédit. Parallèlement, le Trésor dit avoir resserré ses dépenses et amélioré la collecte fiscale. Ces mesures « ont permis de contenir l’inflation et de stabiliser le franc congolais dans un environnement international chahuté », explique le vice-Premier ministre en charge de l’Économie, Daniel Mukoko Samba.
Une dynamique fragile
Les chiffres confortent ce discours : au 18 septembre, les réserves de change atteignaient 7,44 milliards de dollars, en hausse de plus de 50 % par rapport à l’an dernier, offrant une couverture équivalente à près de trois mois d’importations.
À l’international, l’affaiblissement généralisé du dollar joue aussi en faveur du FC. Le billet vert a perdu plus de 11 % face aux grandes devises au premier semestre 2025, sa deuxième plus mauvaise performance depuis la fin du système de Bretton Woods en 1973, selon Morgan Stanley.
Mais cette tendance reste fragile. La courbe du dollar pourrait s’inverser si la Réserve fédérale américaine ralentissait son cycle de baisse de taux ou si les investisseurs revenaient vers les actifs en dollars en cas de tensions géopolitiques.
L’économie congolaise montre également des signaux d’alerte. Le déficit budgétaire cumulé de l’État atteignait déjà 3 265 milliards de FC sur les huit premiers mois de l’année, malgré un excédent ponctuel en avril. Les recettes de la Direction générale des impôts ont largement dépassé les prévisions, mais l’explosion des dépenses sécuritaires et humanitaires continue de creuser le besoin de financement.
Le paradoxe d’une monnaie forte
Le secteur extérieur n’est pas épargné. Les exportations congolaises ont reculé de près de 18 % à fin juillet 2025, pénalisées notamment par la suspension des ventes de cobalt, alors même que les prix mondiaux restent porteurs. Dans le même temps, les importations ont progressé de près de 6 %, accentuant la dépendance vis-à-vis du dollar. Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’accélération des sorties de devises liées aux importations constitue désormais l’un des principaux risques pour la soutenabilité des réserves de change de la RDC.
Si la politique monétaire restrictive a permis de calmer l’inflation (ramenée à moins de 6 % en rythme annuel), elle pèse aussi sur l’investissement privé. L’accès au crédit reste limité dans une économie où la demande intérieure demeure largement insatisfaite. Le paradoxe est net : une monnaie plus forte, mais un tissu productif privé qui peine à se développer faute de financements adaptés.
Le franc congolais profite aujourd’hui d’une conjonction rare de facteurs : discipline budgétaire relative, politique monétaire restrictive et environnement international favorable. Mais cette stabilité reste précaire. Si la croissance des importations en dollars n’est pas contenue et que les exportations ne redémarrent pas, les réserves de change pourraient s’éroder rapidement, ouvrant la voie à un retour de la volatilité.
Pour l’heure, la devise congolaise s’offre un répit bienvenu. Mais comme souvent en RDC, la question n’est pas tant de savoir si la tendance tiendra, que de savoir jusqu’à quand.
Georges Auréole Bamba
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