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Minerais critiques, sécurité, fiscalité… : ce que prévoit l’accord RDC–États-Unis

Minerais critiques, sécurité, fiscalité… : ce que prévoit l’accord RDC–États-Unis

La République démocratique du Congo (RDC) est devenue, le 4 décembre 2025, un « partenaire stratégique » des États-Unis. Un accord en ce sens a été signé entre le vice-Premier ministre en charge de l’Économie nationale, Daniel Mukoko Samba, et le secrétaire d'État Marco Rubio, équivalent du ministre des Affaires étrangères. Ce statut place la RDC dans un cadre de coopération privilégiée avec Washington. Il porte la promesse d’un appui sécuritaire, d’investissements massifs et d’une accélération de son industrialisation, mais s’accompagne aussi d’obligations légales et fiscales assorties de délais stricts. En contrepartie, les États-Unis obtiennent un accès structuré et prioritaire aux minéraux critiques congolais, essentiels à l’industrie américaine et à la transition énergétique, tout en posant les bases d’une réduction de l’emprise chinoise dans le pays.

Accès prioritaire des États-Unis aux gisements stratégiques

L’accord, signé le 4 décembre dernier à Washington, accorde aux entreprises américaines un droit de première offre sur des gisements de minerais critiques, d’or et sur des zones d’exploration constituant la Réserve stratégique d’actifs miniers (RAS). Ce mécanisme leur garantit une priorité d’accès aux permis d’exploration, de développement ou d’exploitation. Si, au bout de neuf mois, aucune offre américaine n’est retenue, les projets peuvent être ouverts aux « alliés » — Union européenne, Qatar ou même la RDC — mais jamais aux pays considérés par Washington comme des adversaires stratégiques, notamment la Chine, qui contrôle actuellement environ 80 % des actifs miniers en exploitation dans le pays.

La liste des actifs composant la RAS n’est pas encore publique. Mais selon nos informations, les États-Unis s’intéressent particulièrement à la mine de Rubaya, actuellement sous contrôle du M23, ainsi qu’au gisement de Manono, où l’américain KoBold Metals détient déjà quatre permis de recherche. Kinshasa doit transmettre la liste initiale des actifs RAS au plus tard le 2 janvier 2026. Celle-ci pourra ensuite être complétée, en consultation avec Washington ou à sa demande, élargissant progressivement le périmètre des actifs inaccessibles à la Chine.

Avantages fiscaux

Une partie de la production issue des actifs RAS devra être réservée au marché américain. Au risque d’être rejetée, toute proposition de projet devra démontrer sa contribution aux chaînes d’approvisionnement américaines, notamment par des engagements d’écoulement vers les États-Unis. Pour garantir approvisionnement stable, notamment en cobalt, l’accord prévoit également la création en RDC d’une réserve stratégique de minerais.

Les entreprises à participation américaine bénéficieront d’un régime fiscal exceptionnel : stabilisation fiscale de dix ans, remboursement obligatoire de la TVA sous 90 jours, mécanisme automatique d’imputation des crédits de TVA. La RDC devra aussi mettre en place un guichet unique pour simplifier les démarches ainsi qu’une autorité fiscale dédiée aux investisseurs américains. Des incitations supplémentaires pourront être accordées aux projets jugés stratégiques, rendant l’environnement fiscal particulièrement attractif pour les intérêts américains.

Washington obtient en outre un rôle direct dans la gouvernance. L’accord instaure un dialogue intergouvernemental, un forum économique États-Unis–RDC et un Comité de pilotage conjoint (CPC) de dix membres chargé de superviser les projets, valider les critères d’éligibilité et examiner toute décision susceptible d’affecter les intérêts américains, notamment les embargos ou les quotas d’exportation.

Le CPC se réunira deux fois par an, avec une première session prévue au plus tard 90 jours après l’entrée en vigueur de l’accord. Le forum économique sera organisé tous les deux ans, alternativement à Washington et Kinshasa, sauf décision contraire. La date de la session inaugurale devra être fixée dans un délai d’un an.

La RDC sous le parapluie américain

En échange, la RDC obtient le statut de « partenaire stratégique » des États-Unis. Ce statut, réservé à un nombre restreint de pays jugés essentiels aux intérêts américains (tels que le Japon, la Corée du Sud ou Israël), devrait, selon des spécialistes, renforcer le poids diplomatique de la RDC au niveau régional et au-delà.

L’accord engage également Washington à coopérer en matière de sécurité et de défense afin de renforcer la paix, la stabilité et l’autorité de l’État. Un mémorandum d’entente sur ces questions a été signé le même jour entre la ministre congolaise des Affaires étrangères, Thérèse Kayikwamba Wagner, et Marco Rubio. Ce document n’a pas été rendu public, laissant peu d’éléments sur les modalités concrètes de coopération sur la protection de l’intégrité du territoire, la sécurisation des infrastructures critiques, la lutte contre les trafics miniers alimentant les groupes armés…

Le texte prévoit aussi un appui à la stabilisation des zones minières et conflictuelles à travers des investissements ciblés dans l’énergie, les infrastructures et la logistique ; un renforcement des capacités douanières et fiscales, une amélioration de la traçabilité des minerais ; ainsi qu’un accompagnement aux réformes judiciaires et anticorruption pour restaurer l’autorité de l’État dans les régions minières.

Sur le plan économique, l’accord vise à faire de la RDC un nœud central des chaînes d’approvisionnement occidentales en minerais critiques, tout en augmentant sa propre capacité à capter la valeur et en diversifiant ses partenaires économiques. Ainsi, le pays pourra bénéficier d’appuis techniques et financiers via les institutions américaines de développement pour ses projets stratégiques. Elle doit transmettre une première liste d’ici le 2 janvier 2026. Celle-ci pourra être complétée à tout moment en concertation avec Washington.

Corridor Sakania–Lobito et projet Grand Inga

Un soutien est déjà prévu pour moderniser l’ensemble du corridor Sakania–Lobito, appelé à devenir l’axe principal des exportations vers les États-Unis. Des objectifs quantifiés sont fixés : 50 % du cuivre, 30 % du cobalt et 90 % du zinc commercialisés par les entreprises publiques devront transiter par cet axe dans les cinq prochaines années. Les parties s’engagent aussi à développer ensemble le projet hydroélectrique Grand Inga via un comité de gouvernance commun. Il est considéré comme essentiel à l’industrialisation et à la compétitivité régionale.

L’accord inclut également un appui à la transformation locale des minerais — raffinage, unités de transformation, participation à des projets en aval à l’étranger — ainsi qu’un important volet sur la formalisation de l’exploitation artisanale, incluant un appui américain sur la traçabilité, la structuration des coopératives et l’inclusion financière.

Des réformes profondes exigées

Pour consolider son rôle de « partenaire stratégique fiable », la RDC doit mettre en œuvre des politiques renforçant la gouvernance, la transparence et l’État de droit. L’accord exige une réforme du cadre fiscal dans les douze mois : stabilisation fiscale de dix ans, remboursement de TVA sous 90 jours, guichet unique, autorité fiscale centralisée responsable de toutes les interactions avec les investisseurs du secteur minier. Dans ce secteur, la RDC devra renforcer la régulation, la transparence des entreprises publiques, les capacités douanières et la lutte contre les trafics.

L’accord entre en vigueur dès sa signature. Il est révisé tous les trois ans, mais ne peut être résilié qu’après un préavis de cinq ans.

Pierre Mukoko

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