Les Émirats arabes unis sont devenus un partenaire de premier plan de la RDC, particulièrement dans le secteur minier. Acteur de l’augmentation de plus de 12 000 % des exportations congolaises d’or artisanal en 2023, la société émiratie Primera Gold est mise en cause par des experts onusiens.
Le négociant Sibtein Alibhai, agissant au nom de la société émiratie Primera Group, aurait rencontré plusieurs trafiquants d’or d’Afrique centrale pour leur proposer des opportunités commerciales. C’est du moins l’information révélée par le Groupe d’experts des Nations Unies sur la situation en RDC, qui précise que ces approches datent de février et mars 2024.
Les accusations des experts de l’ONU
Primera Group a conclu en 2022 un accord avec le gouvernement congolais qui lui donne un quasi-monopole sur les exportations d’or artisanal produit en RDC. Il faut souligner que M. Alibhai ne travaille officiellement plus pour Primera Group depuis avril 2023. Il a cependant été promu juste après stratège mondial en chef d’International Resources Holding, filiale de la plus grande société cotée d’Abu Dhabi, capitale des Émirats.
Notons que le mis en cause a nié auprès de Bloomberg tout lien avec Primera Group depuis sa démission en 2023, refusant toutefois de commenter les allégations de rencontre avec des trafiquants. Dans son rapport, le Groupe d’experts onusien pointe aussi le risque que de l’or de source inconnue entre dans la chaine d’approvisionnement de Primera Gold.
Entre janvier et mars 2024, la moitié de l’or acheté par Primera Gold, environ 350 kg proviendrait du territoire de Shabunda, au Sud-Kivu. Dans la localité, des négociants s’approvisionneraient cependant sur des sites potentiellement non reconnus par les autorités congolaises, en vue de revendre l’or à Primera Gold. La société assure pourtant acheter uniquement de l’or auprès de sites miniers validés et de négociants reconnus par l’administration nationale des mines.
Influence émiratie croissante dans le secteur minier congolais
Ces différentes informations remettent au cœur de l’actualité la question de l’influence émiratie en RDC en général, et particulièrement dans le secteur minier. Plus discret que la Chine, Abu Dhabi a pourtant renforcé ses relations économiques avec Kinshasa ces dernières années.
Au quatrième trimestre 2023, l’émirat apparaissait comme le deuxième plus grand créancier bilatéral de la RDC, derrière Pékin, selon la Direction générale de la dette publique. Dans le secteur minier, l’accord de décembre 2022 entre Primera Group et le gouvernement a certes permis un bond de plus de 12 000 % des exportations congolaises d’or artisanal en 2023, mais il est critiqué par une partie de la société civile.
Pour le collectif « Le Congo n’est pas à vendre » par exemple, Primera Gold (coentreprise congolaise contrôlée à 55 % par Primera et à 45 % par Kinshasa) bénéficie d’allègements fiscaux très généreux. Elle est imposée à hauteur de 0,25 % sur les exportations d’or, un taux 10 fois inférieur aux taxes appliquées aux autres sociétés d’exportation d’or artisanal, indique l’association de la société civile.
Rappelons que le gouvernement congolais est actuellement en pourparlers pour racheter les intérêts qu’il ne détient pas encore dans la société Primera Gold. Une décision prise après l’effondrement des exportations d’or de Primera Gold cette année, selon plusieurs sources médiatiques concordantes. Primera Group devrait alors se concentrer sur les minerais 3T (étain, tungstène et tantale), l’autre volet du partenariat noué avec le gouvernement congolais. L’achat et la transformation locale de ces produits miniers grâce à la mise en place d’une raffinerie sont notamment prévus.
Emiliano Tossou
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