Sans attendre les conclusions de l’audit sur les activités du pétrolier franco-britannique Perenco, unique opérateur actif en République démocratique du Congo (RDC), le ministre des Hydrocarbures, Aimé Sakombi Molendo, a présenté deux mesures destinées à renforcer le contrôle des exportations pétrolières. Ces propositions ont été soumises au gouvernement lors du Conseil des ministres du 6 juin 2025 qui en a pris acte.
La première mesure interdit, sans délai, l’affrètement de pétroliers répertoriés comme « blacklistés ». Ces navires figurent sur la liste noire du transport maritime international en raison de pratiques frauduleuses telles que le transbordement illégal, la dissimulation de cargaisons ou des manquements aux normes de traçabilité.
« Cette mesure répond à l’urgence d’encadrer les exportations pétrolières, dans l’attente des conclusions définitives de l’audit global sur le secteur. Elle ne vise pas à bloquer les activités commerciales légitimes, mais à encourager une exploitation plus rigoureuse et transparente des ressources nationales », indique le compte rendu du Conseil. Elle doit ainsi prévenir la fraude, l’évasion fiscale et limiter les risques environnementaux, en écartant les navires vétustes susceptibles de provoquer des marées noires et en bloquant tout moyen de fuite ou de dissimulation des cargaisons.
La seconde mesure concerne la modernisation du terminal pétrolier de Muanda, avec le remplacement du Floating, Storage and Offloading (FSO) Kalamu, un réservoir flottant destiné à stocker le brut avant expédition. Le ministre mise sur un modèle d’actionnariat public-privé, avec la participation des producteurs du bassin côtier, de la Sonahydroc SA et d’un partenaire chargé de fournir un FSO moderne.
Selon le gouvernement, cette modernisation s’inscrit dans une vision à long terme, visant à renforcer le contrôle des volumes de brut exporté, améliorer leur traçabilité, et optimiser la rentabilité du secteur par une meilleure maîtrise de la chaîne de valeur.
Aux sources des soupçons
L’audit sur Perenco a été lancé fin 2024. L’entreprise opère en RDC via la Société congolaise de recherche et d’exploration de pétrole (Socorep), détentrice de l’unique titre d’exploitation en activité. L’objectif est d’évaluer la production réelle, la conformité aux engagements fiscaux, contractuels et environnementaux. Cet audit fait suite à une visite ministérielle dans les installations de Perenco, qui a révélé une baisse de la production de 25 000 à 18 000 barils par jour.
Bien que l’audit soit en cours jusqu’à fin 2025, le ministre Sakombi affirme avoir déjà reçu des rapports intermédiaires, dont le contenu reste confidentiel. On ignore s’ils ont motivé les nouvelles mesures. Néanmoins, les soupçons de fraude sont nourris par plusieurs documents officiels. Le dernier rapport de l’Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) signale un écart de 972 000 barils entre les chiffres de production 2022 déclarés par la Société générale des hydrocarbures (SGH) et les entreprises pétrolières (principalement Perenco), et ceux de la Banque centrale du Congo. Le même rapport indique également un écart de plus de 200 millions de dollars entre les exportations déclarées par la RDC et les importations recensées par ses principaux clients.
Sur le plan environnemental, des ONG comme Sherpa et Les Amis de la Terre ont dénoncé de longue date les pratiques de Perenco en RDC, accusant l’entreprise spécialisée dans les puits pétroliers en fin de vie de négliger les compensations dues aux populations riveraines.
L’audit semble avoir refroidi les relations entre Perenco et les autorités congolaises. Le ministre regrette une collaboration partielle de la multinationale. Le président du groupe, François Perrodo, a effectué un voyage en RDC fin 2024 sans rencontrer les autorités, un fait inhabituel pour un dirigeant de ce niveau.
Georges Auréole Bamba
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