À l’analyse de l’Instruction n° 18 relative aux conditions d’agrément des établissements de crédit, émise le 4 juillet 2023 par la Banque Centrale du Congo (BCC), il reste moins de 15 mois aux banques de la République Démocratique du Congo (RDC) pour trouver de nouveaux actionnaires.
Selon l’article 14, alinéa 3, le capital social de chaque établissement devra être détenu par au moins quatre actionnaires, chacun possédant au minimum 15 % des parts. L’article 62 précise que les banques disposent d’un délai de trois ans pour se conformer à cette règle. En conséquence, aucun actionnaire ne pourra contrôler plus de 55 % du capital d’une banque à partir du 4 juillet 2026.
Cette réforme suscite des inquiétudes, en particulier chez les groupes bancaires étrangers fortement implantés en RDC, notamment les géants kényans Equity Group Holdings et Kenya Commercial Bank (KCB), via leurs filiales respectives Equity BCDC et Trust Merchant Bank (TMB).
Contexte peu attractif
La directive congolaise complique plusieurs opérations stratégiques en cours. Par exemple, KCB est engagé dans la cession de sa participation majoritaire dans la National Bank of Kenya au profit du groupe nigérian Access Holdings, pour un montant estimé à 100 millions USD. Toutefois, Access Holdings qui détient 99,98 % de Access Bank RDC doit d’abord se conformer aux exigences de l’Instruction n° 18 avant d’envisager toute expansion supplémentaire. La Banque Centrale du Nigeria impose elle aussi des conditions similaires pour limiter le risque de concentration.
Selon des médias économiques kényans, des responsables d’Access Holdings, d’Equity Group et de KCB ont exprimé leurs difficultés à identifier des investisseurs capables de reprendre des parts significatives dans leurs filiales congolaises.
La RDC figure toujours sur la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI), ce qui freine l’intérêt des investisseurs internationaux en raison des risques liés au blanchiment d’argent et au financement du terrorisme. De plus, malgré une rentabilité en hausse, avec un rendement moyen de 25 % des fonds propres en 2023, le marché congolais souffre d’un manque de capitaux locaux suffisants pour répondre à ces nouvelles exigences actionnariales.
Opportunités pour les intermédiaires financiers
À cette contrainte s’ajoute l’obligation d’atteindre un capital minimum de 50 millions USD depuis janvier 2025. Pour respecter cette exigence, Rawbank a mobilisé 35 millions de dollars via des obligations convertibles souscrites par ses deux actionnaires au premier semestre 2024.
Par ailleurs, la valorisation des actifs complique les cessions. En 2023, les cinq plus grandes banques du pays — Rawbank [4,81 milliards de dollars], Equity BCDC [3,94 milliards de dollars], TMB [1,86 milliard de dollars], Standard Bank Congo [1,46 milliard de dollars] et FirstBank Congo [970 millions de dollars] — concentraient à elles seules 77,3 % des actifs bancaires, représentant des montants considérables à réorganiser.
Si cette réforme représente un défi stratégique pour les grands groupes comme Citigroup, habitués à détenir la majorité de contrôle dans leurs filiales africaines, elle ouvre aussi des perspectives pour les banques d’investissement, cabinets juridiques et comptables. Ces acteurs pourront intervenir dans des opérations de due diligence, de conseil ou de restructuration.
Les frais d’intermédiation liés aux cessions pourraient atteindre entre 337 et 843 millions de dollars, en fonction de la valeur des actifs concernés et du pourcentage appliqué, estimé entre 2 % et 5 %. Ces montants reflètent la complexité d’un marché sous forte contrainte réglementaire et à faible liquidité.
Georges Auréole Bamba
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