Le négociant en métaux IXM, filiale du groupe chinois China Molybdenum (CMOC), a annoncé le 30 juin avoir déclaré un cas de force majeure sur ses contrats de fourniture de cobalt. Cette décision intervient quelques jours après que la République démocratique du Congo (RDC) a prolongé de trois mois l’interdiction d’exporter le cobalt, initialement imposée le 22 février 2025.
Dans un communiqué, IXM précise que cette interdiction prolongée « rend légalement et pratiquement impossible à ses fournisseurs, dont Tenke Fungurume Mining et CMOC Kisanfu Mining, d’exporter des produits à base de cobalt depuis la RDC », affectant directement sa capacité à honorer ses engagements contractuels. « Alors que la chaîne d’approvisionnement mondiale en cobalt connaît une volatilité accrue, IXM reste engagé à gérer cette perturbation de manière responsable, dans le respect des cadres contractuels et réglementaires », ajoute l’entreprise.
Selon des propos rapportés par S&P Global Ratings, un acteur européen du marché a réagi : « C’était une question de temps — on pourrait même être surpris que cela ait pris autant de jours ». En mars dernier, Telf AG, responsable de la commercialisation du cobalt d’Eurasian Resources Group (ERG), avait déjà invoqué la force majeure auprès de ses clients. Glencore, autre géant du secteur actif en RDC, s’est pour sa part montré favorable à la prolongation de l’embargo.
Pour ce même opérateur européen, l’annonce d’IXM pourrait provoquer un effet psychologique sur les marchés, en raison de l’incertitude grandissante sur l’approvisionnement mondial. À ce stade, la suspension des exportations congolaises de cobalt affecte particulièrement les raffineurs chinois, très dépendants des importations d’hydroxyde de cobalt en provenance de la RDC.
En toile de fond, Kinshasa affiche sa volonté de mieux capter la valeur ajoutée de ce minerai stratégique, actuellement vendu brut sur les marchés mondiaux. Le code minier prévoit une redevance exceptionnelle de 15 % sur le cobalt, en raison de son caractère « stratégique ». Par ailleurs, si le prix de vente dépasse les projections de l’étude de faisabilité des entreprises, l’État peut également percevoir une taxe sur les superprofits.
Une stratégie risquée
Une part importante du cobalt issu de l’exploitation artisanale est désormais gérée par l’Entreprise générale du cobalt (EGC), structure publique censée permettre une meilleure captation des revenus d’un sous-secteur longtemps informel.
Le prix de la tonne de cobalt, estimé à 33 335 dollars le 30 juin 2025 selon la plateforme Trading Economics, a progressé de 61,7 % depuis l’annonce de la première suspension d’exportations. Mais ce niveau reste loin des pics de 79 191 dollars atteints en avril 2022, ou de 95 856 dollars enregistrés en mars 2018.
La stratégie congolaise n’est cependant pas sans risques. Certains acteurs du marché estiment que cette posture pourrait conduire certaines compagnies minières à suspendre ou ralentir leurs investissements dans le pays. À l’échelle mondiale, le blocage congolais pourrait aussi accélérer le développement de projets alternatifs en Indonésie, en Australie ou au Canada.
En 2024, la RDC représentait encore 73,6 % de l’offre mondiale de cobalt. Mais cette part pourrait tomber à 57 % d’ici 2035, selon S&P Global Market Intelligence, en raison de l’épuisement progressif du minerai et de la montée en puissance de l’Indonésie dans le raffinage via la technologie HPAL (lixiviation acide à haute pression).
Face à ces incertitudes, les fabricants de batteries et de véhicules électriques, très dépendants du cobalt congolais, accélèrent déjà leur diversification. Cela passe par des contrats à long terme avec d’autres pays, mais aussi par des investissements dans le recyclage des batteries et dans des technologies de stockage sans cobalt. Les producteurs d’électronique grand public suivent une logique similaire.
Georges Auréole Bamba
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