À l’issue de la réunion de son Comité de politique monétaire (CPM), tenue le 7 octobre 2025, la Banque centrale du Congo (BCC) a décidé d’assouplir sensiblement sa politique monétaire. Le taux directeur, qui détermine le coût auquel les banques commerciales se refinancent auprès d’elle, passe de 25 % à 17,5 %, tandis que celui des facilités de prêt marginal — appliqué en cas de besoins urgents de liquidités — recule de 30 % à 21,5 %.
Cet ajustement technique, le plus important depuis 2021, vise à rendre le financement en franc congolais (FC) moins coûteux pour les banques commerciales et, par extension, pour l’État, les entreprises et les ménages. Il pourrait ainsi encourager l’octroi de crédits aux acteurs économiques et, de facto, accroître la quantité de franc congolais en circulation.
Dans son communiqué, la BCC ne le dit pas explicitement. Mais ces mesures s’inscrivent dans une stratégie de réhabilitation du rôle du franc congolais dans les échanges économiques, afin de réduire la dépendance structurelle au dollar américain, qui représente aujourd’hui plus de 90 % des transactions. C’est l’objectif central fixé par André Wameso depuis son arrivée à la tête de la banque centrale, en juillet dernier.
Derrière cet objectif monétaire se cache un véritable enjeu de souveraineté. La domination du dollar limite la marge de manœuvre des autorités congolaises, notamment en matière de gestion de la liquidité et de contrôle des flux financiers. Une dépendance excessive expose également l’économie aux décisions unilatérales de Washington, comme d’éventuelles restrictions sur l’importation de billets verts. En renforçant l’usage du franc congolais, la BCC espère réduire cette vulnérabilité externe et consolider la stabilité interne, alors que les fondamentaux économiques s’améliorent.
Selon le communiqué du CPM, l’inflation, qui atteignait 15,1 % en septembre 2024, est retombée à 7,8 % un an plus tard, tandis que la monnaie nationale s’est appréciée d’environ 11,6 % sur le marché officiel et de 7,8 % sur le marché parallèle, pour se situer respectivement autour de 2 549 et 2 659 FC pour un dollar. Pour 2026, la BCC projette une inflation de 6,8 %, une stabilisation du taux de change à des niveaux « plus bas » et une croissance économique « robuste ».
Pari risqué
Toutefois, les effets de ces mesures ne seront pas automatiques. Ils dépendront de la confiance des acteurs économiques dans la monnaie locale. Une offre accrue de FC qui ne rencontrerait pas une demande suffisante risquerait de fragiliser l’équilibre et d’entraîner une nouvelle dépréciation.
La forte dépendance de la RDC aux importations demeure également un risque majeur. À fin juillet 2025, celles-ci ont progressé de près de 6 %, accentuant le besoin de devises, alors que les exportations ont reculé de près de 18 %, notamment à cause de la suspension des ventes de cobalt. Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’accélération des sorties de devises constitue désormais l’un des principaux risques pour la soutenabilité des réserves de change.
Consciente de ces menaces, la BCC assure qu’elle reste prête « à réagir en cas de retournement de situation ». Pour renforcer l’équilibre, elle prévoit déjà de ponctionner la liquidité excédentaire en mettant en œuvre, à partir du 15 octobre, le deuxième palier d’actualisation du taux de change appliqué aux réserves obligatoires, resté figé à 1 999 FC pour un dollar depuis 2021. Selon le gouverneur, la première actualisation a contribué au raffermissement du FC en retirant l’équivalant de 371 milliards de FC du marché.
En parallèle, la BCC encourage les opérateurs économiques à effectuer leurs transactions en francs congolais. Le gouvernement compte, de son côté, renforcer le recouvrement d’une partie des impôts en monnaie locale. Enfin, la baisse du taux directeur devrait permettre au Trésor public de refinancer ses emprunts à des conditions plus avantageuses, réduisant ainsi la charge d’intérêts sur la dette intérieure.
Pierre Mukoko avec l’Agence Ecofin
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