Le décret signé le 30 mai 2025 par la Première ministre Judith Suminwa marque l’entrée en vigueur de la hausse du Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG). Il s’agit de l’aboutissement d’un processus initié après l’abrogation, en début d’année, de l’arrêté du ministre de l’Emploi et du Travail du 31 décembre 2024 pour « vice de forme » et « incompétence matérielle de l’auteur ».
Ce nouveau texte résulte d’un processus inclusif mené sur plusieurs mois, avec pour point culminant la 37 ᵉ session du Conseil national du travail tenue les 25 et 29 avril dernier. Il est contresigné par le ministre de l’Emploi et du Travail, Éphraïm Akwakwa Nametu.
Le nouveau montant cible du SMIG est de 21 500 francs congolais (FC) par jour pour le manœuvre ordinaire. Il représente une hausse de 204 % par rapport au montant de 7 075 FC établi en 2018. Sa mise en œuvre sera progressive : 14 500 FC dès fin mai 2025, puis 21 500 FC à partir de janvier 2026. Le décret maintient par ailleurs la tension salariale de 1 à 10 entre le manœuvre ordinaire et le cadre de collaboration.
Dans ce contexte, l’augmentation du SMIG entraîne automatiquement une revalorisation proportionnelle de toutes les catégories salariales dans les entreprises. Concrètement, si le SMIG journalier du manœuvre ordinaire passe de 7 075 à 21 500 FC, celui du cadre de collaboration du dernier échelon passe mécaniquement de 70 750 à 215 000 FC. Cette règle s’applique à toutes les catégories intermédiaires selon leur coefficient respectif.
Points à surveiller
Le texte prévoit cependant, conformément à l’article 91 du Code du travail, que des dispositions spécifiques peuvent être adoptées pour tenir compte des difficultés du secteur agro-industriel et pastoral à appliquer cette hausse. La Fédération des entreprises du Congo (FEC) a proposé treize mesures d’allègement fiscal et parafiscal en faveur de ces secteurs. Ces mesures ont été examinées lors de la réunion de la Commission Économie, Finances et Reconstruction (ECOFIRE) du 24 février 2025, mais doivent encore être consacrées par un décret du président de la République pour entrer en vigueur.
Le décret fixe également les allocations familiales minimales et la contre-valeur du logement. Les allocations familiales sont désormais calculées sur la base de 1/27 ᵉ du SMIG journalier par enfant, et la contre-valeur du logement est plafonnée à 1/5 ᵉ du montant journalier des allocations familiales. Les indemnités de logement et de transport continuent toutefois à être versées selon les dispositions légales en vigueur, sans possibilité de réduction par les conventions collectives.
Pour le gouvernement, l’objectif est de « maintenir la paix sociale, renforcer le pouvoir d’achat des travailleurs en vue d’améliorer leurs conditions de vie et celles de leur famille, ainsi que d’augmenter la productivité des entreprises ».
Mais l’atteinte de cet objectif dépendra de l’application effective des mesures prévues dans le décret. Le respect de cette nouvelle réglementation, qui remplace celle de 2018, fera l’objet de contrôles par l’inspection du travail, conformément aux dispositions du Code du travail congolais. Son impact sur les charges des entreprises dépendra notamment de la proportion du personnel dont les rémunérations se situent en dessous des nouveaux seuils fixés.
À fin avril 2025, l’inflation cumulée depuis janvier s’est établie à 2,94 %, contre 4,55 % sur la même période en 2024. En glissement annuel, les prix ont augmenté de 9,96 %, contre 21,17 % l’année précédente. Le taux de change, lui, reste stable à 2 855,09 FC pour un dollar américain au marché interbancaire. Toutefois, l’augmentation attendue des salaires pourrait générer une pression sur les prix, surtout si l’offre des biens et services n’évolue pas au même rythme que la hausse de la demande induite par l’amélioration des revenus.
Georges Auréole Bamba et Ronsard Luabeya, stagiaire
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