Selon plusieurs médias locaux et internationaux, les rebelles de l’AFC/M23, appuyés par l’armée rwandaise, ont pris depuis le 10 décembre 2025 le contrôle d’Uvira, ville faisant office de capitale du Sud-Kivu depuis la chute de Bukavu en février dernier. À Kinshasa, cette situation n’a pas encore été officiellement actée. Le gouvernement reconnaît néanmoins « la détérioration de la situation sécuritaire à Uvira ».
Le lendemain, le président de la République, Félix Tshisekedi, a présidé un Conseil des ministres restreint « afin de faire le point sur l'aggravation de la situation sécuritaire à l'Est du pays ». Il a annoncé la convocation d'une réunion interinstitutionnelle et d’un Conseil supérieur de la défense élargi afin « d'approfondir l'analyse de la situation ».
L’avancée de l’AFC/M23 dans le Sud-Kivu sera également au centre d’une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies ce 12 décembre. Plusieurs États membres pointent une aggravation du risque d’embrasement de la région des Grands Lacs.
Ville pivot
En plus d’être une ville frontalière du Burundi, Uvira est aussi un pivot logistique. Située sur la RN5, elle commande l’axe routier et lacustre qui longe le Tanganyika vers Fizi, puis Kalemie, avant de rejoindre les provinces du Lualaba et du Haut-Katanga, cœur de l’industrie cuprifère et cobaltifère congolaise.
Le port de Kalemie est décrit comme un « poumon économique » du Tanganyika, reliant la RDC aux ports de Bujumbura (Burundi), Mpulungu (Zambie) et Kigoma (Tanzanie), par lesquels transitent une partie des marchandises et des flux vers le sud minier.
Dans ce contexte, la progression de l’AFC/M23 le long de la RN5, déjà signalée vers Kamanyola et Luvungi, donne corps à un scénario longtemps évoqué par les analystes militaires : une poussée graduelle vers le sud, qui transformerait l’axe Uvira–Fizi–Kalemie en véritable corridor d’infiltration vers les régions minières du Katanga.
Le sud de la RDC concentre une bonne partie de l’économie minière mondiale. Près de 70 % de la production mondiale de cobalt provient des provinces du Lualaba et du Haut-Katanga, où sont implantées de grandes mines de cuivre-cobalt opérées par des groupes chinois, occidentaux ou des joint-ventures avec la Gécamines. Ces minerais ne sont pas seulement vitaux pour le budget congolais : ils sont au cœur des chaînes de valeur mondiales des batteries et de la transition énergétique.
Expériences antérieures
L’expérience du Nord-Kivu montre comment un groupe armé peut instrumentaliser la rente minière. Des rapports d’experts de l’ONU détaillent déjà un système sophistiqué de capture du coltan de Rubaya, avec des exportations illégales évaluées à 120–150 tonnes par mois, générant des centaines de milliers de dollars pour l’AFC/M23.
Transposé au sud, un tel mode opératoire — contrôle des routes, taxation des flux, contamination des chaînes d’approvisionnement — ferait planer une menace directe sur un bassin minier qui pèse près de 70 % de l’offre mondiale de cobalt et qui abrite les plus grandes mines de cuivre du pays.
À ce stade, aucun grand site industriel du Katanga n’est directement menacé par l’AFC/M23. Mais la consolidation d’un arc de déstabilisation continu — du Nord-Kivu à l’Ituri, puis au Sud-Kivu et au Tanganyika — rapprocherait la ligne de front des corridors d’exportation, ce qui est forcément surveillé par les investisseurs, les assureurs et les États importateurs.
Les entreprises minières ne communiquent pas encore officiellement sur un lien direct entre la progression de l’AFC/M23 et leurs opérations dans le sud. Mais dans les capitales consommatrices — Washington, Bruxelles, Pékin — la question de la continuité des flux en provenance du Lualaba et du Haut-Katanga est désormais indissociable de la carte des fronts à l’est.
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