L’émission de divertissement The Bachelor (le célibataire), diffusée sur les chaînes de Canal+, reste sous la menace d’une interdiction en République démocratique du Congo (RDC). En effet, après la décision du Conseil d’État qui avait permis au distributeur français de reprendre la diffusion, le Conseil supérieur de l’audiovisuel et de la communication (CSAC) a relancé la procédure. L’information a été donnée ce 5 novembre 2024 lors de la rentrée solennelle du Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative du pays.
Selon la première présidente du Conseil d’État, Marthe Odio Nonde, le « président du CSAC, (…) après mécontentement compréhensible exprimé par certaines personnes qui vilipendaient à tort le juge de référé, a pris de la bonne hauteur, comme le démontre sa lettre n° 125 du 25 octobre 2024, dont copie m’est parvenue, pour reprendre la procédure en suivant une par une les étapes obligatoires prévues par la loi qui régit son institution ».
En effet, comme l’estime le Conseil d’État, les articles 60, 61 et 62 de la loi du 10 janvier 2011 portant composition, attribution et fonctionnement du CSAC soumettent la décision d’interdire la diffusion de The Bachelor, prise le 5 septembre dernier par le régulateur des médias, aux étapes obligatoires suivantes : la mise en demeure, la publication de la mise en demeure, la notification des griefs, la mise en œuvre du droit de la défense et, enfin, la sanction.
Saisi par Canal+, le juge de référé, estimant que ces étapes n’avaient pas été respectées, a ordonné la suspension de cette décision. Cette ordonnance entraîne ainsi la suspension par ricochet de la décision du CSAC, prise le 11 septembre, qui avait sanctionné la chaîne Canal+ POP d’une suspension de 45 jours pour avoir continué de diffuser The Bachelor malgré son interdiction.
« Chers abonnés, suite à la décision du Conseil d’État, nous avons le plaisir de vous informer de la levée de la suspension de la chaîne Canal+ POP et de l’émission The Bachelor, dès ce lundi 30 septembre 2024 », avait alors annoncé l’opérateur le 30 septembre.
Enjeux économiques
Sur les réseaux sociaux, certains n’ont pas hésité à parler d’un revers pour le CSAC. Cependant, il convient de noter que la décision du Conseil d’État ne porte pas sur le fond de l’affaire. La justice n’a donc pas tranché la question de savoir si le régulateur avait raison ou tort d’interdire The Bachelor, qu’il juge « trop immoral, indécent et contraire aux bonnes mœurs ».
Avec la reprise de la procédure par le CSAC, devrait avoir le fin mot de l’histoire. Cependant, la décision définitive sur cette affaire pourrait tomber au moment où l’édition en cours du programme controversé est déjà achevée, ce qui laisse planer le risque d’interdiction surtout sur les prochaines saisons.
Pour Canal+, le programme The Bachelor, qui attire un large public de diverses catégories d’âge, constitue un levier important pour la vente d’espaces publicitaires. En juillet 2024, lors du lancement de Canal+ Impact en RDC, les dirigeants du groupe ont précisé que Canal+ avait créé plus de 2 000 emplois directs et indirects dans le pays, tout en contribuant à hauteur de 33 millions de dollars aux recettes publiques congolaises. Toute perturbation de ses activités en RDC représente donc des enjeux économiques, tant pour le groupe que pour le pays.
Cependant, à l’ère de l’internet mobile et des réseaux sociaux, plusieurs Congolais devraient continuer à avoir accès à ce programme, même en cas d’interdiction en RDC. Cette situation représente une opportunité potentielle pour les fournisseurs d’internet, qui verraient ainsi une augmentation de la consommation de données.
D’un point de vue plus global, cet épisode montre également qu’il est possible, en RDC où le système judiciaire est souvent critiqué, qu’une entreprise obtienne une décision de justice favorable en très peu de temps, même face à une institution publique.
Georges Auréole Bamba
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