Le 5 décembre 2025, la société publique congolaise Gécamines et le groupe genevois Mercuria Energy Trading ont annoncé la création d’une coentreprise destinée à commercialiser le cuivre, le cobalt et d’autres minerais critiques comme le germanium ou le gallium provenant du sous-sol de la République démocratique du Congo (RDC). Cette joint-venture est mise en œuvre avec « le soutien de la U.S. International Development Finance Corporation (DFC) », indique le communiqué conjoint.
Le même jour, l’agence américaine de financement du développement a dévoilé ses intentions : elle envisage d’entrer directement dans le capital de cette coentreprise. Dans cette perspective, la DFC dit avoir émis une lettre d’intention en vue d’un « investissement en actions » dans la joint-venture Gécamines–Mercuria. Objectif : « sécuriser les chaînes d’approvisionnement américaines en minéraux stratégiques », souligne l’institution.
« Dans le cadre de l’investissement envisagé par la lettre d’intention de la DFC, la coentreprise accordera aux utilisateurs finaux américains un droit de premier refus. Cette disposition garantit aux industries américaines — notamment dans l’énergie, les semi-conducteurs et la défense — un accès sécurisé à des minerais critiques essentiels à la compétitivité économique et à la sécurité nationale », précise le communiqué conjoint.
Intérêt national
Dans l’accord stratégique signé avec la RDC le 4 décembre 2025 à Washington, les États-Unis ont obtenu la priorité sur les ventes de minerais stratégiques congolais. Selon le texte, « la RDC et ses entreprises publiques utiliseront leurs droits de commercialisation liés à la participation et aux contrats pour fournir un accès à l’offtake aux personnes américaines et alliées ». Ce dispositif oblige Gécamines, ou toute autre entreprise publique, à proposer en premier lieu leurs volumes commercialisables aux sociétés américaines avant tout autre acheteur, sous réserve de « conditions commerciales comparables » afin de garantir une conformité aux prix internationaux.
Pour l’heure, peu d’informations sont disponibles sur la coentreprise. Mais, selon des sources proches du dossier, Gécamines devrait en détenir le contrôle. Certains la présentent déjà comme sa future filiale spécialisée dans le négoce de minerais, appelée à remplacer la défunte Société zaïroise de commercialisation des minerais (Sozacom), dissoute dans les années 1990.
L’idée de créer cette filiale découle de la volonté de contourner la pratique du prix de transfert utilisée par plusieurs opérateurs miniers dont Gécamines est actionnaire. Cette pratique consiste à vendre la production à bas prix à une société liée, réduisant d’autant les dividendes versés à Gécamines et les recettes minières reversées à l’État.
Selon le communiqué, la coentreprise visera à « sécuriser des prix compétitifs fondés sur des références internationales transparentes ». « Cette collaboration marque une étape charnière dans le parcours de Gécamines pour renforcer son rôle sur le marché mondial des métaux. Cette coentreprise vise à garantir que le cuivre et le cobalt congolais soient échangés avec transparence, équité et en plaçant l’intérêt national au premier plan », a déclaré le président du Conseil d’administration de Gécamines, Guy Robert Lukama.
Mercuria se renforce
Pour atteindre cet objectif, Mercuria apportera son réseau mondial, son expertise en négoce, en logistique, en financement ainsi qu’un soutien opérationnel. Elle assurera également la formation des équipes de Gécamines en gestion des risques, trading et procédures opérationnelles. Par ailleurs, Mercuria accordera à Gécamines des facilités de financement, notamment du préfinancement et des crédits adossés à des contrats d’off-take. Ce mécanisme permettra à Gécamines d’obtenir des liquidités immédiates et d’accélérer la commercialisation de son cuivre et de son cobalt.
Pour Mercuria, l’intérêt est stratégique : ces financements garantissent un accès prioritaire à des volumes de minerais critiques et sécurisent des flux commerciaux durables, renforçant sa présence dans la Copperbelt et son rôle dans la chaîne mondiale des métaux énergétiques. Le groupe genevois avait déjà signé un accord similaire le 30 octobre 2025 avec Eurasian Resources Group (ERG) pour sécuriser son approvisionnement en cuivre de la RDC.
Au-delà de la commercialisation, la collaboration explorera aussi des opportunités d’investissement dans des infrastructures logistiques en RDC, afin de faciliter l’exportation de matières premières stratégiques. Ces investissements visent à renforcer la position du pays sur les marchés mondiaux tout en offrant un potentiel de croissance additionnel à la coentreprise.
Dans le cadre de l’accord stratégique signé avec la RDC, Washington a également promis un appui à la modernisation du corridor Sakania–Lobito. Dans son communiqué, la DFC s’est dite disposée à apporter un financement pouvant atteindre un milliard de dollars pour la réhabilitation et l’exploitation de la ligne ferroviaire Dilolo–Sakania. Ce corridor est appelé à devenir l’axe principal des exportations vers les États-Unis. Des objectifs chiffrés ont été fixés : 50 % du cuivre, 30 % du cobalt et 90 % du zinc commercialisés par les entreprises publiques devront y transiter au cours des cinq prochaines années.
Pierre Mukoko et Boaz Kabeya
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