Dans un document présentant ses performances de l’année 2024 aux investisseurs, Equity Group Holdings (EGH) décrit la République démocratique du Congo (RDC) comme « une nouvelle frontière prometteuse pour une croissance durable continue » du groupe. En d’autres termes, EGH voit la RDC comme un pays à fort potentiel où sa filiale Equity BCDC peut se développer durablement dans les années à venir, malgré les défis actuels.
Selon Innogence Consulting, cabinet de conseil en stratégie et en management, qui accompagne plusieurs banques congolaises, le marché bancaire devrait enregistrer une forte croissance en RDC dans les prochaines années. En s’appuyant sur le taux de croissance moyen annuel de la dernière décennie, Landry Djimpe, associé chez Innogence Consulting et responsable du bureau RDC, projette dans un article publié en janvier dernier une multiplication par trois du total bilan des banques, passant de 18,1 milliards de dollars en 2023 à 60 milliards en 2030.
Le pari d’EGH s’appuie sur plusieurs éléments : la richesse du pays en minerais stratégiques, le potentiel agricole avec environ 80 millions d’hectares de terres arables, un gisement hydroélectrique estimé à plus de 64 000 MW, un dividende démographique favorable avec une population jeune, une position géographique stratégique et des réformes institutionnelles et de gouvernance qualifiées de « solides » qui ont renforcé la coopération avec la Banque mondiale et le FMI.
À ces atouts, Landry Djimpe ajoute la transformation numérique. Il estime que jusqu’à 50 millions de personnes pourraient utiliser des services financiers numériques en RDC à l’horizon 2030. Selon lui, la mise en œuvre de la Stratégie nationale d’inclusion financière (SNIF 2023-2028), qui ambitionne de faire passer le taux d’inclusion de 36,5 % à 65 %, et les investissements publics en cours devraient également favoriser une bancarisation plus large.
Plus forte part de marché
Dans un contexte de tensions commerciales internationales et de révision des priorités des grandes économies, la RDC semble relativement préservée. Ses principales exportations — les minerais liés à la transition énergétique — ne sont pas affectées par les droits de douane américains. Même si la demande chinoise, principal partenaire actuel, peut ralentir, les États-Unis, engagés dans un effort de réindustrialisation, pourraient devenir un nouveau moteur pour les prix des matières premières.
Par ailleurs, les perturbations sécuritaires à l’est de la RDC, dues aux rebelles du M23 soutenus par le Rwanda, semblent évoluer vers une résolution pacifique, ouvrant la voie à des investissements américains.
Equity peut également compter sur ses propres forces. Présent au Kenya, en RDC, en Ouganda, en Tanzanie, au Rwanda et au Soudan du Sud, le groupe bancaire est au cœur de la dynamique commerciale de l’Afrique de l’Est. Il bénéficie notamment de la hausse des échanges commerciaux entre la RDC et les pays voisins. Actuellement, la RDC est le 4 ᵉ partenaire commercial du Kenya, siège d’EGH. À fin septembre 2024, les échanges entre les deux pays ont progressé de 23 %, un chiffre inférieur aux 43,4 % enregistrés en 2023 sur la même période, mais qui demeure la meilleure performance parmi les marchés où le groupe opère.
Aujourd’hui, la RDC est le pays où Equity détient sa plus forte part de marché. En RDC Equity contrôle 27 % du marché bancaire, contre 17,7 % au Rwanda, 15,1 % au Sud-Soudan, 13,1 % au Kenya, 7,4 % en Ouganda et 1,7 % en Tanzanie. Par ailleurs, depuis 2020, la clientèle d’Equity BCDC a plus que doublé, passant de 0,89 à 1,86 million de clients à fin octobre 2024, selon les données publiées par l’entreprise.
Toutefois, les contraintes réglementaires devraient mitiger la contribution de la RDC aux performances financières d’Equity Group Holdings. Une directive de la Banque centrale du Congo impose, à compter de juillet 2026, une limite de 55 % à la part que peut détenir un actionnaire dans le capital d’une banque.
Cette mesure, adoptée après le rachat d’Equity BCDC par EGH, risque de peser sur les revenus futurs et de remettre en question le modèle économique initial du groupe dans le pays. Avec 85 % des parts, Equity Group affirme rencontrer des difficultés à identifier des repreneurs crédibles pour céder les 35 % nécessaires à sa mise en conformité avec la directive du régulateur.
Pierre Mukoko
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