Les données d’exportation de l’or de la République démocratique du Congo (RDC) pour le premier semestre 2024, récemment publiées, révèlent un contraste sur les prix de vente. L’ex-société Primera Gold, une coentreprise entre l’État et des partenaires des Émirats arabes unis, a obtenu un prix moyen de 64 502 dollars par kilogramme d’or vendu. En revanche, Kibali Gold, qui exploite l’une des plus grandes mines d’Afrique, détenue à 90 % par Barrick Gold et AngloGold Ashanti, a vendu sa production à un prix moyen de 46 214,8 dollars, soit près de 20 000 dollars de moins que Primera Gold, aujourd’hui devenue DRC Gold Trading après la prise de contrôle total de l’entreprise par l’État.
Même les artisans de l’Ituri et du Nord-Kivu ont obtenu un prix supérieur à celui de Kibali Gold. Ils ont exporté leur or à un prix moyen de 59 500 dollars le kilogramme, contre 46 214,8 dollars pour Kibali Gold, soit une différence de plus de 13 000 dollars.
Ces écarts de valeur par kilogramme d’or vendu étaient déjà observés en 2023. Alors que Primera Gold et les artisans vendaient leurs productions respectivement à 59 509 et 38 484,4 dollars le kilogramme, le prix moyen du kilogramme du métal précieux provenant du site de Kibali, dans le nord-ouest de la RDC, n’était que de 30 915,6 dollars, soit une différence respective de près de 30 000 et 10 000 dollars.
Cotées sur les plus grands marchés financiers du monde (New York, Toronto), Barrick Gold et AngloGold Ashanti disposent pourtant de ressources leur permettant d’obtenir de meilleurs prix que Primera Gold ou de petits artisans des provinces de la Tshopo ou du Tanganyika, dans l’est de la RDC, qui, de surcroît, exportent de l’or non raffiné…
Bien que la transparence dans le secteur des industries extractives ait progressé en RDC, il subsiste des zones d’ombre qui empêchent une compréhension complète de la chaîne de valeur et des opportunités réelles. Ni Barrick Gold ni AngloGold Ashanti (majoritairement détenue par des capitaux sud-africains) ne fournissent de détails sur leur processus de vente. On ignore donc si ces prix résultent d’accords à terme ou d’autres logiques de vente.
Impact sur les recettes publiques
Derrière de gros volumes se cachent parfois des détails qui devraient être dévoilés, surtout que ces différences de prix impactent les revenus publics. En effet, Kibali Gold est le principal contributeur en termes de revenus d’exportation de l’or en République démocratique du Congo, avec des ventes déclarées représentant 88,2 % du total au premier trimestre 2024. L’État central et la province qui héberge la mine (Haut-Uele) en tirent des revenus à travers la participation de la Sokimo, mais surtout via les redevances sur la valeur vendue et divers autres impôts et taxes. Si l’entreprise vend sa production à des prix non optimaux, cela réduit la base de prélèvement pour un gouvernement qui a besoin de ressources pour financer sa politique de développement.
Selon des données de marché consultées par Bankable, le gouvernement a perçu jusqu’à 27,8 millions $ de redevances de cette mine entre janvier et septembre 2024, uniquement de la part de Barrick Gold. Ce montant est légèrement supérieur aux 25,5 millions $ de la même période en 2023. On observe que les redevances ont progressé de 9 %, tandis que le prix de l’or sur le marché international a augmenté en moyenne de 37 % sur la période. Néanmoins, selon les données publiées par Barrick Gold, les quantités vendues ont baissé de 8 % sur la même période.
Georges Auréoles Bamba
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