Signée le 25 avril 2025 à Washington, la « déclaration de principes » entre la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda fixe un délai d’une semaine pour élaborer un projet d’accord de paix à soumettre à discussion le 2 mai. Derrière cet engagement formel, de nombreuses divergences demeurent.
Le texte pose des bases classiques : respect de la souveraineté, non-ingérence, fin du soutien aux groupes armés, coordination sécuritaire conjointe, retour des réfugiés, appui à la MONUSCO et promotion de l’intégration économique régionale. Mais l’analyse des discours prononcés lors de la signature révèle des priorités différentes selon les acteurs.
RDC : « la paix doit venir en premier »
Pour la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, l’urgence est humanitaire : « À Goma, à Bukavu et au-delà, la réalité est celle des déplacements, de l’insécurité et des épreuves. Pour nous, l’urgence de cette initiative n’est pas théorique, elle est humaine. », a-t-elle souligné.
Elle a également exigé le retrait « immédiat, inconditionnel et vérifiable » des troupes étrangères, affirmant que : « La paix doit venir en premier, ensuite nous pourrons bâtir la confiance, et seulement alors engager une coopération bilatérale. »
Rwanda : « traiter les causes profondes »
Le ministre rwandais des Affaires étrangères, Olivier Nduhungirehe, a, de son côté, insisté sur la nécessité de s’attaquer aux racines du conflit : « Nous devons traiter les causes profondes pour parvenir à une paix durable. », a-t-il insisté.
Pour Kigali, ces causes remontent à « l’histoire complexe » de la région. Le Rwanda continue de justifier l’action du M23 par la défense des « populations rwandophones » au Kivu et considère les Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), réfugiées à l’est de la RDC depuis le génocide rwandais de 1994, comme une « menace existentielle ». L’objectif affiché du pays est d’obtenir « une région sécurisée, libérée de l’extrémisme ethnique violent, et bien gouvernée ».
États-Unis : « créer un écosystème favorable »
Les États-Unis, officiellement « témoins » du processus, visent au-delà de la médiation. Le secrétaire d’État, Marco Rubio, a déclaré : « Une paix durable dans l’est de la République démocratique du Congo ouvrira la porte à des investissements citoyens américains et occidentaux plus importants, qui créeront un écosystème favorable à des chaînes d’approvisionnement responsables et fiables pour des choses comme les minerais critiques. C’est du gagnant-gagnant. »
« Nous discutons de la manière de construire de nouvelles chaînes de valeur économiques régionales reliant nos pays, y compris avec des investissements du secteur privé américain. », a confirmé, le ministre rwandais des Affaires étrangères.
On sait également que Washington négocie actuellement avec Kinshasa un accord bilatéral pour sécuriser l’accès aux minerais stratégiques.
Des acteurs absents mais influents
Au-delà des signataires, d’autres acteurs et intérêts pèsent sur le processus. Les États-Unis accusent les entreprises chinoises de profiter du chaos pour exploiter illicitement les ressources. Le gouverneur du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi Sadiki, a récemment évoqué l’existence de 1 600 entreprises illégales, principalement à capitaux chinois, alimentant un vaste réseau de contrebande bénéficiant aussi au Rwanda.
Selon ses estimations, 67 % de cette production illégale partirait vers le Moyen-Orient, tandis que la Chine en capterait une autre part significative. L’Europe resterait marginale dans ces flux.
Impliqués militairement, les intérêts des pays comme le Burundi, l’Ouganda, ou encore de l’Afrique du Sud, qui a déjà perdu plusieurs soldats, devront également être pris en compte.
Enfin, les tensions politiques internes à la RDC compliquent davantage l’équation. Les autorités accusent l’ancien président Joseph Kabila de soutenir la rébellion, ajoutant une dimension de politique intérieure à une crise déjà complexe.
Georges Auréole Bamba
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