La récente fermeture de trois points de passage frontaliers entre la République Démocratique du Congo (RDC) et la Zambie introduit une complexité dans les échanges commerciaux entre ces deux pays voisins. Cette décision unilatérale de Lusaka, bien que présentée comme « temporaire », est de nature à perturber un flux commercial estimé à 1,8 milliard de dollars en 2023, selon des statistiques officielles.
Cette situation survient dans un contexte où la RDC a récemment suspendu pour 12 mois l’importation de certaines boissons zambiennes, selon son ministre du Commerce extérieur, dans le cadre d’une stratégie visant à soutenir la production locale de ce type de produits. La Zambie, pour sa part, justifie sa décision par la nécessité de prévenir une possible importation de risques d’instabilité sur son territoire, suite à des manifestations dans les localités frontalières avec la RDC contre des restrictions d’activités sur ces boissons.
Les arbitrages sont difficiles pour les dirigeants zambiens. En 2023, par exemple, la Zambie a exporté pour 1,6 milliard de dollars vers la RDC, contre seulement 182 millions de dollars d’importations. La RDC représente le troisième marché d’exportation pour ce pays, une position maintenue même au premier trimestre 2024 où les volumes vendus ont continué de baisser. Ainsi, cette fermeture des frontières pourrait donc pénaliser davantage les fournisseurs zambiens, dont le volume des activités pourrait reculer.
De son côté, le gouvernement congolais semble déterminé à rééquilibrer ses relations économiques, historiquement désavantageuses pour elle, avec ses voisins. Les premiers résultats sont encourageants : au premier semestre 2024, la RDC a enregistré un excédent commercial de 5,4 milliards de dollars, contre un déficit de 330 millions sur la même période en 2023. Cela lui permet de renforcer ses réserves de change, et ainsi défendre la valeur de sa monnaie, qui est le principal moteur de la hausse des prix dans son économie.
Néanmoins, des défis persistent. La partie sud-est de la RDC dépend fortement des importations zambiennes pour certains produits de première nécessité économique, comme le sel ou le soufre. De plus, si la situation se prolonge, la rareté des produits zambiens risquerait de déséquilibrer l’offre et par conséquent, on aura une accélération dans la hausse des prix, contrairement aux objectifs du gouvernement en la matière.
Mais au-delà des risques à court terme, cette situation révèle la volonté de Kinshasa de reconquérir une certaine souveraineté économique, notamment sur les produits de grandes consommations. Toutefois, il est crucial de gérer cette transition avec prudence pour éviter des perturbations économiques majeures et maintenir des relations commerciales stables avec ses voisins.
En fin de compte, cette situation, bien que contraignante à court terme, pourrait catalyser une redéfinition bénéfique des relations commerciales dans la région, avec des implications potentielles sur l’intégration économique de l’Afrique centrale et australe. La clé résidera dans la capacité des deux pays à négocier un équilibre entre la protection de leurs intérêts nationaux et le maintien d’un cadre d’échanges dynamique et mutuellement avantageux.
Idriss Linge