Le Canada a annoncé, ce 3 mars 2025, une série de mesures restreignant sa coopération économique avec le Rwanda. Selon une déclaration officielle, trois décisions majeures ont été prises : la suspension des exportations de marchandises et de technologies contrôlées vers Kigali, l’arrêt des nouvelles initiatives commerciales intergouvernementales et la fin du soutien aux projets de développement commercial du secteur privé. Ottawa prévoit également de réexaminer sa participation aux événements internationaux organisés au Rwanda et d’évaluer avec plus de prudence les candidatures rwandaises pour l’accueil de futurs sommets.
Ces restrictions, justifiées par « les actions du Rwanda dans l’est de la République Démocratique du Congo (RDC) », ont été annoncées dans un communiqué conjoint des ministres Mélanie Joly (Affaires étrangères), Ahmed Hussen (Développement international) et Mary Ng (Promotion des exportations). Le Canada reproche à Kigali la présence de ses forces de défense en RDC et leur soutien au groupe rebelle M23, des actes qualifiés de « violations flagrantes de l’intégrité territoriale et de la souveraineté de la RDC et de la Charte des Nations unies ».
En suivant cette logique, Ottawa attribue au Rwanda la responsabilité des atrocités, des massacres et des enlèvements généralisés dans l’est de la RDC, qu’il condamne fermement. De son côté, Kigali a réagi en déclarant avoir pris note de la position canadienne, tout en dénonçant une « attribution diffamatoire » d’atrocités présumées.
Depuis le début de l’année, le M23 et ses alliés ont lancé une vaste offensive dans l’est de la RDC, s’emparant de plusieurs localités, dont Goma et Bukavu, les capitales provinciales du Nord et du Sud-Kivu. Selon le bilan présenté lors du dernier Conseil des ministres, tenu le 28 février 2025, le conflit aurait déjà fait plus de 8 500 morts et 7 776 blessés.
Montée de la pression
Le Canada et le Rwanda entretiennent des relations bilatérales depuis 1963, couvrant plusieurs domaines, notamment l’aide au développement, les échanges commerciaux et la coopération diplomatique. En 2022-2023, Ottawa a octroyé 44,82 millions de dollars d’aide internationale au Rwanda, principalement dans les secteurs de l’éducation, de la santé et de l’égalité des genres. Sur le plan commercial, les échanges entre les deux pays ont atteint 13,4 millions de dollars en 2023. Le Canada exporte principalement du blé, des véhicules et des pièces d’avion vers le Rwanda, tandis que Kigali envoie du café, des condiments et des épices sur le marché canadien. Par ailleurs, plusieurs entreprises canadiennes sont actives au Rwanda dans les infrastructures, l’ingénierie, les mines et l’énergie.
Ces décisions marquent un durcissement de la position du Canada face à l’implication présumée du Rwanda dans le conflit à l’est de la RDC. Ottawa suit ainsi la voie tracée par les États-Unis, l’Union européenne et le Royaume-Uni, qui ont déjà sanctionné Kigali. Washington a récemment inscrit James Kabarebe, ministre d’État rwandais chargé de l’intégration régionale, sur sa liste de sanctions pour son soutien au M23. De son côté, l’Union européenne a suspendu sa coopération en matière de défense avec le Rwanda et annoncé un réexamen du protocole d’accord signé en février 2024 sur les minerais stratégiques. Quant au Royaume-Uni, il a gelé une partie de son aide bilatérale.
Pierre Mukoko
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